Dans le contexte inquiétant de crise entre la Russie, l’Ukraine et ses soutiens Occidentaux, les Etats-Unis en tête, les pays exportateurs de gaz ont annoncé hier, mardi, ne pas disposer des capacités suffisantes pour augmenter rapidement le niveau d’approvisionnement de l’Europe. A l’issue du forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) qui les a réunis à Doha, au Qatar, ils ont indiqué également ne pas disposer non plus de données leur permettant d’avoir un prévisionnel et une visibilité sur les prix.

Par Kahina Sidhoum
«Nous apprécions les efforts de tous les membres (du FPEG) qui ont travaillé durement pour assurer un approvisionnement crédible et fiable en gaz naturel au marché mondial et pour préserver la stabilité de ces marchés», a déclaré l’émir du Qatar, indiquant que son pays avait assuré l’Europe de son «aide» en cas de difficultés d’approvisionnement, mais que celle-ci serait limitée aux volumes disponibles, les producteurs étant liés à «des contrats de long terme», a-t-il encore expliqué.
Selon l’émir, «les volumes» que les pays producteurs «peuvent rediriger vers d’autres clients «représentent environ 10 à 15%». «La Russie représente 30 à 40% des approvisionnements de l’Europe» et «remplacer rapidement ce type de volumes est quasiment impossible», a-t-il rappelé, donnant en même temps l’exacte photographie de la carte d’approvisionnement énergétique Russie-pays européens consommateurs et les enjeux qu’elle recouvre.
On peut rajouter à cet éclairage photographique l’atout géo-énergétique dont dispose actuellement la Russie et les risques importants, pour les Européens, tant sur le plan de l’approvisionnement que celui des prix, de chercher à sanctionner Moscou en cessant d’utiliser sa ressource gazière.
Côté russe, et face à des Européens davantage ancrés dans la stratégie étasunienne de faire de l’Ukraine (mais pas seulement) une plateforme pour un dispositif militaire d’attaque susceptible d’atteindre jusqu’à l’Oural, la menace de couper les vannes n’est pas encore à l’ordre du jour.
Hier, à Doha, le ministre de l’Energie russe Nikolaï Choulguinov a assuré que «les compagnies russes sont totalement engagées dans les contrats existants». Il s’était exprimé quelques heures avant les déclarations du président ukrainien Volodymyr Zelensky exigeant l’arrêt «immédiat» du gazoduc russo-allemand Nord Stream 2 après la décision de Moscou de reconnaître les «républiques séparatistes prorusses du Donbass, dans l’est de l’Ukraine.
Pour Cheikh Tamim Ben Hamad Al-Thani, l’envolée des prix du gaz a commencé bien avant la crise ukrainienne. Il a précisé sa pensée en déclarant que «tout ce qui se passe aujourd’hui sur les prix est fondamentalement lié au manque d’investissements». Pour combler le retard dans ce domaine, cela «va prendre du temps», a-t-il estimé. «Prédire ce que les prix seront» demain, «s’ils vont monter ou baisser, ça c’est entre les mains de Dieu», a-t-il répondu aux journalistes. Une opportunité pour l’Iran ? Encore sous le feu des sanctions américaines, ce pays espère tirer profit de la crise pour placer sa production en gaz sur les marchés européens. Le président Ebrahim Raïssi, arrivé lundi à Doha pour une rencontre bilatérale avec le dirigeant émirati, a insisté sur les «importantes capacités de production et d’exportation de gaz» de son pays. Il n’est cependant sûr que, en dépit de l’extrême complicité du Grand Jeu qui se déroule sous nos yeux et des scénarios qu’il peut générer, les Etats-Unis verraient d’un bon œil un retour sans frais de l’Iran sur le marché gazier.

bon à savoir
Les onze membres du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) ainsi que leurs pays associés représentent 70% des réserves prouvées de gaz et 51% des exportations mondiales de gaz naturel liquéfié. Le groupe des Onze dans son ensemble est constitué de l’Algérie, l’Egypte, la Libye, l’Iran, le Nigeria, la Russie, le Qatar, la Bolivie, la Guinée équatoriale, Trinité-et-Tobago et le Venezuela.