PAR INES DALI
Les appels à une solution politique qui dépasserait celle préconisée dans l’article 102 de la Constitution se multiplient aussi bien de la part de la population que de la part de la classe politique et autres personnalités. La solution politique peut être trouvée dans les articles 7 et 8 qui attendent leur application, selon les explications du politologue Abdelaziz Djerrad ou encore d’Ali Benflis.
«L’Algérie n’est pas prisonnière de l’article 102. Gaïd Salah avait certes la première fois évoqué le 102, mais il a ensuite ajouté les 7 et 8.
Qu’est-ce qu’on attend pour les appliquer ?», s’est demandé M. Djerrad, hier, sur les ondes de la Radio nationale. Pour lui, le 102 est «un verrou qu’il faut absolument dépasser» et «donner la priorité aux 7 et 8». De la sorte, «on ne sort pas de la Constitution, au contraire, on pourra répondre à une revendication légitime du peuple». Il ajoute qu’«on pourra même, dans le chapitre de l’Etat et du peuple, répondre par l’article 12 qui stipule que «l’Etat puise sa légitimité et sa raison d’être dans la volonté du peuple ; sa devise est par le peuple et pour le peuple ; il est au service exclusif du peuple». Cet article répond exactement à la problématique du dépassement du 102 puisque, estime-t-il, c’est l’Etat, à travers ses institutions, qui doit répondre aux revendications populaires. Mais M. Djerrad préconise d’agir rapidement car plus la crise dure plus il y a risque de récupération. «Nous sommes à un moment très important de l’évolution de cette situation. Je souhaite que le peuple reste mobilisé, mais il est temps de lui répondre par la mise en application des 7 et 8.» Plus explicite, M. Djerrad déclare qu’il est temps de changer les personnes que le peuple rejette car «la politique est aussi la symbolique et, comme il y a une rupture de confiance entre le peuple et ses gouvernants, il faut éliminer les symboles du système personnalisés par ceux qui dirigent le pays actuellement pour dépasser la crise». Il rappelle qu’il y a également une crise économique majeure qui pointe si des mesures ne sont pas prises dès maintenant.
Trois décisions majeures doivent être prises, selon le politologue. Il s’agit d’«éliminer très rapidement les 3 ou 4 personnes qui constituent des verrous», de «mettre en place des mécanismes et instruments de remise en cause des textes relatifs à la loi électorale» et de «proposer une commission indépendante, transparente et libre pour organiser l’élection présidentielle». Mais il insiste encore sur l’urgence de prise de décisions, sachant que l’échéance présidentielle est prévue pour le 4 juillet prochain. Dans ce sens, il évoque le cas des magistrats qui refusent de superviser l’élection présidentielle et déclare que «si un élément aussi majeur que la justice annonce une telle position, il est probable qu’il soit suivi par d’autres institutions. Si l’élection devait se tenir dans de telles conditions, la crise de confiance sera encore plus importante et il en résultera une rupture totale entre gouvernants et gouvernés.
D’où l’urgence de prendre les décisions adéquates par les décideurs». Revenant sur les personnes décriées à la tête d’institutions importantes, il relève qu’«il y en a qui sont dans une situation de déni de la réalité et ne comprennent pas qu’on est dans une remise en cause de ce régime», avant d’exprimer le souhait que «certaines personnes ayant émergé à travers ce mouvement populaire (universitaires, magistrats, intellectuels, avocats honnêtes) puissent discuter avec les responsables de l’Etat, notamment ceux qui pourraient être délégués par l’institution militaire» pour être au rendez-vous du 4 juillet dans des conditions acceptées par le peuple et aussi «pour éviter qu’on ait un Président avec un pouvoir affaibli».
Les appels à l’application des articles 7 et 8 viennent aussi d’Ali Benflis qui estime que «si la politique est une méthodologie d’encadrement et de conduite, les Constitutions et les lois ne sont rien d’autre que les instruments de cet encadrement et de cette conduite. En conséquence, le traitement de la crise actuelle doit être tout à la fois constitutionnel et politique».
Pour lui, dès qu’une impasse apparait sur la voie constitutionnelle, on peut la surmonter par le recours à la voie politique. Il appelle donc à l’application des articles 7et 8, une voie qui offrirait «une couverture constitutionnelle solide à la partie politique de la solution de la crise».n