Alors que le Hirak s’apprête à célébrer son premier anniversaire, le gouvernement ne semble avoir aucun complexe à le voir jouer un rôle dans l’avenir pour l’émergence d’une vraie société civile dans « la nouvelle Algérie » que l’on veut bâtir au plus haut de la pyramide du pouvoir. C’est le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, qui n’a pas tari d’éloges sur le mouvement populaire du 22 février.
Ammar Belhimer, de passage hier à la Chaîne III de la Radio nationale, a déclaré qu’« il n’est pas question d’enfreindre la poursuite du Hirak ». Ce dernier, a-t-il estimé, « peut à l’avenir alimenter un système de veille », voire « la naissance d’une nouvelle société civile, d’associations sur de nouvelles bases, et la refondation de la scène politique ». Plus encore, M. Belhimer ne voit aucun inconvénient à consacrer le 22 février comme « journée nationale » tel que réclamé un peu partout par les Algériens qui marchent chaque vendredi et mardi.
Emboîtant le pas au chef de l’Etat, le ministre de la Communication a qualifié le Hirak de « mouvement populaire béni » qui, a-t-il souligné, « a sauvé l’Etat algérien d’un effondrement annoncé ». « Le Hirak, qui est salutaire, fort opportun et légitime, a soulevé un cri de détresse et d’amour pour l’Algérie et a pris conscience d’un état d’effondrement avancé des institutions de la République », a encore déclaré l’invité de la radio. Sur sa lancée, Ammar Belhimer abordera le nouveau mode de gouvernance prôné dans le plan d’action du gouvernement, adopté par le Parlement. Un plan qui place « l’équation politique au premier rang » tout comme « la reconquête des libertés ». Reconnaissant que la crise en Algérie « est d’abord politique », ce qui est rare d’un responsable au pouvoir, M. Belhimer a révélé que parmi les actions inscrites justement figure « une matrice politique qui vise à réhabiliter les institutions de l’Etat sur la base de renouer avec le suffrage universel et de couper la relation entre l’argent et l’exercice du pouvoir ».
Le ministre a parlé d’un mode de gouvernance qui « fait appel à l’exercice des libertés de réunion et de manifestation, à une justice indépendante et moderne, adossées à un système de sécurité des personnes et des biens ». Abordant d’autres questions liées au travail du gouvernement d’Abdelaziz Djerrad, le porte-parole de l’Exécutif, qui répondait à une question concernant la récupération des fonds détournés vers l’étranger, a déclaré que l’opération « sera engagée d’une manière résolue et réfléchie ». A cet effet, « un dispositif sera mis en place sous l’autorité active du ministère de la Justice », a annoncé M. Belhimer, malgré, a-t-il reconnu, « la difficulté » de récupérer l’essentiel de cet argent. Et pour cause, ce genre d’opération obéit à la convention des Nations unies portant sur la lutte contre la corruption, ratifiée en 2005, dont le niveau d’application diffère d’un pays à un autre. La France, où atterrit, selon lui, l’essentiel des fonds algériens, est l’un des pays qui se montrent « plus permissifs » envers ces fonds, comparativement à des pays comme les Etats-Unis, l’Angleterre et l’Allemagne qui sont généralement prêts à coopérer.
S’agissant du financement des programmes inscrits dans le plan du gouvernement, Ammar Belhimer a assuré que le Gouvernement n’allait pas puiser massivement dans les réserves de change. « Si vous êtes un rentier, vous allez dire j’ai encore une marge de deux ans pour financer les différents projets, mais ce n’est pas l’intention du gouvernement », a-t-il dit.
Médias audiovisuels et électroniques : Vers un encadrement juridique
Enfin, et en ce qui concerne son secteur, le ministre de la Communication a indiqué que l’activité des médias audiovisuels et électroniques nécessitait un « encadrement juridique ». « Les médias audiovisuels et électroniques seront prochainement encadrés juridiquement car ils sont déjà agréés », a déclaré le ministre, annonçant que les chaînes de télévision privées seront désormais « de droit algérien ». « Le problème, c’est que ces médias évoluaient dans un secteur de non-droit car le mode de gouvernance a fait très peu cas de la place du droit comme mode de régulation (…) Le droit de la force et non la force du droit a prévalu », a-t-il déploré.
Les chaînes de télévision relevant du secteur privé « seront de droit algérien et nous allons mettre dans la mesure du possible un système qui les mettra sur le satellite algérien Alcomsat1 », a fait savoir Belhimer. De même que la presse électronique qui, pour le moment réunit quelque 150 sites, sera encadrée. « Nous leur avons donné l’autorisation d’exercer leurs activités en attendant de les encadrer juridiquement à partir de la semaine prochaine », a précisé Ammar Belhimer. Annonçant un premier atelier de réforme du secteur de la communication, consacré à la presse électronique, qui se tiendra ce jeudi. Dans ce registre, et dans une réponse indirecte à certains médias en ligne, le ministre a affirmé qu’« aucun site électronique n’est bloqué ».
Abordant le principe de la liberté
de la presse en Algérie, M. Ammar Belhimer, mettant en avant l’équation « liberté-responsabilité », a plaidé pour « un système de responsabilité qui encadre l’exercice de cette liberté », laquelle doit « respecter le droit à l’image d’autrui, l’honneur et la vie privée des personnes ». Quant à la presse écrite, qui vit des difficultés, il a nié toute intention d’aide de l’Etat. « Pour l’instant, il n’y a aucun outil financier pour soutenir la presse papier en difficulté, puisque le fonds de soutien à la presse n’est plus alimenté depuis 2015 », a-t-il dit, rappelant que les moyens de soutien disponibles en ce moment se limitent aux dettes auprès des imprimeries, la publicité d’Etat, et les maisons de la presse. Le ministre a enfin plaidé pour « la création d’associations et de syndicats représentatifs, actifs, puissants et unitaires, qui valorisent le bon exercice du métier ».<