Par Rouchdi BERRAHMA
J’ai un vif intérêt pour l’histoire de la Yougoslavie, la récente guerre en Bosnie-Herzégovine et les souvenirs des gens sur ces événements tragiques, en particulier. Je m’attendais à ce qu’il s’agisse de la guerre en Bosnie-Herzégovine, pour découvrir qu’il s’agit de la vie de l’auteur avec un fleuve, l’Una. L’Una est un fleuve long de plus de 200 km, qui s’écoule en Croatie et à l’ouest de la Bosnie-Herzégovine. Le fleuve, qui est un affluent de la Save, joue par endroits le rôle de frontière entre les deux pays. Le livre de l’Una de l’écrivain bosnien Faruk Šehić, lauréat du prix européen, permet au passage de ce fleuve de porter le récit de son protagoniste accablé alors qu’il cherche à guérir son passé troublé. Il est peut-être difficile de déterminer le genre littéraire de ce livre, mais il s’agit là d’un roman que l’on peut qualifier d’hypnotique. L’introduction de ce roman a très bien annoncé le thème, malgré certaines lenteurs et dilutions et quelques difficultés à suivre le scénario. Ce qui m’a marqué dans ce livre, c’est la façon dont l’auteur décrit les choses, révélant une âme très accablée, mélancolique et troublée. Mustafa Husar est un homme hanté, ses blessures sont profondes. Pour recoller les morceaux éclatés entre les jours tranquilles de sa jeunesse et sa vie de vétéran au milieu des vestiges de la guerre, il sait qu’il doit découvrir et mettre en lumière les sombres souvenirs qui reposent sous les cicatrices qui marquent son visage et son corps. En revisitant les années sombres et brutales de la guerre en ex-Yougoslavie, il espère trouver le salut et la reconstruction. Si l’Una n’avait pas coulé à côté de lui pour réconforter ses souvenirs, il n’aurait pas trouvé le moyen d’exprimer ses sentiments. Le fleuve porte l’histoire, et les créatures naturelles et légendaires qui habitent ses eaux forment le paysage et la mythologie par lesquels Mustafa Husar apprend à se comprendre.Le Livre de l’Una est un roman poignant, lyrique et pudique, qui parle de la reconquête de la vie sur la mort et la destruction.Pour conclure, c’est un roman à lire. Il n’y a rien d’autre à ajouter.

Biographie
Poète, écrivain et journaliste bosnien, Faruk Šehić est considéré par la critique littéraire comme une des figures de proue de la “génération écrasée” par la guerre de Bosnie (1992-1995), durant laquelle il a combattu dans les rangs de l’armée de Bosnie-Herzégovine et a été grièvement blessé. Il a publié de la poésie (Hit depo, 2003 et Transsarajevo, 2006), ainsi qu’un recueil de nouvelles, Sous pression (Podpritiskom, 2004), traduit en français par Christine Chalhoub et publié en 2014 par la Maison des écrivains étrangers et traducteurs de Saint-Nazaire (MEET). Le Livre de l’Una (Knjiga o Uni, 2011) est son premier roman. Il s’est vu décerner le prix de littérature de l’Union européenne en 2013 et le prix MešaSelimović en 2012. Il a été traduit en plusieurs langues, notamment en anglais, en espagnol et en néerlandais. n