Les 23 pays membres de l’Opep+ ont décidé d’augmenter leur niveau de production de pétrole de 100.000 barils/jour. Une quantité négligeable quand on la compare aux quelque 432 000 puis 648 000 barils supplémentaires fixés les mois précédents. Un réflexe de parcimonie et de cohésion pour des producteurs qui cherchent à préserver l’équilibre actuel du marché. Un choix de raison pour maintenir les prix en fonction de leurs intérêts économiques et stratégiques. Une réaction d’autonomie, aussi. Par rapport aux appels des grands pays industrialisés, les Etats-Unis en tête, à ouvrir davantage les vannes pour tenter d’enrayer la flambée des cours. 100.000 barils/jour et pas davantage !
Par Feriel Nourine
La production de l’Opep+ augmentera de 100 000 barils par jour (bpj) pour le mois de septembre. La décision a été prise hier, lors de la 31ème réunion de l’alliance composée de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et ses partenaires, dont la Russie.
C’est la hausse mensuelle la moins importante dégagée par l’Opep+ depuis sa réunion de juillet 2021 portant sur la mise en œuvre du plan d’augmentation graduelle à son offre qui a été fortement réduite en mai 2020 pour faire face à l’effondrement du marché pétrolier engendré par la pandémie de Covid-19.
Le supplément dégagé par les 23 pays membres de l’Opep et leurs alliés était de 400 000 bpj, à partir d’août 2021, avant de passer à 432.000 bpj/jour, puis 648.000 bpj pour juillet et août 2022.
Concernant la production de l’Algérie, elle augmentera de 2000 bpj le mois prochain pour se chiffrer à 1 057 000 bpj, contre 1 055 000 bpj en août, a fait savoir le ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab.
A noter aussi qu’à la veille de la réunion, le comité technique conjoint (JTC) de l’Opep+ s’est réuni lundi, et a réduit de 200 000 bpj jour sa prévision d’un excédent sur le marché du pétrole cette année, pour la ramener à 800 000 barils par jour, ont fait savoir des délégués de l’alliance.
Ainsi donc, après avoir renforcé à deux reprises sa production, ces derniers mois, le groupe des pays producteurs d’or noir décide de mettre un frein à son élan, laissant sur leur faim les pays consommateurs, et à leur tête les Etats-Unis dont le Président Joe Biden s’est déployé récemment pour obtenir une augmentation conséquente en comptant sur les efforts de l’Arabie saoudite pour y arriver. En effet, lors de sa visite, en juillet, chez le premier exportateur mondial de pétrole et chef de file de l’Opep, le locataire de la Maison Blanche avait fait du dossier pétrolier et la sécurité énergétique un point cardinal à l’ordre du jour de ses discussions avec le prince héritier, Mohammed ben Salmane.
M. Biden devait cependant attendre la réunion de l’Opep+ pour connaître la réponse de Ryad. Laquelle devait être prise dans le cadre de l’Opep+, avait alors signifié le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel Al-Jubeir. «Nous avons des liens avec d’autres pays dans la cadre de l’Opep+», avait indiqué Al-Jubeir, non sans souligner que «l’Opep+ effectue convenablement sa mission et assure le suivi de l’évolution du marché».
«C’est à l’Opep+ de décider s’il y a augmentation de la production», avait répondu le ministre saoudien aux des journalistes qui voulaient savoir si Ryad allait répondre favorablement aux sollicitations du président américain.
Ce dernier n’a finalement pas eu gain de cause, ses arguments pour obtenir plus de brut et des prix abaissés n’ayant pas pu influer l’Arabie saoudite dont les relations avec les Etats-Unis sont en train de perdre de leur aspect «privilégié et stratégique» face à des facteurs géostratégiques qui reconfigurent la carte des alliances.
Ce que laisse entrevoir sans doute la modeste hausse de production décidée hier par l’alliance, dans la mesure où elle vient confirmer la position de l’Arabie saoudite et la déclaration de son haut responsable diplomatique. Elle réaffirme par ailleurs la cohésion qui règne au sein du groupe des 23 entre membres de l’organisation et leurs alliés, à leur tête la Russie, que les pays occidentaux tentent de mettre en quarantaine en cassant cette cohésion par la voie de l’Opep.
Une cohésion qui évolue sur fond d’une prudence constamment en éveil chez l’Opep+. Car c’est manifestement cette prudence qui s’est encore manifesté lors de la réunion d’hier, privilégiant les intérêts des pays producteurs dans un esprit de groupe, alors que le marché de l’or noir est en train traverser une zone de turbulence, ces dernières semaines, qui tirent les prix vers le bas.
Depuis leurs sommets de mars dernier à des niveaux plus vus depuis la crise financière de 2008, les deux références du brut ont perdu plus de 26%.
Une situation mise en avant par le nouveau secrétaire général de l’Opep, Haitham al-Ghais, à la veille de la même réunion. Dans une interview parue sur le journal koweitien Al rai lundi, M. Al-Ghais relève que le marché pétrolier est actuellement «très volatil et turbulent», ajoutant que «l’Opep ne contrôle pas les prix du pétrole, mais pratique ce qu’on appelle régler les marchés en termes d’offre et de demande».
Pour preuve d’une volatilité difficile à contrôler, et qui oblige l’Opep+ à redoubler de prudence et de vigilance, la chute des prix enregistrée hier lors des séances d’échange.
Après un cours rebond attribué à la décision de l’Opep+, les cours ont repris leur tendance baissière pour enregistrer de fortes baisses.
En fin d’après-midi, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en octobre perdait 2,39% à 98,18 dollars, alors que le WTI pour livraison en septembre baissait quant à lui de 2,50%, à 92,06 dollars.
Ce fort recul s’est manifesté après la publication, par l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA), de chiffres faisant état d’une nette augmentation des réserves de brut aux Etats-Unis.
Durant la semaine achevée le 29 juillet, les stocks commerciaux d’or noir ont grimpé de 4,5 millions de barils à 426,6 millions alors que les prévisions tablaient sur un repli de 1,5 million.
Une information qui n’a pas manqué de surprendre les analystes, et d’influer sur la trajectoire que devait prendre logiquement le marché après l’annonce de l’Opep+. n