Propos recueillis par Hamid Bellagha
Reporters : Omicron, comme vous l’aviez prévu dans une précédente interview, s’installe. Après un tâtonnement pour son séquençage, le privé, comme Ibn Sina de Constantine, s’implique. Quel est votre avis ?
Pr Foudil Khelifa :
Comme vous le savez, le laboratoire Ibn Sina est chargé de dépister à l’aéroport, par le biais de tests antigéniques, les voyageurs qui viennent de l’étranger. Les passagers qui se révèlent positifs bénéficient d’une PCR de confirmation gratuite. Dès que nous avons eu connaissance de la propagation d’Omicron à travers le monde, toutes les PCR (de voyageurs) positives ont été envoyées à l’IPA pour séquençage. C’est ainsi que nous avons détecté nos premiers cas à Constantine. Mais pour être précis, le laboratoire fait du criblage qui identifie les variants, mais n’en découvre pas de nouveau comme le séquençage.
Le séquençage, étant un examen laborieux et onéreux, ne se fait pas à notre niveau mais au laboratoire de virologie de l’IPA de Sidi Fredj.
Je dois vous préciser, d’ailleurs, qu’un réseau de surveillance et de détection des variants a été installé par le ministère de la Santé et implique des laboratoires privés et publics. Le laboratoire Ibn Sina à Constantine fait partie de ce réseau.
Pour ce faire, parmi les PCR classiques positives, certaines bénéficieront d’une PCR de criblage pour détecter les variants qui circulent dans notre région. Ce criblage nous permettra même de suspecter l’émergence d’un nouveau variant. Dans ce cas, l’échantillon sera envoyé à Sidi Fredj pour séquençage et infirmation ou confirmation du nouveau variant.

Quel est l’intérêt de connaître le variant qui sévit et lequel est actuellement prédominant ?
D’une part, savoir quel variant circule a un intérêt épidémiologique. D’autre part, les variants n’ont pas la même contagiosité ni la même virulence. Pour l’instant, le Delta reste celui qui est le plus virulent. Donc connaître le variant permet aux autorités sanitaires de prendre les dispositions nécessaires. Actuellement, le variant Omicron est majoritaire dans notre pays.

Cette 4e vague, que vous aviez pressentie, a battu tous les records de contaminations. L’hôpital est saturé. Pensez-vous que l’on peut maîtriser cette vague avec les leçons des vagues passées ?
Omicron s’est répandu dans le monde et en Algérie à une vitesse fulgurante, raison pour laquelle les hôpitaux ont été rapidement submergés. Heureusement que sa virulence est moindre par rapport au Delta, sinon nous aurions été confrontés à une situation sanitaire catastrophique. Je suis persuadé que les leçons des vagues passées ont été retenues.

La vaccination des enfants fait débat et celle de la femme enceinte est toujours en suspens. Qu’en pensez-vous ?
La vaccination des enfants et des femmes enceintes fait, effectivement, débat dans notre société. Les enfants constituent un vecteur important dans la transmission du virus. Pour rompre cette chaîne de transmission, il serait préférable de les vacciner. La population est réticente à se faire vacciner avec des vaccins à ARN ou à vecteurs. Il existe des vaccins classiques, chinois en majorité, faits à base de virus tués qui pourraient être utilisés chez les enfants. Ce type de vaccins n’est d’ailleurs pas contre-indiqué chez la femme enceinte.

Un autre débat concerne la 3e dose. Est-elle nécessaire ?
Nous le disons depuis le début, les vaccins permettent d’éviter de contracter une forme grave. Il est prouvé que les taux d’anticorps post-vaccinaux ou post-infection diminuent avec le temps. J’estime donc que la 3e dose est nécessaire. J’entends dire ici et là qu’Omicron n’est pas du tout dangereux et qu’il n’est pas nécessaire de se faire vacciner. J’insiste sur le fait qu’actuellement, en Europe, il tue plus que le Delta du fait du nombre très élevé des contaminations. Mes consœurs et confrères chargés de la Covid dans nos hôpitaux s’accordent tous pour dire que presque tous les malades hospitalisés sont non vaccinés.

La vaccination se plante encore une fois. A votre avis, pourquoi l’Algérien est-il réticent et que lui diriez-vous pour qu’il retrousse une de ses manches ?
Comme je vous l’ai dit dans une précédente interview, les anti-vaccins ont énormément fait de mal aux campagnes de vaccination. Beaucoup de choses farfelues ont été dites. Les vaccins rendraient stériles, des micro-puces seraient injectées pour nous surveiller, etc. Les Algériens doivent savoir que le nombre de personnes contaminées est largement supérieur aux chiffres communiqués. Il y a, d’une part, l’automédication…et là, j’en profite pour incriminer les pharmaciens qui vendent des antibiotiques sans présentation d’une ordonnance et, d’autre part, l’accès à la PCR qui est parfois difficile. Le décompte se fait sur le nombre de PCR positives, raison pour laquelle les chiffres communiqués sont en deçà de la réalité et de très loin. Des personnes meurent tous les jours de la Covid.

Omicron domine partout dans le monde et le sera sûrement en Algérie. Outre sa contamination élevée et surtout sa dangerosité moins forte, pourra-t-il installer l’immunité collective que le monde entier attend ?
Omicron, comme je vous l’ai précisé plus haut, est prédominant en Algérie. S’il est moins virulent, il contamine beaucoup plus. Un sous type de Omicron, le variant BA.2 qui est encore plus transmissible qu’Omicron, est en train de s’étendre. Beaucoup de scientifiques s’accordent pour dire qu’Omicron installera une immunité collective. J’espère qu’elle s’installera rapidement parce que nous ne sommes pas à l’abri d’une mauvaise surprise avec l’émergence d’un autre variant.