Par Nadir Kadi
Jugés en appel au niveau de la Cour d’Alger, les principaux accusés dans «l’affaire» Sonatrach et le Groupe italien Saipem risquent des peines pouvant aller jusqu’à «20 ans de prison ferme». Le procureur de la République a, en effet, requis, mardi, contre l’ancien ministre de l’Energie Chakib Khelil, toujours «en fuite» à l’étranger, la peine de «20 ans de prison ferme» avec «confirmation du mandat d’arrêt international émis à son encontre en septembre 2019». Une peine qui pourrait également s’étendre aux biens et à certains proches de l’ancien responsable, l’accusation réclamant également une «amende de 2 millions de dinars» et «la confiscation de ses biens meubles, de ses avoirs bancaires ainsi que ceux des membres de sa famille».
Réquisitoire qui apparaît particulièrement lourd mais en partie justifié par l’absence de l’accusé au tribunal. Chakib Khelil, et ses co-accusés dont Mohamed Meziane et Abdelhafid Feghouli, sont pour rappel poursuivis dans cette affaire pour les charges de «dilapidation de deniers publics», «abus de fonction» et «conclusion de marchés publics contraires à la réglementation en vigueur». Le procès met plus particulièrement en avant le dossier de la passation du marché, en 2008, pour la réalisation du complexe gazier d’Arzew (Oran), un contrat qui a été accordé au Groupe italien Saipem au détriment d’une société émiratie, sur instruction supposée de l’ancien ministre, Chakib Khelil.
En ce sens, l’audience de mardi a été marquée par une série de déclarations et dénégations de l’ancien PDG de Sonatrach, Mohamed Meziane, et de l’ancien vice-président chargé des activités en aval, Abdelhafid Feghouli. Les deux accusés risquent pour leur part des «peine de 10 ans de prison ferme assortie d’une amende d’un million de dinars».
En effet, procès rapidement entré dans le vif du sujet, à savoir la recherche des responsabilités dans l’élimination de la soumission de l’entreprise émiratie Petrofac au profit de Saipem pour la réalisation du marché du complexe gazier d’Arzew GNL3. L’accusé Abdelhafid Feghouli a en ce sens clamé son innocence, en expliquant en substance qu’il n’avait pas participé à l’ensemble du processus d’attribution du marché : «Nous avions décidé de lancer une consultation restreinte. J’étais à Alger et l’équipe qui travaillait sur le projet était à Oran. Je n’étais pas informé de tous les détails (…) La commission des offres s’est réunie à Oran, alors que moi j’étais à Alger.» Quant aux choix de la proposition de Saipem au détriment de Petrofac, il s’expliquerait selon Abdelhafid Feghouli par le manque du document de «garantie» dans l’offre de l’entreprise émiratie, l’ancien vice-président chargé des activités en aval déclarant mardi : «…Je savais qu’elle (Petrofac) n’allait pas ramener la garantie et je suis intervenu pour deux raisons. D’abord parce qu’il y avait une infraction flagrante aux procédures de la R15. Petrofac n’a pas respecté les conditions techniques et elle revient pour faire une offre commerciale. Je l’ai dit et vous pouvez visionner l’enregistrement diffusé par la Télévision publique le jour de l’ouverture des plis». Quant à la responsabilité de la signature d’un tel contrat, A. Feghouli précise qu’il s’agit normalement d’une responsabilité du PDG de la Sonatrach, alors que ce dernier M. Meziane estime : «C’est l’activité aval qui s’en charge. C’est la règle. C’est le vice-président qui négocie. Il a toute l’administration pour faire le travail (…) C’est la procédure qui est de mise à Sonatrach depuis 1968». Ainsi, Abdelhafid Feghouli a laissé entendre qu’il avait finalement signé à contrecœur : «… Lors de la signature du contrat il y avait tout le monde. Le ministre, le PDG de Sonatrach et celui de Saipem, qui était une grosse pointure. Je ne voulais pas faire de scandale. J’ai signé le contrat type». Le même ex-responsable ajoutant dans la même logique à propos de la négociation du contrat et du rôle de son supérieur de l’époque, Mohamed Meziane : «… Il m’a envoyé à la réunion. Je ne peux pas lui dire non. Si je refuse, c’est quand même honteux devant le PDG de Saipem (…) Je n’ai jamais failli au respect de l’échelle de ma hiérarchie. Il m’a demandé une copie du contrat qu’il a lue et donné son accord pour la signature».
Procès qui devra en ce sens établir les responsabilités de chacun des 38 prévenus, il est également à noter que l’accusation a demandé une peine de 4 ans de prison ferme et un million de dinars à l’encontre de l’ancien directeur des affaires juridiques du groupe Sonatrach, Boumediene Abbas. Mais aussi une peine de 10 ans de prison ferme et une amende d’un million de dinars à l’encontre des représentants du groupe italien Saipem et des peines de 3 ans de prison ferme en plus d’amendes de 200 000 dinars à l’encontre d’anciens cadres des Douanes ou de transitaires soupçonnés par la justice. n