De nouveau, la garde à vue du journaliste Khaled Drareni, de l’activiste Samir Benlarbi, du militant de SOS Disparus Yacine Hamitouche et de l’ex-policier Toufik Hassani a été prolongée pour la seconde fois consécutive. Le procureur de la République du tribunal de Sidi M’hamed a décidé de les maintenir pour 24 heures supplémentaires au commissariat de Cavaignac, pour le même justificatif que dimanche dernier, c’est-à-dire «complément d’enquête».
Surpris, le collectif d’avocats qui s’est présenté hier au tribunal s’interroge, puisque les faits pour lesquels sont poursuivies les 4 personnes sont clairs et ne nécessitent pas plus de temps. Plus que ça, les concernés n’ont même pas été présentés. «C’est l’adjoint du procureur qui a informé le collectif d’avocats» de la décision du procureur, s’est indignée Mme Zoubida Assoul, qui dénonce un droit bafoué des avocats et un manque flagrant de communication.
Pour l’avocat Abdelghani Badi, les «faits ne nécessitent pas autant de temps pour les situer, car Benlarbi et Hamitouche participaient à une manifestation, tandis que Khaled Drareni était en train de filmer dans le cadre de son travail de journaliste. «Il s’agit là de droits constitutionnels», a-t-il soutenu, se demandant «quelle enquête va-t-on réaliser sur des faits clairs, simples et pas compliqués ?». L’avocat n’écarte pas la possibilité de voir la justice «instrumentalisée dans cette affaire», déclarant à sa sortie du tribunal que «si l’on veut enquêter en dehors de ces faits simples dans le seul objectif de les maintenir en garde à vue ou les poursuivre dans d’autres affaires, nous serons alors devant une dérive dangereuse de la justice». Cette dernière, rappelle-t-il, «est tenue par les faits».
Maître Badi dénonce ce qu’il qualifie de «dépassements sécuritaires, car ce qui s’est passé samedi était une honte, de même pour ce qu’a subit Hassani le vendredi». L’ex-policier a été présenté devant le procureur dimanche, raconte l’avocat, dans un «état lamentable avec une blessure grave à l’œil». «Mais, au lieu de le relaxer et chercher les coupables, on le renvoie en garde à vue», s’indigne-t-il, appelant la justice «à se débarrasser des cercles sécuritaires pour son salut».
Des faits simples et des interrogations
A signaler que pour l’ex-policier Toufik Hassani, un autre chef d’inculpation lui a été ajouté en plus d’«incitation à attroupement non armé» pour lequel il est poursuivi au même titre que Drareni, Benlarbi et Hamitouche. Il s’agit d’«incitation à la violence contre les forces de l’ordre», a indiqué pour sa part Maître Yamina Allili. L’avocate ne voulait pas se montrer pessimiste, bien que les prévenus seront présentés encore aujourd’hui, n’empêche que «la garde à vue peut dans certains cas être prolongée jusqu’à 12 jours avec des justificatifs». Mais, pour Maître Noureddine Benissad, «sur le plan des faits, il n’y a aucun justificatif à prolonger la garde à vue». «Le prolongement est prononcé lorsqu’il y a un grand danger», explique-t-il.
En tout état de cause, la déception était grande, hier, à l’extérieur du tribunal de Sidi M’hamed où se tenait un rassemblement des journalistes en solidarité avec leur confrère, en présence d’un grand nombre de militants, d’activistes, des parents du journaliste Drareni et de simples citoyens. Les participants ont appelé à une justice libre et scandé des slogans en faveur de la garantie des droits et libertés. «Presse libre, justice indépendante», «Liberez Drareni» ou encore «Khaled Drareni est un journaliste libre», et levé des pancartes sur lesquelles on pouvait entre autres lire «Le journalisme n’est pas un crime», «Khaled Drareni est un journaliste, non un criminel». L’ensemble des participants se sont donné rendez-vous pour ce matin, même lieu, même heure pour un troisième rassemblement de soutien. n