Transféré au Bayern Munich pour 40 millions d’euros, Sadio Mané tourne la page de six années pleines à Liverpool. Chez les Reds, le Sénégalais a pris une ampleur inattendue, s’imposant comme l’un des meilleurs joueurs du monde. Mais parce que c’est lui et parce que c’est Liverpool, il n’a jamais incarné la tête qui dépasse. Et n’a pas eu la reconnaissance nécessaire.
A force de répéter qu’un joueur est sous-coté, on a tendance à le survendre. Sadio Mané est sans doute l’exception qui confirme la règle. Sous-coté, il l’est. Parce que son jeu se prête moins aux compils Youtube que d’autres, parce que ses stats pures ne valent pas celles des autres cyborgs d’aujourd’hui et parce que le Sénégalais n’a jamais fait de vagues mais beaucoup de différences. Survendu, il ne l’est pas non plus : si le Bayern a consenti à débourser près de 40 millions pour un joueur qui ne disposait plus que d’un an de contrat, c’est que le jeu en valait la chandelle.
Au zénith de sa carrière
Aucun doute n’est permis : le grand gagnant de l’affaire est bien le club bavarois. A 30 ans, Sadio Mané est sans doute au zénith de sa carrière, dans une forme de plénitude que sa saison passée n’a fait qu’accentuer. Lui le funambule du côté gauche s’est mué en un playmaker inédit : technique en mouvement, intensité de tous les instants, passes létales en direction des dragsters Salah et Luis Diaz et leadership de tous les instants. De quoi inspirer un nouveau chant du côté d’Anfield, après le carton de celui chanté en 2019. Voici les paroles du nouvel opus, sur l’air de Money, Money, Money d’Abba.
«Toutes les choses qu’il peut faire…». Ce sont ces mots-là qui résument le mieux Mané. Et c’est presque une surprise. Quand le Sénégalais débarque à Anfield en provenance de Southampton pour 41,20 millions d’euros, il est un joueur spectaculaire, aux coups d’éclats fréquents mais à la régularité encore incertaine. Surtout, il arrive après les échecs XXL Christian Benteke et Andy Carroll. Alors, forcément, la peur du flop guette les fans des Reds.
Le tweet de Carragher, la régularité de Mané
«Quand Mané a signé, j’ai donné mon avis sur ce deal sur les réseaux sociaux, avouait Jamie Carragher en mai dernier auprès du Telegraph. ‘Je trouve que 41 millions, c’est cher’ : c’est ce que j’avais écrit. Ce tweet a mal vieilli, tout comme toutes les réponses approuvant ce constat. Il y avait un consensus sur le fait qu’il était surpayé». Six ans après, forcément… «Quel que soit le prix payé, c’était une vraie affaire».
Pendant ces six ans, Mané sera devenu un joueur total, au rendement égal quel que soit son poste. Hormis sa première saison, il aura systématiquement disputé plus de 45 matches par saison. Dans le football heavy-metal de Klopp, avec un jeu qui se prête aux coups et donc aux blessures, c’est une performance à souligner. Il n’aura jamais rechigné à défendre et si Robertson apparaît plus fort qu’Alexander-Arnold défensivement, c’est aussi parce que le Sénégalais aura consenti les efforts nécessaires. Cerise sur le gâteau, le timing de ses pions aura souvent pesé lourd : depuis 2016, seuls CR7, Benzema et Lewandowski ont plus marqué que lui en phase finale de C1.
Salah plutôt que Mané… même pour le Ballon d’Or
Un symbole éclatant du manque de reconnaissance économique, politique et médiatique dont il souffre. Cette saison, à l’heure de dresser leur favoris pour le Ballon d’Or, les bookmakers anglais avaient systématiquement placé Mo Salah devant Sadio Mané. Une preuve que le football s’arrête souvent aux frontières en Angleterre et que la CAN et la qualification pour le Mondial obtenues par les Lions de la Teranga ne pesaient finalement pas lourd face aux exploits du pharaon Salah en Premier League, pourtant écœuré deux fois en sélection.
Au classement du Ballon d’Or, Salah est devenu une habitude, le genre de joueurs qui squattent forcément le Top 10 par ses stats délirantes et qui monte ou descend en fonction des performances des Reds (6e, 5e, 7e). Mané, lui, ne l’a devancé qu’une fois, en 2019, après avoir porté à bout de bras Liverpool vers les sommets en C1, avoir terminé co-meilleur buteur de Premier League et avoir été finaliste de la CAN. Mais, en 2019, c’est Virgil van Dijk qui avait reçu le plus de voix à Liverpool lors du scrutin doré. Comme quoi, un défenseur peut-être plus sexy qu’un attaquant.
Au fond, Mané ne colle pas aux besoins de l’époque. Mais c’est aussi pour ça qu’il s’est fait une place à part dans le paysage européen ces dernières années. Sa doctrine est simple : «Moi, je suis Sadio Mané et je fais du Sadio Mané, c’est-à-dire que je suis en effet plus effacé», avançait-il en mars dernier à France Football. Simple mais terriblement efficace. Il s’agirait de ne plus l’oublier… n