La hausse des prix du pétrole est une opportunité pour le maintien de nos équilibres économiques, mais elle ne doit pas occulter la nécessaire accélération des réformes structurelles pour affranchir le pays de la dépendance des hydrocarbures et les ajustements budgétaires de fond devant rétablir la viabilité des comptes extérieurs…
Par Hakim Ould Mohamed
Nous ne sommes, probablement, qu’au début d’un long cycle haussier des prix du pétrole. Les dirigeants des grandes majors pétrolières sont, en tout cas, unanimes à l’affirmer. «Je n’ai pas de bonnes nouvelles à annoncer, les prix du pétrole resteront élevés», a récemment déclaré à la presse le Directeur général de Total Energies, Patrick Pouyanne, qui commentait la situation actuelle qui prévaut sur le marché pétrolier.
Son commentaire a été aussitôt repris par le responsable de Vitol pour l’Asie, Mike Miller, qui a noté, plus tôt ce mois-ci, que les faibles stocks mondiaux de pétrole et la limitation de la capacité de production inutilisée étaient la raison de ses prévisions selon lesquelles le pétrole augmenterait encore. De son côté, Bernard Looney, patron de BP, a également prévu des prix de l’énergie plus élevés. Il anticipe ainsi une forte «volatilité» des cours, prévoyant que l’offre de pétrole pourrait encore baisser cette année, alors que les prix pourraient dépasser les 90 dollars le baril. «Nous prévoyons un marché du gaz tendu à l’avenir et nous prévoyons une volatilité dans l’évolution des prix de l’électricité», a déclaré le Directeur général d’Equinor, Andres Opedal, lors de la publication des derniers résultats financiers de la société, cités par Reuters. Ainsi, il en ressort des déclarations des patrons des grandes compagnies pétrolières un rebond de la demande mondiale de pétrole et l’absence de plans pour augmenter la production. Mais, en même temps, la faiblesse de l’offre est due, en partie, au comportement des majors et des banques d’affaires qui ne cessent de subir une pression croissante pour réduire leur empreinte carbone. Shell a même été poursuivi pour cela et a reçu l’ordre de réduire ses émissions. Cette façon de faire a porté un coup à la production de pétrole.
En effet, lorsque les pays producteurs mettaient en garde contre la stratégie de zéro émission d’ici 2050, les pays consommateurs semblaient faire la sourde oreille avant que ceux-ci, confrontés à une crise énergétique sans précédent, se réveillent en sursaut en demandant aux producteurs de pomper davantage. Entre-temps, les majors ont réduit leurs investissements dans de nouvelles explorations pétrolières et gazières. Le ministre saoudien de l’Energie a rejeté la feuille de route de zéro émission carbone, en qualifiant le rapport de l’AIE «d’une suite du film La La Land. Pourquoi devrais-je le prendre au sérieux ? », tandis que le Russe Alexander Novak l’a simplement qualifié d’irréaliste. Les dernières tendances des prix du pétrole et du gaz semblent indiquer que l’AIE était, soit engagée dans un vœu pieux, soit qu’elle avait sérieusement sous-estimé la demande de pétrole et de gaz dans le contexte de l’offre.
Tebboune redessine les priorités
Ce pourquoi, tous les acteurs du marché estiment que le mouvement haussier des prix serait de longue durée, compte tenu du déclin des investissements qui explique, en partie, la faiblesse de l’offre, pendant que la demande semble, elle, reprendre du poil de la bête. En tout cas, pour l’Algérie, dont la production est nettement remontée en 2021 et 2022, cette hausse des prix est la bienvenue car elle permet au gouvernement d’avoir de meilleures marges de manœuvre pour accélérer la diversification de l’économie et les sources d’énergie et de devise. D’ailleurs, le pays entame l’exercice avec le retour de la balance commerciale à l’état d’équilibre et une réduction nette du déficit de la balance des paiements. Ce qui a permis une stabilisation du solde global des réserves de change. Ainsi, s’il s’agit bel et bien d’une opportunité et non des moindres, pour l’Algérie, cette hausse des prix du pétrole ne doit pas occulter l’essentiel, à savoir l’accélération des réformes structurelles et les ajustements budgétaires de fonds censés rétablir durablement la viabilité des comptes extérieurs et affranchir le pays de sa dépendance des hydrocarbures.
D’ailleurs, le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a mis en garde, mardi soir, lors d’une interview avec les représentants des médias nationaux, contre la répétition des expériences du passé lorsque l’économie nationale dépendait des cours du pétrole avant de subir un choc lors de leur chute sur les marchés mondiaux. «L’économie nationale est sur la voie de l’augmentation de la production nationale et ne restera pas dépendante des cours du pétrole», a déclaré le président Tebboune, soulignant que les efforts pour diversifier l’économie nationale et s’affranchir de la dépendance aux hydrocarbures se poursuivaient en dépit de la hausse des cours du pétrole sur les marchés internationaux. Les défis qui s’offrent au pays sont ainsi clairs, accélérer la diversification en tirant profit de la flambée actuelle des cours du brut sur le marché mondial. La conjoncture s’annonce ainsi favorable pour une transition en douceur vers le nouveau modèle de croissance tant espéré. «Au lieu de se baser sur les hydrocarbures, la stratégie nationale actuelle repose sur le développement des activités créatrices de richesse et l’exploitation des ressources nationales à l’image du fer, du phosphate et de l’hydrogène en sus de l’agriculture», souligne le chef de l’Etat lors de l’interview accordée aux médias nationaux.n