La fièvre inflationniste est repartie à la hausse ces derniers jours, à près de quatre semaines du mois sacré. Enrayer cette envolée est un impératif absolu afin que les mesures salariales en faveur du pouvoir d’achat puissent avoir un effet. Le gouvernement a ainsi du pain sur la planche.

Par Hakim Ould Mohamed
L’envolée des prix des produits alimentaires de ces derniers jours amplifie la perception de l’inflation chez les petites et moyennes bourses et complique un peu plus la gestion des budgets durant le mois sacré du ramadan. Cette période de l’année se traduit traditionnellement par une hausse de la demande accompagnée d’une augmentation généralisée des prix, même si l’offre reste suffisamment abondante pour la couverture des besoins, ce qui relance, comme chaque année, à l’approche du mois de ramadan, la récurrente question sur l’origine de cette inflation des produits alimentaires, plus particulièrement les fruits et légumes, ainsi que les viandes. C’est à cette période de l’année que les consommateurs algériens perçoivent le plus l’inflation, même si celle-ci, rappelons-le, a été particulièrement agressive ces derniers mois, soit depuis la mi-2021. Pour deux raisons. D’abord, ce sont justement les produits de base qui ont le plus augmenté ces derniers mois sur les marchés mondiaux. Ensuite, la dérégulation des marchés et l’ampleur de l’informel ont fait que la formation des prix a été faussée par la multiplication des intermédiaires et les points de vente anarchiques. La fièvre inflationniste est repartie à la hausse ces derniers jours, à près de quatre semaines du mois sacré. Les carottes ont été cédées à 100 dinars le kilogramme, les courgettes à 160 DA/kg, les tomates (140 dinars), la pomme de terre (70 dinars), les oignions (120 dinars), les navets (100 dinars), les haricots vers (500 dinars), tandis que les prix du poulet demeurent à 420 dinars/kilogramme et les viandes rouges sont cédées entre 1700 et 2400 dinars/kilogramme. On constate sur les étals que la plupart des légumes ont vu leur prix augmenter, alors que les fruits de saison, dont les oranges et la mandarine, sont hors de portée, cédées respectivement à 300 et 350 dinars/kg. Les prix des dattes caracolent à plus de 700 dinars/kg, tandis que ceux de la banane sont à 480 et 500 dinars/kg. Et face à ces prix des produits agricoles frais qui s’envolent, que font les consommateurs algériens ? Ils ne s’en privent pas pendant le mois sacré, quitte à s’endetter ou à faire fondre leurs économies, d’où la hausse de la demande durant cette période de l’année. Mais durant le reste de l’année, beaucoup sont les Algériens qui réduisent leurs achats et qui se montrent plus sélectifs. Globalement, les Algériens dédient 56% de leurs budgets aux dépenses alimentaires, selon les études les plus récentes.

Poches de résistance ?
Pour faire tomber cette fièvre inflationniste, le gouvernement s’est livré à une bataille à coups de mesures administratives, dont la restriction des importations des céréales et des légumes secs et leur transfert à la seule prérogative de l’OAIC, ainsi que le plafonnement des prix des viandes blanches au niveau des points de vente de l’ONAB, en attendant ceux des viandes rouges après l’arrivée des volumes importés promis par les autorités en charge de cette question. En tout cas, sur les étals des marchés, les viandes blanches et rouges demeurent carrément hors de portée pour les petites et moyennes bourses. Le plafonnement des prix tardent à se traduire en mesures palpables sur le terrain, à quelques semaines du mois de ramadan. Face à ces tensions, la bataille lancée par le gouvernement s’annonce pour le moins dure, ce qui exigerait éventuellement de passer à la vitesse supérieure, en multipliant les opérations de contrôle des prix et de lutte contre les points de vente non autorisés. Le chef de l’Etat avait également exigé la mise en place d’une commission interministérielle pour le suivi des disponibilités en matière des produits alimentaires afin de parer à toute tension et pénurie sur les marchés. Le Président de la République en fait une priorité. Preuve en est que les mesures en faveur de stabilisation des prix et de lutte contre la spéculation pour le mois de ramadan 2023 ont été discutées à deux reprises en Conseil des ministres. En 2022, l’inflation des produits alimentaires a concerné l’ensemble des consommables industriels et agricoles frais. En variations annuelles, les produits alimentaires ont connu une hausse de +10,1% en 2021 à +13,4% en 2022. Ces évolutions, qui s’ajoutent à d’autres hausses concernant les produits manufacturés et les services, ont considérablement contribué à l’augmentation du rythme global d’inflation qui passe de +7,2% en 2021 à +9,3% en 2022. Enrayer cette fièvre est devenu un impératif absolu afin que les mesures salariales en faveur du pouvoir d’achat puissent avoir un effet. A quelques semaines du mois sacré du ramadan, le gouvernement a du pain sur la planche face à ce qui s’apparente comme des poches de résistance et des marchands non identifiés au niveau des institutions commerciales et fiscales et qui semblent échapper à tout contrôle.