Le procès de Saïd Bouteflika, frère et conseiller de l’ancien président de la République Abdelaziz Bouteflika, l’ex-patron du DRS, le général Mohamed Mediène dit Toufik, l’ex-coordinateur des Services de sécurité, le général Bachir Tartag, et la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT) Louisa Hanoune s’ouvre demain au Tribunal militaire de Blida.
Mis en détention préventive depuis plus de trois mois, les quatre prévenus sont poursuivis pour deux chefs d’inculpation, «complot ayant pour but de porter atteinte à l’autorité du commandant d’une formation militaire», énoncé dans l’article 284 du code de justice militaire et «complot pour changer le régime», un acte prévu et puni par l’article 77 du code pénal. IIs encourent de 5 à 20 ans de réclusion, voire la peine de mort.
Dans ses dépositions, Louisa Hanoune avait reconnu avoir participé à une «réunion consultative», le 27 mars dernier, avant la démission de Bouteflika le 2 avril, avec «Saïd Bouteflika et le général Toufik».
La secrétaire générale du PT avait pris part à cette rencontre, tenue à la résidence officielle «Dar El Afia» à Hydra (Alger), dans le but de «donner son avis sur la situation politique», a-t-elle fait savoir à la justice, précisant qu’elle pensait être dans «une réunion officielle organisée avec l’accord de la présidence de la République». Selon ses avocats, Mme Hanoune «n’a fait qu’accomplir son devoir de cheffe d’un parti politique, et son arrestation n’est qu’une criminalisation de l’acte politique». Saïd Bouteflika, les généraux Toufik et Tartag ont été incarcérés à la prison militaire de Blida le 5 mai dernier, tandis que Louisa Hanoune a été placée en détention provisoire dans une prison civile de Blida, quatre jours plus tard, soit le 9 du même mois.
Dans la même affaire, le même parquet militaire de Blida avait lancé, le 6 août dernier, des mandats d’arrêt internationaux contre l’ex-ministre de la Défense Khaled Nezzar, son fils Lotfi, gérant de la société Smart Link Com (SLC), et le président de la Société algérienne de pharmacie (SAP), Farid Benhamdine.
A la veille de l’ouverture du procès, les Forces de l’alternative démocratique ont appelé à la libération de la secrétaire générale du PT et de tous les détenus d’opinion. «Le procès du premier chef de parti politique de l’opposition, emprisonné pour ses positions et activités politiques, est prévu pour ce lundi», écrivent les forces de l’Alternative démocratique dans un communiqué rendu public hier. Elles rappellent ainsi «leur ferme condamnation de la politique de criminalisation de l’action politique et du délit d’opinion», et exigent «la relaxe pure et simple de Louisa Hanoune et la libération de tous les détenus politiques et d’opinion». Pour sa part, le député Ramdane Taâzibt a reproché au système en place «d’embastiller» toute personne ne partageant pas avec lui les mêmes positions. « Toute personne ne partageant pas les mêmes positions du pouvoir en place est envoyée automatiquement en taule», dénonce Ramdane Youcef Taazibt. Pour lui, «Hanoune n’a rien avoir avec les détenus du régime qui ont gouverné». Faisant allusion aux autres accusés dans cette affaire, il dira que la secrétaire générale du PT «est de l’opposition, elle n’a rien à voir avec le système». Raison pour laquelle, il appelle à sa libération, ainsi qu’à la libération des détenus d’opinion qu’il qualifie «d’otages».
Boudjemaâ Ghechir : «Le commandement militaire aura son mot à dire»
Louisa Hanoune comparaîtra devant le parquet militaire dans un dossier «lourd». Ses avocats ont ainsi élaboré une stratégie de défense pour «disculper» la cheffe du PT des charges qui lui sont reprochées. «La stratégie de défense est bâtie simplement sur le fait que Louisa Hanoune est une cheffe d’un parti politique qui a accompli sa mission de femme politique. Elle est protégée par l’article 126 de la Constitution, qui lui confère l’immunité parlementaire, car elle était députée au moment des faits», explique Boudjemaâ Ghechir, membre du collectif de défense de Louisa Hanoune. «Le procès pourrait être clos dans une seule séance, comme il pourrait s’étendre sur plusieurs audiences», prévoit-Me Ghechir, qui appelle à «ne pas faire l’amalgame» entre Louisa Hanoune et ses co-accusés qui sont des commis de l’Etat.
Ce dernier a toutefois manifesté son «optimisme» quant à l’issue du procès, tout en relevant que la juridiction militaire diffère de celle civile. «Les règles de fonctionnement ne sont pas les mêmes et le commandement militaire aura son mot à dire», pense Me Ghechir.