Le Premier ministre Abdelaziz Djerad a insisté, dans son intervention au cours de l’émission « l’invité de la Rédaction » de la Chaîne III de dimanche dernier, sur le terme rupture que consacrera la loi de finances complémentaire 2020, dont l’adoption en Conseil des ministres est imminente. Un conseil interministériel a été programmé en ce sens, hier, pour examiner ce projet de loi. Le Président de la République avait instruit le ministre des Finances d’élaborer rapidement cette LFC, une conséquence du nouveau choc pétrolier qui affecte aujourd’hui l’économie nationale. Initialement, avant cette crise pétrolière, la LFC devait être prête en juin prochain. En d’autres termes, le Premier ministre dans ses réponses a résumé ainsi la philosophie de ce texte, considéré comme une urgence dans ce contexte de crise. « Cette loi va être le début d’une rupture progressive et de la construction d’un système économique réel. Elle va mettre un terme à tout ce qui a été fait pour bloquer les investissements et pour empêcher que l’Algérie construise une réelle économie. » Dans la foulée, il a affirmé que ce texte va lever tous les verrous à l’investissement. « Tous les verrous qui empêchent l’investissement national vont disparaître dans le cadre de la LFC, assurant que cette loi va donner une nouvelle dynamique et une autre vision à l’investissement. » A cet égard, au titre des dispositions de la LFC, il a cité la levée de la règle 51/49 sauf pour quelques secteurs stratégiques. A noter que les investisseurs et les opérateurs nationaux et étrangers attendent la définition de ces quelques secteurs stratégiques qui sera contenue dans un texte réglementaire en voie d’élaboration, indiquent des hommes d’affaires. Autre attente, la trajectoire budgétaire à moyen terme, qui devrait faire partie de cette LFC, est censée rassurer les investisseurs nationaux et étrangers sur la viabilité de l’économie nationale.
Hausse des salaires
des smicards et de 30 000 dinars et moins plus tôt que prévu
Mais la question est de savoir, concernant la levée de toutes les restrictions à l’investissement, si la suppression du Conseil national de l’investissement (CNI) considéré comme un facteur de blocage par les investisseurs, fera partie des dispositions de ce texte. Tout comme une série de mesures suggérées par les experts afin d’assouplir une législation des changes très rigide en vue de faciliter l’investissement national et étranger et l’acte d’exportation. Quant à la lutte contre la bureaucratie administrative la plus pernicieuse, elle ne relève pas de ce texte. En outre, les affirmations du Premier ministre laissent entendre que la LFC 2020 va de nouveau assumer une vocation qui n’est pas la sienne, celle de contenir une série de mesures économiques urgentes et non d’inscrire uniquement ce qui lui est propre, les dépenses et les recettes supplémentaires rectificatives de celles de la loi de finances de l’année en cours. L’économiste Mohamed Cherif Belmihoub ne cessait de souligner à ce propos que nos gouvernants ont tendance à faire jouer à la loi de finances un rôle de politique économique. C’est ce qui apparaît nettement dans les éclairages du Premier ministre. « Il a fait état de l’élaboration de la LFC sur les principaux axes de développement qui sont le développement de la ressource humaine, la transition énergétique et l’économie de la connaissance. Concernant le premier axe de la ressource humaine, il s’agit du développement du capital humain, de la reconstruction du système national de santé, de renforcement de l’école et de l’université. Le deuxième axe portera sur la transition énergétique et l’exploitation des énergies renouvelables afin de ne plus dépendre de la rente pétrolière. Le troisième axe sera focalisé sur l’édification de l’économie de la connaissance dans l’objectif de moderniser le pays », rapporte l’APS. Ce qui veut dire que cette LFC inclura les premières mesures du plan d’action du gouvernement Djerad qui insiste sur ces trois volets. Cette feuille de route plus précise pour l’année 2020 qui, selon les différentes annonces du Président de la République et de son Premier ministre, prévoit de multiples dépenses supplémentaires et donnera un signal sur la propension hyper dépensière ou non du gouvernement Djerad, soit un indicateur de rupture ou non avec la tendance hyper dépensière des gouvernements qui se sont succédés ces dix dernières années au moins. Le niveau du déficit du Trésor, plus de 2 000 milliards de dinars dans la loi de finances 2020, sera-t-il plus important dans cette LFC, eu égard à ces nouvelles dépenses ? Le bon sens, la rationalité économique nous disent qu’il va falloir trouver les recettes supplémentaires pour compenser ces dépenses et parvenir ainsi à un déficit moins important. Une tâche devenue plus compliquée avec la chute très brutale des prix du pétrole et de l’impact économique du coronavirus. Il va falloir de ce fait inclure dans cette LFC 2020 les quatre mille milliards de centimes de dépenses prévues par l’Etat pour parer à cette épidémie en Algérie.
Revenons aux choses plus concrètes pour une bonne partie de la population, comme promis par le chef de l’Etat, cette loi de finances complémentaire va autoriser une hausse des salaires des travailleurs touchant 30 000 dinars et moins du fait de la suppression de l’impôt IRG sur ces catégories de salariés. Les smicards qui touchent un salaire de 18 000 dinars par mois sont concernés. Du coup, elle pourrait comporter une disposition donnant le feu vert à une hausse du SNMG. Elle inclura, comme déjà annoncé, la suppression des mauvaises décisions du gouvernement Bedoui, telles que la surimposition des professions libérales. Il est prévu également de nouveaux avantages fiscaux pour les jeunes entrepreneurs et les créateurs de start-up. Quant à l’importation de véhicules de moins de trois ans, elle sera maintenue, selon le ministre de l’Industrie mais les véhicules roulant au diesel seront, selon lui, exclus par cette disposition. Enfin, compte tenu de l’impact du coronavirus, cette LFC 2020 sera vraisemblablement examinée et votée rapidement par les deux chambres du Parlement.<