Un raid aérien contre une école militaire située dans la banlieue sud de la capitale, Tripoli a causé la mort d’au moins 28 cadets et des dizaines de blessés. Les cadets effectuaient un dernier rassemblement dans la cour principale de l’école militaire, avant de regagner leurs dortoirs. Bien que non revendiquée, la signature de cette attaque semble évidente. Les regards se tournent vers le maréchal Khalifa Haftar. Ce dernier avait réitéré le 3 janvier dernier, son ambition de reconquérir la capitale de la Libye où est actuellement basé le Gouvernement d’union nationale Fayez Al-Sarraj. « La victoire est proche… la bataille décisive de Tripoli touche à sa fin. » avait affirmé le maréchal Haftar lors de son discours télévisé, où il avait entre autres, appelé au « djihad armé contre la Turquie », qu’il a qualifié de « colonisateur ottoman ». Cette attaque meurtrière risque de faire basculer ce pays dans une nouvelle dimension de la violence. Une nouvelle intervention étrangère pourrait désormais devenir une réalité. La Libye déjà formellement coupée en deux entités risque ainsi de basculer dans une guerre ouverte. Depuis le début des attaques du maréchal Khalifa Haftar contre Tripoli, le bilan est déjà lourd avec la mort de 280 civils libyens et de plus de 2.000 soldats. Les citoyens déplacés en raison du conflit sont estimés à 146.000 Libyens, selon les chiffres de l’ONU. A l’est, le Parlement libyen, qui ne reconnaît pas la légitimité du Gouvernement d’union nationale (GNA) établi à Tripoli, a voté samedi la rupture des relations avec la Turquie, après l’accord militaire conclu entre Ankara et le GNA. Le Parlement a également demandé à ce que Fayez Al-Sarraj soit jugé pour « haute trahison ». Elu en 2014, le Parlement est proche du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est libyen. Lors d’une session « urgente » à Benghazi, le Parlement a approuvé « l’annulation des mémorandums de sécurité et de coopération militaire (…) entre le gouvernement » de Fayez Al-Sarraj et Ankara. Fin novembre, le GNA avait signé deux accords avec la Turquie. L’un portant sur la coopération militaire et l’aide que la Turquie pourrait apporter au GNA dans sa lutte contre Haftar. Le second permet à la Turquie de faire valoir des droits sur de vastes zones en Méditerranée orientale riches en hydrocarbures. Un accord vu par un mauvais œil par les pays de la région. Le Parlement turc a voté jeudi une motion permettant au président Recep Tayyip Erdogan d’envoyer des militaires en Libye pour soutenir le GNA. Cet accord et les réactions attendues de l’autre bord poussent déjà vers une conflagration aux conséquences encore inconnues. Les pays de la région regardent d’ailleurs avec inquiétude ce glissement dans un pays déstabilisé et soumis aujourd’hui aux luttes de pouvoir de plusieurs puissances. L’accord en question a suscité une vive réaction de Benghazi. « Le chef du GNA, ses ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur (…) doivent être jugés pour haute trahison et pour avoir ramené le colonialisme » en Libye, a estimé le porte-parole du Parlement d’Abdallah Bleheq rappelant que le Parlement a même voté « l’abrogation » de l’accord de Skhirat (Maroc, en 2015), qui a donné naissance au GNA, et appelé les Etats et organisations internationales à « retirer leur reconnaissance au GNA ». Cet accord qui a pourtant eu l’assentiment de la communauté internationale est ainsi directement fragilisé. Ce qui complique déjà un retour au calme. Les efforts d’unir les parties d’une Libye composée d’une multitude de tribus antagoniques sont mis en difficultés. Aujourd’hui la négociation a laissé place au bruit de la guerre et aux bombardements. La Libye risque bien de redevenir l’un des points les plus chauds de la planète. Les deux parties en présence dans ce pays se disent prêtes à en découdre. Et les différentes puissances qui se tiennent derrière annoncent qu’elles réagiraient en cas de besoin. La Libye semble désormais à la veille d’un basculement aux conséquences incalculables. n