PAR NAZIM B.
Prévu hier au Tribunal Sidi M’hamed, le procès en appel de Saïd Djabelkhir, chercheur en islamologie, a été reporté au 20 septembre prochain en raison de l’absence des plaignants.
Le juge près le Tribunal avait condamné, en avril dernier, Djabelkhir à 3 ans de prison ferme assortie d’une amende de 50 000 DA suite à la plainte déposée contre lui par un enseignant universitaire spécialiste en sécurité électronique à l’université de Sidi Bel Abbès.
Le chercheur qui est poursuivi pour «offense aux préceptes de l’Islam», s’est dit hier «déçu» par le report de son procès en appel. «J’aurai aimé que la justice tranche pour être fixé sur mon sort. Je n’ai pas le choix, je suis obligé d’attendre», a-t-il déclaré, tout en rappelant le déroulement de son procès durant lequel il dit s’être défendu d’avoir porté atteinte à l’islam. «Je reste toujours sur mes positions. Je n’ai pas commis de blasphème. J’ai donné mon avis de spécialiste sur une question religieuse. Le débat devrait être académique», a-t-il encore déclaré hier devant le Tribunal, se disant plutôt «serein» et gardant confiance que «justice sera rendue».
Lors de son procès, Djabelkhir a soutenu qu’il était accusé par des «personnes qui n’ont aucune compétence en matière de religion». «C’est une première. Jamais un spécialiste, un universitaire n’avait été condamné pour avoir exprimé des idées qui relèvent de son domaine de compétence académique. Je suis choqué, je ne m’attendais pas à un verdict aussi dur», avait déclaré le chercheur à l’issue de la condamnation du 22 avril.
Pour sa part, son avocat, Maître Chadi, a estimé qu’il «n’y a rien de condamnable dans ces écrits, qui sont les avis d’un islamologue», indiquant que l’article 144 bis 2 du code pénal sur l’offense aux préceptes de l’Islam est porteur d’une disposition «agressive» et «répressive» qui a servi de base à la sentence et qu’il appelle à abolir. «Cet article, avec ses formulations générales, fait qu’un juge peut l’interpréter comme il l’entend», a soutenu Maître Chadi. De son côté, l’avocate Fetta Sadat a indiqué alors à Reporters que l’affaire Djabelkhir «nous interpelle, parce qu’elle pose avec acuité la lancinante question de liberté de conscience et de la libre pensée et de la liberté tout court». Pour elle, «cette affaire pose surtout l’urgence de l’abrogation des dispositions juridiques liberticides, à l’instar de l’article 144 bis du code pénal, sur la base duquel Djabelkhir a été jugé et condamné».
Ghalib Bencheikh, intellectuel et spécialiste du fait religieux, a estimé, quant à lui, que «ce qui se passe est un scandale. On ne peut pas criminaliser le débat d’idées. C’est une atteinte grave à la liberté de conscience et la recherche académique. Cette affaire dénote un archaïsme de la pensée que je dénonce. Ce qui lui arrive est tout simplement inacceptable». <