Ce qui était appréhendé par les associations et les milieux politiques depuis la requête déposée par le ministère de l’Intérieur contre le Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ) est désormais une réalité.

PAR NAZIM BRAHIMI
Le tribunal administratif de Bir Mourad Raïs, qui s’est saisi de l’affaire suite à la requête déposée au mois de mai dernier par le département de l’Intérieur, a prononcé la dissolution de RAJ, créé en 1993 au lendemain de l’ouverture démocratique née après les évènements d’Octobre 1988.
Si l’appel que les avocats ont introduit auprès du Conseil d’Etat n’aboutissait pas, l’association RAJ disparaîtra du paysage du mouvement associatif, un scénario que les militants politiques et des droits de l’homme ne souhaitent pas, au vu de ce que représente cette association dans les luttes démocratiques.
Le ministère de l’Intérieur a engagé une procédure judiciaire contre RAJ, destinataire, le 26 mai 2021, d’une citation à comparaître devant le tribunal administratif d’Alger à la suite d’une requête déposée au niveau de ce tribunal réclamant la dissolution de l’association. Motif avancé : les activités de RAJ sont en violation de la loi 12-06 régissant les associations et en contradiction avec les objectifs énumérés dans les statuts de l’association.
Faire appel devant le Conseil d’Etat
Dans sa première réaction à l’avis du tribunal, RAJ, qui rend hommage à ses avocats, promet de ne pas baisser les bras. «Ce verdict ne va pas nous affaiblir. Ce verdict n’effacera pas les 28 ans d’existence, de résistance et de lutte pour la citoyenneté, la liberté et la démocratie», écrit RAJ dans un communiqué. Soulignant son ancrage dans la société et dans les esprits des militants et des Algériens, RAJ indique qu’en dépit de cette décision «injuste et aberrante», il va «se battre et défendre l’association pour qu’elle continue à exister sur le terrain».
Le collectif de RAJ, présidé par Abdelouhab Fersaoui, poursuivi lui-même et mis en détention l’année passée, précise que ses avocats «vont faire appel devant le Conseil d’Etat contre le jugement de dissolution rendu par le tribunal et, parallèlement, demandé en action séparée au Conseil d’Etat de surseoir l’exécution du jugement dont appel».
La décision de la justice a suscité une désapprobation de plusieurs formations politiques du courant démocratique qui ont considéré cette séquence comme une atteinte aux libertés publiques, exprimant leur solidarité. «Après des centaines d’arrestations, un pas grave vient d’être franchi. Une organisation de jeunes, agréée depuis 28 ans, ayant pris part à de nombreux combats démocratiques, la restauration de la paix durant la décennie noire et accompagné la révolution du 22 février 2019, est dissoute par voie administrative», s’est indigné le Parti des Travailleurs (PT).
Indignation
Pour le parti de Louisa Hanoune, «la dissolution de RAJ, ce 13 octobre, association fondée après les évènements d’octobre 1988, confirme la volonté de remise en cause de l’ensemble des acquis du peuple algérien et des libertés arrachées par le sang de plus de 500 jeunes victimes lors des évènements du 5 Octobre 1988».
Le PT considère que «c’est un acquis fondamental qui est remis en cause», exigeant «le respect des libertés d’organisations en associations et partis». De son côté, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) a estimé qu’«après 28 ans d’un combat pour les libertés et l’émancipation de la jeunesse, l’association RAJ vient de subir les foudres d’un pouvoir aux abois par le biais d’un tribunal administratif».
Pour le RCD, la dissolution du RAJ «signe désormais l’impossibilité pour la «Nouvelle Algérie» de tolérer l’existence de tout espace autonome», condamnant, par la même occasion, ce qu’il considère comme «la nouvelle escalade dans le déni des droits fondamentaux des citoyens». Le Front des forces socialistes (FFS) a indiqué, quant à lui, que «cette procédure judiciaire inéquitable est considérée comme un précédent qui ne s’est pas produit depuis l’avènement du pluralisme politique, associatif et médiatique avec la Constitution de 1989». Exprimant sa «solidarité absolue» avec RAJ, le FFS rappelle que «l’activité associative est un droit garanti par la Constitution» et qu’il est «inacceptable et dangereux» de l’obstruer.
Chez les ONG, c’est Amnesty International qui a réagi en estimant que la décision de dissoudre RAJ est «une gifle aux droits humains en Algérie», ajoutant qu’il s’agit d’un «indicateur inquiétant de la détermination des autorités à réprimer l’activisme indépendant, les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique».
Pour Amnesty international, «la fermeture des organisations de la société civile est l’une des restrictions les plus sévères imposées au droit à la liberté d’association», soulignant que «le faire dans le but de faire taire les critiques et d’écraser la dissidence est tout simplement illégal et inacceptable». <