Le monde des arts et des médias a été endeuillé le premier jour de l’année 2020 avec la disparition du photographe Nasser Medjkane, décédé à l’âge de 64 ans. Il a été enterré le jeudi 2 janvier après la prière d’El Asr au cimetière d’El Madania (ex-Clos-Salembier) à Alger, accompagné par une foule nombreuse dont de nombreux artistes et écrivains lui ont rendu hommage.
L’annonce de cette funeste nouvelle a été de suite suivie par une pluie d’hommages d’artistes, d’écrivains et de journalistes. Mustapha Benfodil, journaliste et écrivain s’est dit «bouleversé par la disparition de Nasser Medjkane – Allah yerahmou – un homme d’exception et un virtuose de la photo, doué d’un regard si profond, si singulier sur les êtres et les choses. C’est une chance de t’avoir connu mon frère.» Pour sa part, Bachir Deraïs, producteur et réalisateur, souligne que «Nasser était un homme sensible, calme, humble et loyal et très discret ». Les éditions Barzakh, avec lesquels le photographe avait collaboré, en 2010, à un livre de textes et d’images « Alger, quand la ville dort », où ses photographies en noir et blanc côtoyaient celles de Sid-Ahmed Semiane, ont écrit : « Très grande tristesse d’apprendre la mort du photographe reporter Nasser Medjkane. Homme du retrait, de la discrétion, il a su chroniquer, avec constance et humanité, la vie de notre pays pendant des décennies. Pour beaucoup, c’était un grand frère plein de générosité. » Ajoutant à propos du talent du photographe que «passants affairés, mendiants à un arrêt de bus, enfants dans un hôpital, aveugles en file indienne, soldats aux confins du désert -silhouettes et regards saisis dans la fulgurante beauté de l’ordinaire, dans leur poésie incongrue, autant de visages, de corps, de paysages urbains qu’il avait le don de saisir». Lors d’une rencontre à Alger, organisée en septembre dernier, par les éditions Barzakh avec le photographe français Raymond Depardon, il confiait «avoir repris goût à la photographie, avoir de nouveau le désir de la photographie depuis le 22 février…» Le réalisateur algérien Hassen Ferhani, écrit sur sa page Facebook «Nasser Medjkane nous a quittés. N’habek Nasser ou nebki 3lik ». Dans la même veine de poignant hommage, la page Facebook « Fabriq Algeria » témoigne à propos de Nasser Medjekane : «Ses images semblaient donner un nom et une identité à chaque visage et chaque paysage. Nous invitant à dire ‘toi qui es nommé, toi qui es doué d’identité, je t’aime d’un amour indéfini’». Le site culturel Algériades lui rend aussi un émouvant hommage en rappelant son parcours. Né en 1956 à Alger, photographe depuis près de quarante ans, puis directeur de la photographie pour le cinéma à partir de 2006, Nasser Kamr-Eddine Medjkane incarnait la discrétion. Collaborateur de journaux comme L’Unité, Révolution africaine, Alger Républicain et
Le Matin, il a été récompensé du Prix national du journalisme 1986 en Algérie. Le photographe, qui a vu son travail montré dès 1982 à Alger à la salle El Mougar, est revenu sous les projecteurs à la faveur d’expositions à Paris (12 ans de photojournalisme» : Nasser Medjkane, photographe» (Fnac, 2003), à Bamako (Rencontres africaines de la photographie en 2006, à Alger (Panorama de la photographie algérienne, Palais de la culture Moufdi-Zakaria, en 2005, et « Regards des photographes arabes contemporains », Musée national d’art moderne et contemporain d’Alger (Mama) en 2008. Ses captures de la vie à Alger, qui témoignent de son attachement déclaré à sa ville natale, des reportages comme ceux effectués au Sahara occidental au début des années 1990 ou durant le Festival panafricain d’Alger en 2009, des images de marches de protestation des années 1990 au Hirak (mouvement populaire encore en cours) de 2019. En tant que directeur Photos, et encouragé par Tariq Teguia, qui est allé chercher l’artiste et le technicien de l’image et du cadre, pour assurer la photographie de son premier long métrage «Roma wa la n’touma», 2006, il devient chef opérateur et se lance dans une seconde carrière consacrée au cinéma. Il sera le directeur de la photographie de plusieurs œuvres cinématographiques contemporaines à l’instar de «Inland» et «Révolution Zendj» également de Tariq Teguia, de «Loubia hamra» (Haricots rouges) de Narimane Mari, de «L’Oued, el Oued» d’Abdernour Zahzah et plus, récemment, de «Fragments de rêves» de Bahïa Bencheikh-El-Fegoun et «Nar» (Le Feu) de Meriem Achour-Bouakkaz.n