La commémoration du 26e anniversaire de l’assassinat du secrétaire général de l’Union générale des travailleurs algériens Abdelhak Benhamouda, le 28 janvier 1997, s’est doublée, hier, d’une mobilisation remarquée par le rejet des deux projets de loi par lesquels le gouvernement veut encadrer l’activité syndicale. Changement de cap ou simple colère d’hiver à la Centrale syndicale ? La revendication par sa direction de la mémoire de son emblématique et combatif patron, qui ne craignait pas de dire non à l’Exécutif en pleine décennie rouge, n’est pas passée inaperçue.

Par Sihem Bounabi
A l’occasion de la commémoration, hier, du 26e anniversaire de l’assassinat de Abdelhak Benhamouda par des terroristes, le 28 janvier 1997, au siège de la Centrale de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), l’union syndicale semble après des années de réserve renouer avec la contestation, répondant ainsi à l’appel de la base qui rejette les deux projets de loi portant sur l’exercice syndical et celui relatif à la prévention, au règlement des conflits de travail et à l’exercice du droit de grève.
En effet, la journée d’hier a été marquée par une forte mobilisation des fédérations et sections syndicales de l’UGTA de la majorité des wilayas à prendre part à la commémoration du 26e anniversaire de l’assassinat d’Abdelhak Benhamouda, secrétaire général de l’UGTA, et lui rendre hommage notamment en portant le flambeau de la défense des droits des travailleurs à travers le rejet d’une seule voix des deux projets de loi controversés.
En effet, c’est face à une importante foule de syndicalistes scandant «Non au muselage de l’action syndicale», «Non aux lois répressives», «Pour le rejet des projets de loi sur l’exercice syndical et le droit de grève», que le chargé de communication et de l’information de l’UGTA Saïd Saghini a annoncé que «suite à la consultation de la base au niveau national qui rejette catégoriquement des deux projets de loi portant sur l’exercice du droit syndical et celui relatif à la prévention, au règlement des conflits de travail et à l’exercice du droit de grève , la décision de la centrale est que notre devoir est d’œuvrer à préserver les acquis des luttes syndicales de ces dernières années».
Il ajouté que l’UGTA est convaincue qu’au «cœur de la nation, il y a encore des hommes et des femmes qui ont conscience de l’importance du sens de la justice sociale et de la concertation de préserver le front intérieur pour protéger la stabilité économique et la nation». Il a conclu sous les acclamations des syndicalistes que «la centrale sera au diapason avec les revendications de la base».
Cette déclaration a été précédée par un vibrant hommage à la mémoire de l’ancien secrétaire général Abdelhak Benhamouda par l’actuel secrétaire général de l’UGTA, Salim Labatcha, en appelant «les syndicalistes à s’inspirer des sacrifices de l’illustre syndicaliste et symbole Abdelhak Benhamouda et à perpétuer ses valeurs visant à défendre le pays et sa stabilité, à protéger les droits des travailleuses et des travailleurs et à améliorer leur situation socioprofessionnelle». Il a dans ce sillage insisté sur le fait que «l’UGTA sera fidèle à ses principes visant à défendre les droits des travailleurs et la lutte syndicale intègre, ainsi que la stabilité et la sécurité du pays». Salim Labatcha a dans ce contexte réitéré que «les positions de l’UGTA sont fidèles au message et aux principes des martyrs de la guerre de libération nationale, de la trempe de Aïssat Idir et ses compagnons qui avaient lutté pour la libération du joug colonial, l’indépendance et la défense de la classe ouvrière à l’époque».
Le secrétaire général de L’UGTA a affirmé face au grand nombre des syndicalistes présents que l’UGTA poursuit son parcours militant avec fermeté dans la continuité des chemins tracés par les grands hommes de l’Union, à l’exemple de Benhamouda, afin de préserver les droits des travailleurs, la stabilité des institutions de l’Etat et consacrer la justice sociale et contribuer à la réalisation de l’enjeu du développement pour permettre à l’Algérie de faire face aux défis de l’heure».
Pour rappel, c’est suite à l’alerte lancée par la Confédération des syndicats algériens (CSA), le 13 janvier dernier, sur les risques des dérives des deux projets de loi jugés notamment de «liberticides» et portant «gravement atteinte au droit de grève», dans un communiqué rendu public, où elle a appelé l’intervention du président de la République Abdelmadjid Tebboune pour le retrait de ces deux projet de loi en attendant de les débattre, que le mouvement de contestation s’est élargi à d’autre syndicats dont les différentes sections et fédérations syndicales de l’UGTA .
Au courant de la semaine dernière, dans un communiqué officiel, l’UGTA sous la forte pression de la base a rejoint le mouvement de contestation dans un communiqué officiel où il a été notamment souligné le rejet «des deux projets de loi qui ne consacrent pas la promotion des droits syndicaux et des libertés en Algérie». La centrale a ainsi appelé l’ensemble des coordinations nationales de la Centrale syndicale à exprimer leur position sur ces deux projets de lois controversés.
Suite à cet appel, la majorité des coordinations nationales de l’UGTA ont à travers des communiquée officiels rejeté dans la forme et dans le fond ces deux avant-projets de loi. Les arguments récurrents de ce rejet sont exprimés notamment par le fait que «les deux projets sont en totale contradiction avec la Constitution amendée de 2020 et de l’ensemble des conventions internationales ratifiées par l’Algérie» et «en contradiction avec les aspirations des travailleurs, de leurs représentants et remettent en cause les acquis fondamentaux des travailleurs garantis jusqu’ici par les lois en vigueur».
Les sections syndicales de l’UGTA dénoncent également «l’exclusion des représentants des travailleurs de l’élaboration des deux projets de loi», ce qui est en «contradiction avec les orientations générales des pouvoirs publics réaffirmant à chaque fois les principes du dialogue et de la concertation».
Hier, sur le lieu symbolique où Benhamouda a payé de sa vie son combat de militant syndicaliste, le rejet des projets de loi a été affirmé avec force par les différentes sections syndicales d’Alger à Tamanrasset et d’Est à l’Ouest «attentatoires aux acquis syndicaux», «anticonstitutionnels» et en «contradiction avec les conventions internationales ratifiées par l’Algérie». D’autres rassemblements se sont tenus également au niveau des wilayas. <