La situation épidémique liée au Covid-19 continue de susciter l’inquiétude avec un nombre de contaminations dépassant les 2000 cas par jour déclarés officiellement. Le maintien de certaines activités devient problématique dans ce contexte marqué par une flambée des cas confirmés ayant conduit à l’ouverture de nouveaux services Covid dans les hôpitaux et à la suspension ou le report de soins pour certaines spécialités.PAR INES DALI
C’est quasiment un retour à des situations antécédentes avec la fermeture des établissements scolaires, la suspension des cours en présentiel dans les universités, la fermeture des marchés à bestiaux et des marchés de gros, le report de certaines disciplines sportives. Les mesures de fermeture se poursuivent avec la suspension des activités des salles de fêtes… Le retour à ces mesures est dicté par la hausse historique des contaminations alors que la vaccination reste toujours faible, selon les professionnels de la santé. Ce qu’ils regrettent par-dessus tout, c’est de ne pouvoir assurer les soins à leurs patients, comme c’est le cas pour les cancéreux au niveau du Centre Pierre et Marie-Curie (CPMC) de l’hôpital Mustapha-Bacha et pour les malades du service d’infectiologie de l’EPH de Boufarik, le seul à prendre en charge les malades de plusieurs wilayas du Centre. Avant le week-end, au moment où les cas confirmés ont fortement augmenté, le Pr Kamel Bouzid, chef du service oncologie au CPMC et président de la société algérienne d’oncologie médicale, a dû penser à «reporter certaines cures, comme celles qui sont effectuées en intraveineux et ne maintenir que les thérapies ciblées qui se prennent par la bouche, au moins pour une dizaine de jours». Mais heureusement que la situation au niveau de son service était «moins chaotique» au début de la semaine, dimanche. «Nous avons donc essayé de reprendre l’activité», a-t-il révélé dans un entretien à TSA, soulagé de pouvoir reprendre les soins indispensables aux cancéreux. «Nous faisons face à cette épidémie. Il faut expliquer aux citoyens que cette pandémie de Covid a affecté les soins des malades atteints de cancer», a-t-il fait savoir, pour sensibiliser quant à la nécessité de faire barrage à la propagation du Covid-19 dont l’une des conséquences est de priver d’autres malades de soins. Pour endiguer la pandémie, des mesures restrictives ont donc été prises se matérialisant par la fermeture et la suspension de nombreuses activités. «Là où il y a une forte concentration de personnes, surtout avec la forte propagation du variant Omicron, c’est tout à fait normal de fermer ces lieux. Ce sont des mesures qu’on est obligé de prendre. La contamination est très importante et, automatiquement, il faut essayer de diminuer la présence des personnes dans les lieux clos», a indiqué, hier, le Dr Mohamed Yousfi, président de la Société algérienne d’infectiologie. Mais encore une fois, a-t-il poursuivi, «le problème est les demi-mesures pour parer à l’urgence», car «le fond du problème, a-t-il affirmé, reste le respect des mesures barrières qui ne sont pas respectées et la vaccination qui est abandonnée».
Pour le Pr Kamel Djenouhat, président de la Société algérienne d’immunologie, «le but principale de ces mesures est de réduire la propagation du variant Omicron qui a une très grande vitesse de contagiosité. On maitrise la situation actuellement, mais le plus grand problème est cette hausse exponentielle qui risque de saturer les hôpitaux si elle se poursuit». Devant cette situation qu’il estime «maitrisable mais qui reste toutefois inquiétante», il n’exclut pas que les mesures en vigueur soient prolongées. «Tout dépend de la courbe épidémiologique si elle baisse ou continue d’augmenter. Si elle poursuit sa trajectoire ascendante, il sera donc possible de voir prolonger les dispositions actuelles pour une nouvelle période afin de casser la transmission du virus», a-t-il affirmé. Même si la situation épidémiologique actuelle «n’est pas comme la troisième vague», selon le Dr Yousfi, qui est également chef de service infectieux à l’EPH de Boufarik, «les dégâts sont déjà là, l’hôpital enregistre 70% de lits occupés, notamment avec les cas atteints par le variant Delta qui continue de faire des morts et fait que beaucoup de malades nécessitent de l’oxygène». Il met également en exergue que c’est le Delta qui continue de sévir en même temps que la propagation d’Omicron, submergeant ainsi l’hôpital et le service des Urgences, en plus des équipes médicales et paramédicales amoindries après l’atteinte de nombre d’entre eux par le Covid.
Le président de la Société algérienne d’infectiologie insiste que le fond du problème est le relâchement et le manque de vaccination. «Tant qu’on ne respecte pas individuellement les mesures barrières et on ne se fait pas vacciner, le problème restera toujours posé et il y aura toujours des victimes», a-t-il soutenu, relevant que la majorité des malades ne sont pas vaccinés. Abordant l’efficacité des anticoronavirus, il a tenu à souligner que «les vaccinés, même s’ils font un Covid, ce sera un Covid léger. Ce sont les non-vaccinés qui font des formes graves, notamment ceux qui ont des maladies chroniques, les sujets âgés». C’est dans le même sens que s‘est exprimé le Pr Djenouhat, selon lequel «l’Omicron est certes moins virulent que les autres variants, mais cela ne veut pas dire qu’il ne provoque pas de complications».
Les répercussions de cette 4e vague se font ressentir également dans d’autres sphères de la vie quotidienne, car «en plus des victimes, il y a également les conséquences économiques et sociales », a encore relevé le Dr Yousfi, parce que «l’Etat est absent par la non-application des mesures dissuasives». Pour lui, il devrait y avoir obligation de la vaccination pour certains corps et le pass vaccinal, y compris chez le personnel de la santé. La faible vaccination dans ce secteur est, par ailleurs, un fait que regrette le Pr Bouzid, qui a révélé que seulement 20% du personnel du CPMC est vacciné. «Je rejoins ce que disent mes collègues du Conseil scientifique et notamment le Pr Ryad Mehyaoui et le Pr Mohamed Belhocine. Pour le moment, la seule chose dont nous disposons est la vaccination. Malheureusement, compte tenu des rumeurs et des fakenews, la population n’a pas adhéré malgré les efforts gigantesques qui ont été faits par le ministère de la santé». Il relève, ainsi, que la communication officielle, malgré toute leur bonne volonté, n’a pas porté ses fruits que ce soit dans les médias, sur les réseaux sociaux ou à la télévision.