L’opération de vérification et d’assainissement des projets financés par l’ANADE (l’agence nationale d’appui et de Développement de l’entrepreneuriat), qui a remplacé l’ANSEJ, tend à révéler des chiffres très importants attestant d’une pratique frauduleuse à travers laquelle sont « lancées » des entreprises fictives.
PAR NAZIM BRAHIMI
L’ANADE a en effet fait état d’une réalité plus qu’inquiétante, puisque depuis le début du processus de vérification, 342 poursuites judiciaires ont été entamées et 6.700 avis de mise en demeure ont été envoyés avant d’engager des poursuites judiciaires.
Evaluant à plus de 60% les entreprises enregistrées par l’agence et qui sont réellement des entreprises fictives, l’agence a également prévu d’ajouter à sa liste noire tous les fournisseurs qui ont fourni un équipement qui ne répond pas aux techniques convenues.
Il ne s’agit pas de la première fois que l’ANADE monte au créneau pour débusquer les fraudeurs.
Il y a 20 jours, l’ANADE avait indiqué que sur les 22.687 micro-entreprises visitées entre septembre 2022 et février 2023, seulement 8.464 étaient en activité.
Les chiffres de l’ANADE indiquent également que 12.528 micro-entreprises ont cessé d’exister et que 1.448 autres sont inactives bien qu’elles aient bénéficié des équipements nécessaires pour leurs activités.
Ces indications montrent clairement l’étendue de la fraude qui accompagne ce dispositif de création d’entreprises lancé par les autorités dans un plan visant à absorber le chômage notamment parmi les jeunes.
Ce qui conforte les critiques de la Cour des comptes qui, dans un précédent rapport, avait attribué de mauvaises notes pour la gestion des agences dédiées au soutien à l’emploi des jeunes.
En optant pour la communication des chiffres relatifs aux entreprises fictives, l’ANADE veut-elle effacer le sale héritage de l’ANSEJ à travers laquelle ont prospéré de fausses entreprises et de faux emplois financés par l’argent public ?
Cela relève du domaine du possible et l’ANADE a du pain sur la planche pour prétendre réussir la mission qui lui a été assignée.
Dans cette perspective, le ministère de l’Economie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises – la tutelle de l’ANADE depuis octobre 2022, alors que l’ANSEJ avait vécu sous la tutelle du ministère du Travail – avait informé au début du mois qu’une commission ministérielle a été installée à l’effet d’apporter les réformes nécessaires censées redéfinir le rôle et la vocation de l’ANADE.
La démarché a été motivée sur la base des « nombreux dépassements que l’Agence a connus depuis sa création, notamment à travers la propagation du phénomène des projets fictifs et des prestataires corrompus impliqués dans la dilapidation de l’argent public». Un rapport devrait être soumis au Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, contenant des propositions à l’effet de «changer le mode de soutien de l’Etat aux micro-entreprises en l’orientant vers des critères économiques incitant les jeunes entrepreneurs à se lancer dans l’entrepreneuriat et le monde des affaires sur des bases réalistes et avec des objectifs générateurs de richesses et d’emplois».
Mais plus que ce souci de transparences et de traçabilité dans le financement public de l’acte entrepreneurial, l’ANADE lancée fin 2020, peine encore à réhabiliter l’acte d’entreprendre dans sa dimension économique créatrice de richesse et porteuse de croissance.
Sans doute que l’agence s’est vite retrouvée à gérer le lourd passif hérité de l’Ansej, à travers une interminable opération de comptabilisation d’entreprises en difficultés et de dossiers de dettes non remboursées et d’autres effets pervers nés à l’ombre de ce dispositif.
Au mois de janvier, M. Yassine Oualid, ministre de l’Économie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises, a présidé un comité interministériel, avec la participation des secrétaires généraux de dix ministères, afin d’étudier « les changements radicaux » concernant l’ANADE dans le but de « passer de l’approche sociale actuelle, à une approche purement économique ».
Il est attendu à ce que ce comité formule «une série de propositions visant à modifier le modèle de soutien de l’État aux petites entreprises et l’orienter vers des normes économiques qui motiveraient les jeunes entrepreneurs à se lancer dans l’entrepreneuriat», insistant sur le fait que «l’entreprise repose sur des bases et des objectifs réalistes qui produisent de la richesse et des postes de travail». <