L’armée israélienne a frappé lundi avant l’aube un camp militaire du Hamas à Gaza et mené une nouvelle incursion dans la ville de Naplouse, en Cisjordanie occupée, au cours de laquelle un Palestinien a été tué. Selon le porte-parole du ministère de l’Intérieur à Gaza, les frappes nocturnes ont fait de «gros dégâts à quatre maisons, une salle de mariage et une station-essence» à proximité du camp militaire visé par les missiles israéliens, dans le sud-ouest de la ville de Gaza. Aucune victime n’avait été recensée jusqu’au milieu de l’après-midi d’hier.

Synthèse Anis Remane
De son côté l’armée israélienne a dit agir «en riposte» à une roquette tirée samedi soir à partir de la bande de Gaza et détruite par la défense antiaérienne israélienne et a déclaré avoir frappé «un complexe souterrain contenant des matières premières utilisées pour la fabrication de roquettes appartenant» au Hamas, le mouvement islamiste palestinien au pouvoir à Gaza.
A Naplouse, ville du nord de la Cisjordanie occupée, les forces israéliennes ont mené un nouveau raid dans la nuit de dimanche à lundi. Selon l’armée, les soldats y ont arrêté cinq Palestiniens, dont deux accusés d’avoir tué un soldat israélien en octobre 2022.

56 morts depuis janvier
Les forces israéliennes ont encerclé un bâtiment du centre de la ville, et des affrontements armés ont eu lieu durant cette incursion, selon des témoins. Le ministère de la Santé a fait état de la mort d’un Palestinien de 21 ans, Amir Ihab Boustami, à Naplouse pendant la nuit. Depuis le début de l’année, le conflit israélo-palestinien a coûté la vie à 47 Palestiniens parmi lesquels des mineurs, neuf civils israéliens (dont trois mineurs) et une Ukrainienne, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de sources officielles israéliennes et palestiniennes. Dimanche, alors que les Etats de la Ligue arabe participaient au Caire à la conférence pour Jérusalem (Al Qods), le cabinet de sécurité israélien a annoncé qu’il allait légaliser neuf colonies juives en Cisjordanie occupée. Le cabinet a présenté cette mesure comme une réponse à une série d’attaques palestiniennes à Jérusalem-Est (occupée et annexée par Israël), dont une ayant fait trois morts vendredi. Ces colonies étaient jusque-là illégales au regard du droit israélien car établies sans l’aval du gouvernement, mais pour l’ONU toute l’entreprise de colonisation juive en Cisjordanie est illégale au regard du droit international. Le cabinet de sécurité a également fait savoir qu’il avait l’intention d’annoncer un nouveau cycle de constructions de logements pour les colons en Cisjordanie, mesure susceptible de susciter une large condamnation internationale.

Colonies, encore et encore
«La décision du gouvernement israélien de “légitimer” ces colonies s’inscrit dans le cadre des mesures d’annexion pratiquées par ce gouvernement extrémiste», a réagi le Premier ministre palestinien Mohammad Shtayyeh lundi en Conseil des ministres. «Il est temps que le monde sanctionne Israël pour son mépris des résolutions des Nations unies», a-t-il ajouté, appelant à «punir Israël, à le boycotter et à le considérer comme un État hors-la-loi». Israël occupe la Cisjordanie depuis la guerre israélo-arabe de juin 1967. Plus de 475.000 Israéliens résident dans des colonies en Cisjordanie (hors Jérusalem-Est), où vivent 2,8 millions de Palestiniens. En visite à Jérusalem et à Ramallah (Cisjordanie) pour tenter d’apaiser les tensions, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken avait mis en garde fin janvier contre toute expansion des colonies juives. Au Caire, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a déclaré que le président américain Joe Biden promet la paix, mais ne fait rien pour la paix.
Le ministère des Affaires étrangères jordanien a appelé «la communauté internationale à agir de toute urgence pour faire cesser les mesures unilatérales israéliennes qui sapent toutes les chances de paix», et jugé que les dernières annonces israéliennes ne feraient qu’entraîner «davantage de violences».

«Domicide»
A Genève, trois rapporteurs spéciaux de l’ONU ont demandé hier lundi à ce qu’Israël soit tenu responsable pour la démolition des logements de Palestiniens en Cisjordanie occupée, des actes qu’ils qualifient de «global destruction of home», «domicide» en français.
Dans un communiqué, ces trois experts indépendants, mandatés par le Conseil des droits de l’Homme mais ne s’expriment pas au nom des Nations unies, ont appelé la communauté internationale à prendre des mesures pour mettre fin «aux démolitions ou fermetures systématiques et délibérées de logements (…), aux déplacements arbitraires et aux expulsions forcées de Palestiniens en Cisjordanie occupée».
Selon les experts de l’ONU, les autorités israéliennes ont démoli en janvier 132 structures palestiniennes parmi 38 communautés de Cisjordanie, dont 34 structures résidentielles et 15 structures financées par des donateurs. Ce total représente une augmentation de 135%, par rapport à la même période en 2022, et comprend cinq démolitions punitives.
«La démolition systématique de maisons palestiniennes, l’érection de colonies israéliennes illégales et le refus systématique de permis de construire pour les Palestiniens en Cisjordanie occupée s’apparentent à un “domicide”», ont affirmé les trois experts, parmi lesquels figure Balakrishnan Rajagopal, Rapporteur spécial sur le logement convenable.

Maisons, écoles, sources d’eau…
Fin 2022, M. Rajagopal avait demandé que le «domicide» – la destruction à grande échelle ou systématique de logements civils durant les conflits – soit reconnu comme un crime distinct en droit pénal international. «Les attaques directes contre les maisons, les écoles, les moyens de subsistance et les sources d’eau du peuple palestinien ne sont rien d’autre que des tentatives d’Israël de restreindre le droit à l’autodétermination des Palestiniens et de menacer leur existence même», ont affirmé les experts dans le communiqué.
Ils ont réitéré leur préoccupation concernant la situation à Masafer Yatta, dans le sud de la Cisjordanie, «où plus de 1.100 résidents palestiniens restent exposés à un risque imminent d’expulsion forcée, de déplacement arbitraire et de démolition de leurs maisons, de leurs moyens de subsistance et de leurs structures d’approvisionnement en eau et d’assainissement».
«Les tactiques israéliennes de déplacement forcé et d’expulsion de la population palestinienne semblent n’avoir aucune limite. A Jérusalem-Est occupée, des dizaines de familles palestiniennes sont également confrontées au risque imminent d’expulsions et de déplacements forcés, en raison (…) de planifications discriminatoires qui favorisent l’expansion des colonies israéliennes», déplorent les experts de l’ONU.
La colonisation de territoires occupés constitue un «acte illégal au regard du droit international et assimilable à un crime de guerre», rappellent-t-ils. Plus de 475.000 Israéliens résident dans des colonies en Cisjordanie, où vivent 2,8 millions de Palestiniens. n