La loi de finances complémentaire (LFC) pour 2022 remet au goût du jour l’investissement du privé dans les secteurs aérien et maritime.
PAR INES DALI
Avec les décisions qui y sont prises, il semble que le monopole des entreprises publiques aériennes et maritimes devra faire face à la concurrence du privé si les dossiers des demandes d’autorisation avancent et ne restent pas longtemps «à l’étude». Ces dispositions ont été annoncées il y a plus d’un an mais n’arrivent toujours pas à être appliquées sur le terrain. Les mesures de la LFC 2022 sont-elles annonciatrices d’un réel décollage du privé ?
La LFC 2022 introduit, dans son article 34, une mesure permettant «le dédouanement pour la mise à la consommation, à l’état usagé, des aéronefs et éléments d’aéronefs ainsi que des navires de transport de voyageurs et de marchandises». Cette mesure entre dans le cadre de «la simplification des dispositions législatives ayant trait à l’encouragement de l’investissement dans le domaine du transport aérien et maritime et en application des orientations des pouvoirs publics», explique-t-on dans l’exposé des motifs. Car l’article 57 de la loi de finances complémentaire pour 2020, modifié, autorise uniquement, le dédouanement pour la mise à la consommation, à «l’état neuf», des marchandises et équipements. Aussi, les investisseurs dans le domaine du transport aérien ont «sollicité l’acquisition d’aéronefs usagers».
C’est pour répondre à cette doléance et «afin d’alléger les procédures d’investissement dans le domaine du transport aérien et maritime et permettre ainsi au pavillon national de se renforcer, d’accroitre sa part de marché et de faire face à la concurrence rude des compagnies aériennes et maritimes étrangères, il est proposé l’introduction d’une disposition législative permettant l’acquisition d’aéronefs et de navires usagers répondant aux normes de sécurité internationales et nationales requises», est-il précisé. Les modalités d’application de cette mesure sont définies par «un arrêté conjoint du ministre chargé des Transports et du ministre chargé des Finances». Théoriquement, tout semble être prêt pour l’investissement privé, d’autant que nombreux sont les potentiels investisseurs qui ont «manifesté leur intérêt» aussi bien pour le transport aérien que pour le maritime, selon le ministre des Transports. Verra-t-on alors bientôt des autorisations délivrées par les autorités concernées pour l’ouverture de ces activités à très fort potentiel ? A voir le nombre de demandes, et ce depuis pas mal de temps, force est de constater qu’on semble faire du surplace, aucun agrément n’ayant encore été délivré notamment pour l’aérien.
Jusqu’à juin dernier, le ministère des Transports a donné son «accord de principe à 16 demandes d’investissement, dont 9 relatives au transport aérien public des voyageurs et des marchandises», selon le premier responsable du secteur, Abdellah Moundji. Il a, cependant, relevé l’existence de «quelques obstacles juridiques relatifs à l’acquisition et au traitement des nouveaux équipements des investisseurs», soulignant la nécessité d’introduire les modifications nécessaires pour résoudre ce problème.
Les opérateurs intéressés ont fait part, lors d’une réunion avec le ministre des Transports en décembre dernier, d’entraves relatives notamment au cadre juridique et législatif ainsi qu’au financement et à l’accompagnement des banques qui ont considéré que cette activité est nouvelle et qu’elle doit être étudiée. Le scandale de la défunte Khalifa Airways est resté gravé dans les mémoires et il s’agit de ne pas retomber dans les mêmes erreurs afin d’assurer la pérennité des nouvelles compagnies et des postes de travail.
Les accords de principe pour les nouveaux opérateurs ont été donnés dans le cadre de la promotion de l’investissement dans le secteur aérien devant être réalisé «soit avec un partenariat public-privé soit un partenariat privé-privé, en attente du parachèvement des dossiers requis des opérateurs économiques, selon le ministre. Lorsqu’il s’agit d’un investisseur étranger, a-t-il indiqué, celui-ci est soumis à la réglementation en vigueur stipulant qu’il doit s’associer à un investisseur local qui devra détenir 51% des parts de l’entreprise de droit algérien à créer.
Concernant les activités maritimes, le département en charge du secteur a «octroyé des droits de concession à 4 opérateurs privés pour le transport maritimes de marchandises et donné son accord de principe à 7 autres demandes d’investissement en matière de transport maritime de marchandises, outre 4 demandes pour le transport des voyageurs», toujours selon le ministre qui s’exprimait lors d’une séance plénière au Parlement en juin dernier. Il n’a pas donné de détails sur les investisseurs dont les demandes ont été retenues, mais a affirmé que des convocations leur ont été adressées et que l’opération se poursuivait.
La volonté de lever le monopole du secteur public sur l’activité aérienne a été affichée par le président de la République en août 2020, lorsqu’il avait affirmé, lors d’une rencontre sur la relance de l’économie nationale, qu’il n’était pas opposé à la création de compagnies aériennes privées. Le monopole d’Air Algérie notamment à l’international – Tassili Airlines assurant les lignes intérieures et peu de dessertes à l’étranger – fait qu’il y a absence de concurrence ayant mené à des prestations et une politique des prix qui font souvent l’objet de réclamations. En août 2021, le Premier ministre, Aïmène Benabderrahmane, a fait part d’un plan d’urgence pour redynamiser ce «secteur névralgique, qui constitue un composant critique du développement économique du pays et un vrai stimulateur de croissance économique». Un an plus tard, aucune entreprise n’est encore entrée en activité y compris pour le maritime qui a, pourtant, dépassé le cadre de l’accord de principe. <