Par Sihem Bounabi
Suite à l’annonce, lundi dernier, du ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Mohamed Abdelhafidh Henni, de la levée du gel des Dérogations sanitaires pour l’importation (DSI) de la poudre de lait, à partir du mercredi 22 décembre, à «tous les opérateurs de la filière», le constat est amer pour de nombreux opérateurs, qui se sont déplacés au ministère pour avoir le précieux sésame. Et pour cause, arrivés sur place, ils constent que la situation est toujours bloquée puisque aucune DSI n’a été délivrée hier.
Il est à noter que l’annonce de la levée du gel de la DSI avait été accueillie avec prudence par la majorité des producteurs et importateurs. Ce n’est pas la première fois que le ministère de l’Agriculture annonce la levée du gel des DSI et que dans la réalité, elles sont toujours bloquées sans aucune «explication», ont-ils réagi.
Selon l’un des opérateurs de la filière, face au mutisme de la Direction sanitaire chargée de délivrer les DSI, au niveau du ministère de l‘Agriculture, les services du ministère sont en train de jouer sur le temps pour réduire la facture d’importation d’ici la fin de l’année, avec pour seul objectif de présenter un «bon bilan au Chef du gouvernement et au président de la République. Mais cela se fait sur le dos des industriels et des employés qui sont au chômage technique et sur le consommateur algérien, avec des conséquences catastrophiques». Se désolant que «c’est vraiment un cadeau empoisonné de fin d’année».
Concernant la disponibilité du lait sur le marché algérien, malgré les assurances du ministre de l’Agriculture, de fortes perturbations se font déjà ressentir en soulignant que, «certes, l’Etat a sécurisé les stocks de l’Onil, l’entreprise publique qui produit le lait en sachet, mais il faut être conscient que cela ne couvre que 40 % des besoins des Algériens en lait». Enchaînant que «le reste des producteurs de lait UHT, qui représente une grande part du marché algérien en termes de consommation et dont les producteurs ne bénéficient d’aucune subvention et payent la poudre de lait importée à pleins tarifs, devrait soit réduire les unités de production ou carrément arrêter la production, faute de matière première. Ce qui va certainement perturber le marché et mener à une pénurie certaine de lait UHT et des produits laitiers».
Des contrats d’achat résiliés
L’opérateur, qui n’a toujours pas obtenu de DSI, confie que parmi les impacts négatifs de ce blocage, beaucoup d’opérateurs ont perdu des contrats qu’ils avaient réussi à négocier à bons prix, il y a plusieurs mois, affirmant que «beaucoup d’usines dans plusieurs pays d’Europe, mais aussi en Argentine et en Turquie, ont résilié les contrats avec les Algériens, car elles ne peuvent pas attendre éternellement, vu qu’il y a une date limite pour l’embarquement des produits vis-à-vis de la législation algérienne». Il précise que ces contrats étaient prévus pour
embarquer la marchandise au mois de novembre dernier, et au plus tard, pour ce mois de décembre. Mais sans DSI, impossible d’embarquer la marchandise. Il déplore, qu’aujourd’hui, les prix de la poudre de lait ont augmenté de plus de
500 dollars par tonne et les prix des fromages de 1 000 euros la tonne, par rapport au contrat que les Algériens avaient réussi à négocier. Aujourd’hui, les opérateurs se retrouvent face à un autre problème, le risque que la poudre de lait soit indisponible aux mois de janvier et février, car les commandes et les contrats ont été bouclés pour cette période..
Pour sa part, Ali Hamani, président de l’Association algérienne des producteurs de boissons (Apab), confirme également que de nombreux adhérents «se sont présentés pour avoir les DSI, comme s’était engagé le ministre de l’Agriculture. Finalement, ils sont repartis bredouille sans l’autorisation d’importation et sans aucune explication». Se désolant que «c’est un mépris que l’on ne comprend pas. Nous sommes en fin d’année, et ne pas trouver un produit aussi important, c’est vraiment désolant. De plus, des chaînes de production sont à l’arrêt, c’est dramatique pour les familles des travailleurs qui se retrouvent au chômage et sans rémunération à cause d’une décision ubuesque».
Tout en réclamant que le ministre de l’Agriculture respecte ses engagements, le président de l’Apab confie que «la question que se posent des industriels et des producteurs face à cette situation est : n’y a pas une volonté de casser les unités industrielles de production UHT de lait et les produits laitiers ? Si c’est le cas, que le ministre nous le dise directement !» Toutefois, Ali Hamni assure que son association va continuer de se battre : «On ne va pas baisser les bras et on va continuer à sensibiliser et à maintenir le moral des troupes afin de préserver le peu d’activité qui reste».