La Libye risque bien de devenir l’un des dossiers les plus préoccupants de la diplomatie algérienne. Les récentes visites de responsables du GNA libyen et du ministre des Affaires étrangères de la Turquie prouvent l’inquiétude généralisée qui agite les différents acteurs concernés directement ou indirectement par la question libyenne. La visite du ministre des Affaires étrangères italien Luigi Di Maio est également à inscrire dans le cadre de ce dossier épineux.
La déclaration du ministre des Affaires étrangère Sabri Boukadoum concernant la Libye selon laquelle Tripoli est « une ligne rouge » n’est pas passée inaperçue. Alger semble au travers de cette déclaration lancer un avertissement au maréchal Khalifa Haftar qui semble en route vers le contrôle de la capitale libyenne. La chute de la ville de Syrte, véritable verrou stratégique, introduit de nouveaux éléments sur le terrain. Lundi 6 janvier, les troupes du maréchal Khalifa Haftar ont réalisé une percée importante en s’emparant de Syrte l’ancien fief de Kadhafi, jusque-là contrôlé par les forces loyales au gouvernement national libyen de Faïez al-Sarraj. Cette prise de la ville littorale de Syrte est déjà considérée comme un tournant dans l’offensive visant Tripoli par le maréchal Haftar, activement soutenu par les Emirats arabes unis, l’Egypte et l’Arabie saoudite. Ligne géopolitique séparant la Cyrénaïque (Est) de la Tripolitaine (Ouest), Syrte est la porte d’accès à la métropole portuaire de Misrata, située à 250 km à l’Ouest, siège de la principale force militaire qui protège la capitale, Tripoli. Cette prise de Syrte met déjà Misrata à découvert sur son flanc oriental, selon les observateurs du dossier libyen. Les Turcs, qui devraient rapidement s’installer à Misrata, seront vraisemblablement dans un angoissant face-à-face avec Haftar et ses troupes. Le récent appel du président turc Recep Tayyip Erdogan et son homologue russe Vladimir Poutine à un cessez-le-feu en Libye à partir du 12 janvier laisse une interrogation sur la réaction de Haftar et ses promoteurs. Avec l’intervention désormais affichée des acteurs régionaux en Libye, la donne semble avoir particulièrement évolué. Et le glissement vers une nature différente du conflit n’est désormais plus exclu. Cette complication du dossier libyen semble surtout avoir contraint Alger, traditionnellement adepte de la non intervention, à reprendre la question en main. Et réanimer les outils en sa possession afin de jouer le rôle qui devrait être le sien. L’élection d’un nouveau président de la République en la personne de Abdelmadjid Tebboune semble être venu au bon moment pour la diplomatie algérienne. Cette dernière qui a souffert durant presque une décennie de l’absence, pour cause de maladie, de l’ex-président la République devrait reprendre son rôle régulateur dans la région. Et quoi de mieux que le brûlant dossier de la Libye pour se réinstaller comme acteur incontournable dans l’évolution de la situation, mais aussi incontournable lorsque viendra le temps du dialogue. Cette réactivation de la traditionnelle diplomatie algérienne sur le cas libyen ne saurait exclure une autre diplomatie, parallèle celle-ci, qui ne saurait s’encombrer des rapports strictes entre Etats. La connaissance algérienne des logiques internes de la Libye et des connexions traditionnelles seront inéluctablement d’un grand apport pour l’Algérie et feront d’Alger l’interlocuteur inévitable dans ce dossier libyen.<