C’est sans surprises que les députés ont adopté, jeudi, à la majorité, le Plan d’action du gouvernement. Lors d’une séance plénière de l’Assemblée populaire nationale (APN), en présence du gouvernement au grand complet, les députés de la majorité ont voté en faveur de la copie du gouvernement, sans coup férir après l’avoir critiqué.
Cette adoption succède à une intervention du Premier ministre Abdelaziz Djerad qui a répondu aux questions des députés. Dans sa réponse Djerad n’a pas exclu la possibilité de recourir à des financements extérieurs à long terme et à des conditions avantageuses pour financer les projets prévus dans le plan d’action du Gouvernement. Dans une déclaration à la presse à l’issue de l’adoption du plan d’action du gouvernement, Djerad a avancé que « nous allons aller vers l’argent qui existe un peu partout dans le monde sans toucher à notre souveraineté ». Il a cité, comme exemple, les financements de la Banque africaine de développement (BAD) et des Fonds arabes d’investissements qui « donnent des prêts à très longs termes et à des taux d’intérêts très faibles, qui ne touchent pas à notre souveraineté et ne remettent pas en cause les fondements de notre politique économique », a-t-il argué. Intervenant à propos de la position de défiance des citoyens envers les gouvernants, le Premier ministre a réaffirmé la détermination du gouvernement « à recouvrer la confiance du citoyen à travers la revalorisation des valeurs humaines perdues, la consécration de la culture de l’abnégation dans le travail, la reddition de comptes, la promotion des libertés et la mise en place des mesures rigoureuses à l’encontre des coupables de défaillance et de manipulation de la loi et du denier public ». « Cette confiance ne saurait être gagnée que par la bonne foi dans la concrétisation de la bonne gouvernance, d’une véritable réforme politique, sociale et économique et du traitement des facteurs de l’ébranlement de cette confiance », a-t-il insisté. Selon le Premier ministre, le gouvernement est « conscient » que les passerelles de la confiance avec les citoyens « passent impérativement par un réel engagement à faire montre de franchise et de vérité, loin de toute fourberie et fausses promesses ». « Construire l’Algérie nouvelle, relever les défis et régler les crises que connaît le pays ne sauraient intervenir du jour au lendemain, et que cette entreprise nécessite du temps pour mettre en place les études et les approches de traitement », a-t-il fait remarquer.
Les débats initialement prévus pour deux jours se sont finalement étalés sur trois jours compte tenu de l’inscription en masse des députés. C’est que la quasi-totalité des députés souhaitaient intervenir. Mais en dépit de leur inscription en nombre, leur intervention n’a pas redoré leur image. Les parlementaires de la chambre basse ont joué double jeu et leur prise de parole était ambivalente. Tout en critiquant le gouvernement, ils l’ont assuré de leur soutien.
Les députés critiquent et soutiennent à la fois le gouvernement
Habitués aux positions ambivalentes, Abdelhamid Si-Affif, député FLN de Mostaganem, avait lancé lors des débats : « Votre plan d’action que nous allons soutenir pèche par manque de vision et d’échéanciers », avant de « féliciter » le nouveau chef de l’Etat. Le député de Mostaganem n’était pas le seul à jouer les équilibristes. C’est aussi le cas de nombreux parlementaires, à l’instar de Salah Eddine Bekhili, député du RND. « Nous allons vous accompagner, mais nous allons être des soutiens conseillers », a-t-il lancé, avant d’enchaîner en évoquant les subventions de l’Etat. « Au lieu de créer une polémique sur le lait, il est temps de cibler les subventions », a-t-il noté, tout en s’interrogeant sur les raisons qui font « qu’un smicard paie le sachet de lait au prix subventionné, au même titre qu’un fortuné ? » « Il est plus qu’opportun de sortir de cette situation », a-t-il préconisé. Des députés du Mouvement de la société pour la paix (MSP) ont eu une attitude similaire à l’instar de Nasredine Hamdadouche, habitué à la critique, mais lequel a qualifié le plan d’action « de bon », avant d’appeler à « la poursuite de la lutte sincère contre la corruption ainsi que la consolidation des mécanismes de contrôle et de reddition de comptes ». D’autres députés ont néanmoins tenté d’exprimer de véritables préoccupations, mais qui ont fini par ailleurs par voter le plan d’action. C’est le cas du député FLN Mohamed Tighersi qui a lancé : «Le nouveau gouvernement ne semble pas disposer d’une vision d’avenir.» Il regrette tout autant «l’absence de mécanismes d’application des réformes escomptées». Ce «n’est pas doté d’une stratégie claire pour la relance économique et ses actions ne sont pas suffisamment quantifiées ni budgétisées», a-t-il déploré. «Aucun objectif précis ni résultats attendus ni encore moins d’indications fiables ne sont associés à ce plan d’action du gouvernement», a-t-il critiqué. Un député RND a relevé de son côté «l’absence de chiffres dans ce plan qui a tout l’air d’une série d’annonces de bonnes intentions, sans toutefois détailler leur financement». «On ne sait pas d’où, le gouvernement puisera l’équivalent de 5 milliards de dollars pour financer un million de logements prévus dans son plan d’action», s’est-il demandé. « Les défis à relever en matière de croissance économique, d’investissement et d’emploi sont d’autant plus cruciaux qu’ils interviennent dans une conjoncture très difficile marquée par la poursuite de la mobilisation du Hirak, l’explosion du phénomène de la harga, le recul du prix du pétrole et l’érosion du pouvoir d’achat», fera observr Hassina Zeddam députée indépendante. De son côté, le député Bekaï Hemal (MPA) a dressé un constat alarmant de Tamanrasset selon lequel « la population vit encore grâce aux aides alimentaires». «Le billet d’avion Tamanrasset-Alger est plus cher que celui d’Alger-Paris», affirmant qu’«aucune entreprise publique n’existe dans cette wilaya».