En dépit de la décision de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de suspendre «temporairement» les essais cliniques avec la chloroquine (hydroxychloroquine selon une autre désignation), l’autorité sanitaire algérienne ne renonce pas à ce remède. Elle le juge non seulement efficace, mais «sans effets indésirables». Sur l’étude publiée par la revue The Lancet contre l’usage de cette solution médicale et ses dérives, à l’origine de la décision de l’OMS, le docteur Mohamed Bekkat-Berkani oppose une attitude critique. Ce membre du Comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie de Covid-19 affirme qu’elle «prête à confusion», car elle «semble concerner des cas graves pour lesquels l’hydroxychloroquine n’est d’aucun secours».

Le protocole de traitement à la Chloroquine et ses dérivés pour les cas de coronavirus continuera d’être utilisé en Algérie car son efficacité a été démontrée. C’est la réponse du Dr Mohamed Bekkat Berkani, membre du Comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie de coronavirus et président du Conseil national de l’Ordre des médecins, suite à la déclaration de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de «surprendre temporairement les essais cliniques» après une publication dans la revue The Lancet remettant en cause ce traitement. Le président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), Dr Lyes Merabet, estime, lui aussi, que la déclaration de l’OMS ne signifie pas qu’elle doit être prise à la lettre, cela d’autant qu’il y a déjà eu «un précédent, celui de la grippe aviaire». Les deux médecins argumentent leur position par rapport à la sortie médiatique de l’OMS dont ils ne semblent pas convaincus.
Le débat sur la Chloroquine rebondit après que l’OMS eut annoncé, avant-hier, avoir «suspendu, temporairement et par mesure de précaution, les essais cliniques avec l’hydroxychloroquine menés avec ses partenaires dans plusieurs pays». Cette décision fait suite à la publication d’une étude dans la revue médicale The Lancet jugeant «inefficace, voire néfaste», le recours à la chloroquine ou à ses dérivés, comme l’hydroxychloroquine, dans le traitement contre le Covid-19. Au-delà de la notoriété de la revue, le débat provoqué fait remonter à la surface que «les protocoles thérapeutiques provoquent des batailles de savoir et d’expérience», de même qu’il démontre que «le terrain de la santé est devenu un lieu de confrontation planétaire, mettant en scène des courants et des groupes de chercheurs. Des batailles derrière lesquelles se profilent des enjeux colossaux et des intérêts par milliards», selon des observateurs, qui vont jusqu’à «soupçonner des cabales de grands groupes contre la médecine du pauvre incarnée par le Dr Didier Raoult, qui figure presque comme ‘‘un révolutionnaire’’ du Sud. Des batailles qui engagent des Etats et des gouvernements».
Ainsi, pour l’Algérie, qui soigne quelque 15.000 personnes au protocole à l’hydroxychloroquine, il n’est pas question de suspendre ce traitement. «A l’instar de pas mal de pays dans le monde, l’usage de la Chloroquine ou de l’hydroxychloroquine a donné des résultats plus que satisfaisants. Nous avons traité des milliers de cas et n’avons pas noté de réactions indésirables. Par conséquent, nous allons poursuivre son utilisation. Il n’y a pas de raison de suspendre un traitement qui a démontré son efficacité», a affirmé Dr Bekkat dans une déclaration à Reporters.
«Il est curieux que l’OMS déclare suspendre les essais cliniques – et j’insiste sur le mot essais – suite à une publication, car nous ne sommes pas au stade d’essais cliniques, mais au stade d’effectuer un traitement. Or, il est curieux que l’OMS se mêle aussi tard, vers la fin de la pandémie et sur la base d’un article qui a pris un certain nombre de conclusions sur une étude qui n’est pas représentative. Car l’étude observationnelle ne s’adressait qu’à des personnes qui étaient dans un état grave et dont la conséquence a été une mortalité avec ou sans hydroxychloroquine», a ajouté Dr Bekkat, expliquant que «cette étude prête à confusion car elle semble concerner des cas graves pour lesquels l’hydroxychloroquine n’était d’aucun secours». «En Algérie, nous avons utilisé très tôt ce protocole et nous en sommes amplement satisfaits», a insisté le membre du Comité scientifique. Il estime que «l’OMS doit régler ses conflits internes et les démêlées qu’elle a avec pas mal de pays, dont les Etats-Unis qui ont considéré qu’elle a failli à sa mission. Il est souhaitable que l’OMS, qui a fait pas mal d’erreurs depuis le début en déclarant la situation de pandémie très tard, essaye de faire son autocritique. Je pense que son fonctionnement même doit être revu et qu’elle ne soit pas l’otage de certains pays par rapport à d’autres».

