Par Feriel Nourine
Le Cercle d’action et de réflexion pour l’entreprise (Care) remet sur la table le dossier d’adhésion de l’Algérie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Profitant de la tenue de la conférence ministérielle de l’OMC, dont les travaux prennent fin aujourd’hui à Genève après une prolongation d’une journée, Care présente un plaidoyer «en vue d’une reprise en mains et d’une relance rapide d’une négociation d’accession qui traîne inexplicablement en longueur», constatant que notre pays prend part à ce rendez-vous, non en qualité de membre, mais de simple observateur, «c’est-à-dire ne participant pas à la prise de décision», le think-tank. Autrement dit, l’Algérie est toujours multilatérale, et ceci «nuit gravement à ses intérêts économiques et à son image internationale», regrette le cercle, non sans rappeler que «parmi les 54 engagements pris par le Président de la République», il était notamment prévu que «l’adhésion de l’Algérie à l’Organisation mondiale du commerce sera relancée».
Care regrette que, «depuis 2010, le dossier des négociations d’accession de l’Algérie est gelé et inactif», faisant remarquer que «l’argument de la menace sur l’économie locale est devenu encore plus difficilement soutenable depuis que notre pays s’est engagé dans un accord de libre-échange avec la première puissance économique mondiale, l’Union européenne».
Dans le texte de cet accord, l’Algérie «a accepté que ce sont les règles de l’OMC qui vont régir ses relations avec un partenaire avec lequel elle réalise plus de la moitié de ses échanges extérieurs», et «à tous égards, en effet, les règles de l’OMC ménagent des solutions protégeant les producteurs locaux, là où l’accord de libre-échange a précisément pour objet de démanteler les droits tarifaires qui les protègent», soutient la même source.
Or, en restant en dehors d’une organisation «aussi importante», l’Algérie «s’exclut d’elle-même de toute possibilité d’y exercer une influence et d’y défendre ses propres intérêts», insiste-t-on dans le plaidoyer, non sans souligner que cette position est «incompréhensible» pour un pays «qui a toujours été une voix attendue et écoutée et qui a su, dans un passé pas si lointain, porter haut et fort la défense des intérêts économiques du monde en développement».
L’entrée à l’OMC constitue, en outre, une «voie sûre pour stabiliser le régime du commerce extérieur» de l’Algérie, lequel pourra compter sur le système des règles de cette organisation, ajoute Care, avant de mettre en avant «les changements fréquents des règles applicables à la gestion des importations» comme «une des faiblesses qui caractérise le fonctionnement actuel de l’économie algérienne».
Ce constat vaut tout aussi bien dans le cas de la régulation de l’investissement que celui du commerce, estime le cercle, notant à ce sujet que «la stabilisation du cadre législatif régissant l’investissement figurait parmi les orientations majeures affichées dans le dernier projet de loi adopté par le gouvernement», mais que «celle-ci demeurera toutefois incomplète sans une stabilisation tout aussi indispensable du régime du commerce extérieur de l’Algérie».
«Or, il se trouve que cette stabilisation du régime commercial est un des avantages essentiels qu’a pu apporter de façon définitive, et à l’échelle maintenant universelle, le système des règles mis en place à la faveur de la création de l’OMC». L’entrée dans l’OMC est, à ce titre, la voie la plus indiquée pour assainir une fois pour toutes cette question récurrente du climat des affaires et de l’investissement dans notre pays», considère encore Care.
Le think-tank ne manque pas, non plus, de faire le lien entre une adhésion à l’OMC et l’accord de coopération économique entre les pays africains à travers le Zlecaf, auquel l’Algérie a souscrit en mettant le cap du commerce extérieur sur les opportunités continentales qui lui sont offertes. Mais en souscrivant à l’accord Zlecaf, l’Algérie a «également souscrit à un Traité international dont le texte est tout entier adossé au réseau des accords du système du GATT-OMC», précise la même source, expliquant que cet accord «va beaucoup plus loin que la constitution d’une zone de libre échange pour le commerce de marchandises» dans la mesure où «il intègre des engagements relatifs au commerce des services, à l’investissement, à la concurrence et à la propriété intellectuelle. Et, surtout, il a prévu un dispositif de mise en œuvre contraignant, calqué sur celui de l’OMC, à savoir un mécanisme africain de règlement des différends».
Le plaidoyer de Care relève aussi que l’une des raisons qui expliquent la réticence des autorités algériennes à faire aboutir le processus de l’accession à l’OMC est «sans nul doute celle de la préoccupation liée à la protection du marché interne et à la concurrence des fabrications importées». Cette préoccupation est «tout à fait légitime et compréhensible» et elle-même «assumée par tous les pays du monde, y compris ceux déjà membres de l’OMC», est-il constaté.
«Aussi, la question se pose de savoir pourquoi une économie algérienne qui dispose d’autant d’atouts économiques, commerciaux, humains, géopolitiques, etc., n’arriverait pas à surmonter un obstacle que des dizaines de pays en développement nettement plus démunis qui ont rejoint l’OMC ont su contourner sans dommages particuliers», se demande Care
Et d’ajouter que «reprendre plus activement la négociation d’accession à l’OMC ne préjuge en aucune façon du moment où celle-ci pourra être finalisée», sachant que «le pays candidat subit certes des pressions, mais il garde à tout moment la maîtrise du calendrier» et que «tant qu’il n’a pas validé la totalité de son processus d’accession, il n’est tenu par aucun engagement à l’égard des pays membres». n