La justice n’aura certainement pas besoin d’un brillant avocat pour défendre la thèse que le secteur a connu une année très particulière dans le sillage du mouvement populaire pour le changement.
Déjà mis à l’épreuve dès qu’une élection présidentielle était à l’ordre du jour, l’appareil judiciaire a fortement fait parler de lui depuis le mois de février.
Et ce n’est pas encore fini au vu des lourds dossiers traités et qui n’ont pas encore
livré tous leurs secrets, notamment ceux
engageant d’anciens chefs de gouvernement, d’ex-ministres et des patrons d’entreprises
et de chefs de la naissante « industrie » automobile. La chronique judiciaire a été en effet très animée pendant l’année 2019 avec le défilé de grands noms publics poursuivis pour des délits de corruption et à l’encontre de qui ont été prononcées de lourdes peines.
L’on retient ainsi sur ce terrain que l’emballement judiciaire a emporté des dirigeants que les Algériens croyaient intouchables au vu de l’image construite autour d’eux.
Le séisme politique généré par le mouvement du 22 février, marqué par la fin du règne de Bouteflika, n’a pas épargné même l’ancien ministre de la Justice, Tayeb Louh, alors que son successeur dès la nomination du gouvernement de crise de Noureddine Bedoui, à savoir Slimane Brahmi a été congédié dans des circonstances confuses, après 4 mois seulement à la tête du secteur.
Intervient alors, dernier jour d’un mois de juillet qui n’a pas vu se tenir la présidentielle prévue, la nomination de Belkacem Zeghmati qui aura été, depuis, un marqueur important dans le traitement des affaires de justice notamment celles ayant concerné des noms de la vie publique.
Cet emballement judiciaire a bénéficié, faut-il le souligner, du soutien de l’ancien général de corps d’armée, Ahmed Gaid Salah, qui ne cessait de louer, dans ses discours, le travail accompli par la justice. Un discours qui n’a pas systématiquement convaincu ceux qui l’entendaient notamment parmi les avocats et les militants des droits de l’Homme. Ces derniers, s’ils ne désapprouvent pas l’idée que les hauts responsables soient poursuivis, se refusent de croire à « une justice désormais émancipée de la mainmise du pouvoir politique ».
Cette problématique sera par ailleurs posée avec acuité par la grève déclenchée fin octobre par le corps des magistrats, un débrayage qui défrayé la chronique pendant une dizaine de jours.
La grève des magistrats qui a pris fin au bout d’un bras de fer intense entre le Syndicat national des magistrats (SNM) et la tutelle n’a pas encore livré tous ses secrets, deux mois plus tard.
L’opinion aura ainsi retenu de cette grève qui aura duré 10 jours paralysant cours et tribunaux, que c’est le mouvement annuel opéré par le garde des sceaux et qui a été à l’origine de la contestation est toujours de mise bien que des ajustements soient apportés dans son application stricte. C’est ce qui a été résumé dans le communiqué du SNM qui avait annoncé la suspension de la grève en soulignant que «les magistrats concernés par ce mouvement et qui sont satisfaits de leur affectation sont tenus de rejoindre leurs nouveaux postes de travail», au moment où le gel de la grève a été suivi par une impression d’incompréhension.
La chronique judiciaire a été également celle de la multiplication des procès contre des leaders d’opinion, des militants associatifs aujourd’hui en prison, mais aussi de jeunes manifestants arrêtés pour port du drapeau berbère.
En plus des jugements qui suscitent la désapprobation des avocats, c’est davantage le parquet de Sidi M’hamed qui s’est distingué en condamnant les jeunes manifestants à la détention préventive alors que d’autres tribunaux prononçaient des acquittements pour les mêmes chefs d’inculpation. De quoi accréditer, soutiennent des avocats, « une justice à plusieurs vitesses ».