Les pharmaciens d’officine sont en colère suite aux «tentatives» de changer la réglementation de la profession. Des rencontres au niveau national et régional sont en cours pour décider des actions à mener afin de dénoncer les «menaces qui pèsent sur le devenir de la profession».
Par Sihem Bounabi
En effet, Dr Messaoud Belambri, président de Syndicat national des pharmaciens d’officine (Snapo) déclare à ce sujet : «L’on sent des menaces suite au déroulement des Assises nationales de la santé et aux recommandations émises, conjuguées au fait que certains veulent absolument revoir le numérus clausus et la réglementation des officines. Il y a vraiment une grande inquiétude et une grande colère au niveau de la profession.»
Le président du Snapo souligne que, ces dernières années, la situation était relativement stable. Il rappelle que le premier arrêté ministériel daté du 20 décembre 1993 a été révisé à trois reprises. Il rappelle également que le ministère de la Santé avait, à un moment donné, annulé le numerus clausus, mais le Conseil national de l’ordre des pharmaciens avait introduit une action au niveau du Conseil d’Etat qui avait annulé l’action du ministère et le numerus clausus a été rétabli. Il souligne dans ce sillage : «On a été amenés, chaque fois qu’il y avait une menace, à monter au créneau à travers des actions de protestation dont des mouvements de grève, en mai 2002 et aussi en avril 2018, pour justement que cette modification n’ait pas lieu et on est prêt à se mobiliser de nouveau si les menaces sur la profession persistent.»
Dr Messaoud Belambri explique que cette colère est principalement due au fait qu’il existe déjà une situation de saturation, non seulement au niveau des officines, mais, également, sur tout le secteur en matière de recrutement. Le président du Snapo met ainsi en exergue que le véritable problème est un problème de formation, en expliquant qu’«on ne peut pas continuer à former des pharmaciens qui vont finir au chômage», soulignant qu’«il faut absolument réguler la formation pour que l’université forme selon les besoins réels du terrain». Pour cela, il préconise une planification comme cela se fait de par le monde à travers un numerus clausus pour l’accès à la profession et les installations, mais également pour l’accès aux études de pharmacie.
Dr Messaoud Belambri soulève également le fait que «même les choses qui devaient être faites ne l’ont pas été. On parle de revoir la réglementation alors que les textes d’application suite à la promulgation de la loi sanitaire 2018 n’ont pas encore été élaborés». Citant notamment les textes d’application concernant, à l’instar des statuts des pharmaciens hospitaliers, celui des pharmaciens assistants, de la formation continue ainsi que les textes qui spécifient que le Conseil de l’ordre doit être réformé ainsi que le décret 92/276 qui doit être changé.
Le président du Snapo se désole ainsi que l’«on néglige les urgences, de la mise en place de nouveaux services selon la nouvelle loi sanitaire et comme cela est préconisé par l’OMS. On va s’occuper de quelque chose qui n’est pas du tout une priorité, en l’occurrence la réglementation des officines qui n’a pas besoin d’être réformée».
Pour rappel, le numerus clausus, norme universelle, instauré par pas moins de 4 arrêtés ministériels et confirmé par un arrêt du Conseil d’Etat, est de vigueur pour permettre la création d’officine en fonction des besoins de santé de franges de population selon le ratio d’une officine pour 5 000 habitants. Ce ratio est descendu à une moyenne nationale d’une officine pour 3 800 habitants. Dans de nombreuses localités, il est compté une officine pour 2 000, voire même 800 habitants.
Un ratio qui, selon le Snapo, marque déjà une saturation contraire aux normes rationnelles et réglementaires instaurées et, en conséquent, le secteur officinal connaît une forte saturation. Beaucoup d’officines sont au bord de l’asphyxie et de la faillite.
Face à la menace persistante de l’annulation du numerus clausus, le président du Snapo souligne que «le syndicat est obligé de défendre la profession et la stabilité de l’exercice. On est aussi obligé de travailler pour la préservation de la réglementation de l’officine. Au-delà de la colère et de l’inquiétude sur le devenir de la profession, nous sommes toujours ouverts au dialogue. Et j’espère vraiment que ce genre de décision, qui porte atteinte au fondement de la profession, ne se fera pas de manière irréfléchie, mais dans la concertation». <