Les revendications des travailleurs de l’Eniem ont fini par avoir raison du PDG de l’entreprise Djilali Mouazer. Il a été limogé lundi, au lendemain d’une nouvelle marche organisée par ces mêmes travailleurs et qui s’est soldée par une rencontre avec le wali de Tizi Ouzou, annonciatrice d’un dénouement pour «les prochains jours» de la crise qui frappe la filiale d’Elec Al Djazaïr depuis près de deux mois. M. Mouazer quitte donc la tête de l’Eniem qu’il dirigeait depuis 2018, cédant son poste à Mustapha Chaoui, cadre au sein du groupe.
Installé hier par le directeur du groupe Elec Al Djazaïr au siège de l’entreprise, M. Chaoui a rencontré, lui et son staff, les travailleurs qui observaient un nouveau sit-in au complexe de Oued Aïssi. Ces derniers ont été rassurés sur la non-comptabilisation du congé technique dans les salaires, qu’ils revendiquent comme autre mesure à prendre pour reprendre leur travail. Cette décision sera étudiée dimanche prochain par le Conseil d’administration qui se réunira en présence de deux délégués des travailleurs, a-t-il expliqué. Lors de cette rencontre, «l’annulation du congé technique décidée par l’ancienne direction a été soumise au nouveau PDG qui s’est engagé à étudier la question au sein du Conseil d’administration», a fait savoir à l’APS le représentant syndical Mouloud Ould El Hadj. Ajoutant que «les travailleurs, globalement satisfaits de la décision prise par les pouvoirs publics, ont décidé de reprendre le travail dès dimanche avec l’organisation d’une assemblée générale pour la désignation de leurs représentants au Conseil d’administration (CA)».
La mise à l’écart de M. Mouazer était quasiment actée depuis que lui et son staff avaient pris la décision de décréter un arrêt technique de l’usine de Oued Aïssi s’étalant sur le mois de décembre dernier. Un plan social que les employés avaient d’emblée rejeté en opérant une contre-offensive à l’encontre du désormais ex-PDG de l’Eniem et son staff qu’ils désignent comme responsable de la disette financière empêchant l’approvisionnement de leur usine en matières premières.
Les différentes opérations de contestation organisées durant le mois d’arrêt technique étaient, à cet effet, principalement partagées entre des appels aux pouvoirs publics pour relancer l’Eniem et des feux nourris à l’encontre d’un PDG devenu persona non grata. Les hostilités avaient pris une nouvelle dimension début janvier, lorsque le mois fixé pour le chômage technique avait pris fin sans que les travailleurs retournent à leur lieu de travail. Bien au contraire, ils étaient montés une nouvelle fois au créneau pour conditionner ce retour par la non-comptabilisation du congé technique dans les salaires et le départ de leur PDG. Deux revendications à valeurs d’opportunités pour une section syndicale UGTA écartée des négociations par la direction de l’Eniem pour cause de mandat expiré sans que de nouvelles élections ne soient organisées pour la reconduire.
Certes, le ministre de l’Industrie avait fait explicitement comprendre aux travailleurs de l’entreprise publique qu’ils n’avaient aucun droit de choisir leurs responsables, mais Ferhat Aït Ali ne s’était pas empêché, non plus, de formuler des critiques à l’encontre de la gestion actuelle de l’Eniem. Suivront les annonces d’une solution déjà dégagée pour un plan de relance d’une entreprise asphyxiée financièrement, sans pour autant réussir à calmer la détermination des travailleurs à faire évincer M. Mouazer de ses fonctions. L’opération était dans l’air ces derniers jours, notamment depuis la semaine dernière, quand le Président du groupe Elec El-Djazaïr s’est rendu à Oued Aïssi où il a rencontré les travailleurs qui poursuivaient leur mouvement de protestation, ouvrant ainsi la voie au sacrifice du PDG en place pour calmer la tension sociale qui caractérise les lieux depuis le 1er décembre dernier.
Un sacrifice devenu visiblement inévitable face à des contestataires qui multiplient les sorties sur la place publique pour interpeller les autorités concernées. Pour preuve, les assurances fournies dimanche par le wali de Tizi-Ouzou, quant à un dénouement imminent de la crise, n’a pas empêché les travailleurs de revenir à la charge lundi.
Quant aux pouvoirs publics, ils semblent avoir choisi de démettre le PDG critiqué après avoir constaté que les promesses de la sortie de l’impasse promises ne suffisent plus à convaincre les contestataires. Bien au contraire, ces derniers optaient pour la pression sans relâche en multipliant les sorties sur la place publique pour interpeller les autorités concernées et obtenir des «actions concrètes».
Du concret que la tutelle entame en mettant fin aux fonctions du PDG décrié, le temps que la solution à la crise, évoquée par le wali, soit exécutable. Celle-ci consiste en «la mise en œuvre dans les prochains jours, le temps d’accomplir les formalités réglementaires nécessaires et d’arrêter les mécanismes adéquats, d’un plan de relance de l’entreprise qui a été soumis au Gouvernement», a indiqué le directeur local de l’industrie et des mines.
Et c’est dans cette même logique de dénouement qu’un représentant des travailleurs a tenu à les rassurer au sortir de la rencontre avec le wali. «A l’issue de notre rencontre avec le wali, puis avec deux administrateurs de l’Eniem, nous pouvons affirmer que nous allons vers la fin de la crise à l’Eniem, ce qui veut dire la satisfaction de nos revendications», s’est-il réjouit, précisant qu’«un dénouement de la situation à l’Eniem allait avoir lieu au courant de la semaine».
Il a commencé, apparemment, lundi, en attendant le contenu du plan de relance de l’entreprise. Celui-ci se fera, bien sûr, avec l’injection de crédits bancaires, mais sans doute aussi sur la base de nouvelles règles que les travailleurs de l’Eniem seront appelés à satisfaire pour préserver leur outil de travail de nouveaux scénarios de crise. Ceci d’autant que leur entreprise est déjà redevable de 13 milliards de dinars au banques, avait récemment chiffré le ministre de tutelle, soulignant qu’il s’agit d’un seuil d’endettement qui «laisse les banques hésitantes quant au financement de son complexe industriel». <