«La sortie de l’OMS est inédite»
Pour sa part, Dr Merabet estime que «cette sortie de l’OMS est inédite, dans le sens où c’est la première fois qu’elle réagit en interdisant l’accès à un protocole thérapeutique. Cela d’autant que la Chloroquine, ainsi que ses dérivés, est utilisé depuis une quarantaine d’années en Afrique, en Asie et même en Europe pour les maladies rhumatismales, le paludisme… Aujourd’hui, dans le cadre de la pandémie de coronavirus, ce médicament est utilisé dans beaucoup de pays à travers la planète, dont la Russie, les Etats-Unis, la Chine ainsi que des pays d’Europe et d’Amérique latine, et dans aucun de ces pays il n’y a eu une étude qui est allée dans le sens qu’il y a danger. Au contraire, la plupart des études vont dans le sens de maintenir l’usage de ce protocole de traitement en le renforçant à chaque fois, en fonction des données par rapport, entre autres, à la pathologie de cette maladie».
Pour lui, la sortie de l’OMS «suscite beaucoup d’interrogations mais aussi d’indignation dans le personnel médical car elle divise sur un débat qui, pourtant, était là depuis le début de l’utilisation de ce médicament qui, faut-il le dire et le souligner, est à la portée de tous : pas cher, disponible et efficace». Efficace, explique-t-il, car «il est constaté que dans les 48 heures ou un peu plus après l’administration de ce protocole, les malades de Covid-19 se sentent mieux : baisse de la fièvre, reprise de l’alimentation, amélioration de la respiration. Bref, une amélioration de l’état général du malade, notamment de l’asthénie, qui rentre dans le cadre de la convalescence. Aujourd’hui, le traitement est utilisé dans tous les hôpitaux et son usage a permis d’éviter aux cas bénins de s’aggraver, de traiter les cas compliqués, de diminuer les cas d’admission en réanimation et, par conséquent, de diminuer les cas de décès». Il va plus loin en estimant que l’OMS, «en tant qu’organisation, n’est pas dans ses prérogatives en interdisant presque l’usage d’un protocole thérapeutique ou en l’imposant», car «ce n’est pas un conseil de médecins». Certes, il y a «des groupes d’experts de plusieurs spécialités et domaines qui sont régis par le statut de cette organisation, mais ce n’est pas de ses prérogatives de se
positionner de manière aussi tranchée par rapport à un médicament qui est utilisé depuis trois mois dans de nombreux pays à travers les cinq continents».
La réaction de l’OMS n’est pas sans rappeler sa position lors de la grippe aviaire survenue il y a dix ans environ. «La situation que nous vivons me rappelle le scandale de l’OMS à propos du fameux vaccin contre la grippe aviaire. Un vaccin qui avait été recommandé à tous les pays du monde et qui, en fin de compte, n’a servi à rien du tout», affirme Dr Merabet. Il évoque, dans ce sens, «toute la campagne orchestrée suite à laquelle de hauts responsables de l’Organisation ont dû démissionner juste après et présenté des excuses en essayant de justifier leur attitude».
Le président du SNPSP rappelle que l’Algérie a dû dépenser à l’époque, suite aux recommandations de l’OMS, un montant de 80 millions de dollars pour l’achat du «fameux vaccin» contre la grippe aviaire. Il rappelle également que la vaccination n’avait pas réussie à l’échelle mondiale. «Nous avions, alors, perdu 80 millions de dollars pour rien», a-t-il tenu à noter. «A l’époque, en tant que syndicat, nous n’avions pas eu tort de dire non et d’avoir conseillé à la population de ne pas se faire vacciner.
Nous avions estimé que ce qu’avait recommandé l’OMS n’était pas justifié, qu’il n’était pas nécessaire, pour les raisons objectives, de faire vacciner la population. Nous avions reçu beaucoup de reproches, mais le temps nous a donné raison». Il conclut en déclarant que l’OMS n’est pas à son premier couac et que «la situation est à suivre pour y voir plus clair, loin des lobbys pharmaceutiques qui, faut-il le noter, sont rattachés à des groupes très puissants et qui peuvent influer sur les décisions d’Etats et de gouvernements, mais aussi sur une organisation comme l’OMS».