Face à l’érosion de la valeur de la monnaie nationale et ses conséquences sur la consommation et le rythme économique du pays, l’Exécutif fait face à des scénarios qui imposent d’importants arbitrages.
Par Hakim Ould Mohamed
A l’instar de tous les pays qui subissent la vague inflationniste qui submerge l’économie mondiale, l’Algérie fait face à une vive progression des prix.
En avril 2022, par rapport à avril 2021, l’évolution de l’indice national des prix à la consommation était de +10,86%. Les produits alimentaires ont enregistré une hausse de +15,72% durant la même période de comparaison.
Poussés par le conflit en Ukraine, la désorganisation des chaînes d’approvisionnement et les conséquences persistantes du choc pandémique, les cours mondiaux des produits alimentaires continuent leur course en avant ; la Banque mondiale faisant constater qu’à la date du 29 juillet 2022, l’indice des prix des produits agricoles était supérieur de 19 % à celui enregistré au mois de janvier 2021, avec des cours du maïs et du blé supérieurs respectivement de 16% et 22%, tandis que ceux du riz ont baissé d’environ 14%. Dans une note statistique interprétant l’évolution des prix des produits de base, les chiffres donnent le vertige. «Les prix alimentaires continuent d’augmenter à travers le monde : 93,8 % des pays à faible revenu, 89,1 % des pays à revenu intermédiaire inférieur, 83 % des pays à revenu intermédiaire supérieur et 78,6 % des pays à revenu élevé ont enregistré des taux d’inflation supérieurs à 5 %, un grand nombre d’entre eux affichant même une inflation à deux chiffres. En outre, dans la plupart des pays, cette inflation des prix alimentaires était supérieure à l’inflation globale», souligne l’institution de Bretton Woods. Clairement, alors que les marchés étaient déjà sous forte tension durant les deux années de crise sanitaire, la guerre en Ukraine est venue en rajouter une couche et modifier complètement la physionomie des échanges, de la production et de la consommation des produits de base, «ce qui devrait maintenir les prix à des niveaux historiquement élevés jusqu’à la fin de l’année 2024, aggravant ainsi l’insécurité et l’inflation alimentaires», met en garde la Banque mondiale. Grand importateur de produits alimentaires de base, dont les céréales et la poudre de lait particulièrement, le grand défi des prochains mois pour l’Algérie étant de contrôler la progression des prix et ses conséquences sur le pouvoir d’achat des ménages et des entreprises.
Mesures insuffisantes
L’inflation a continué de progresser en 2022 et devient désormais, selon la Banque mondiale, la «préoccupation croissante en Algérie, comme ailleurs». Face à cette fièvre inflationniste, l’Exécutif a réagi en mettant en œuvre un ensemble de mesures destinées à limiter l’impact de la hausse des prix sur le pouvoir d’achat des ménages, dont notamment l’introduction d’une allocation chômage pour les personnes à la recherche d’un premier emploi, la baisse de la fiscalité appliquée aux salaires et la hausse du point indiciaire dans la Fonction publique. Le Président de la République a annoncé également une nouvelle revalorisation salariale, dès 2023, et qui serait probablement prise en charge par la loi de finances du prochain exercice. Cependant, l’inflation semble évoluer plus rapidement que les salaires, ce qui exigerait du gouvernement «des politiques budgétaires et monétaires prudentes, ainsi que des réformes favorisant la concurrence». Il serait temps de marquer une pause dans l’action de dépréciation quasi permanente de la valeur de la monnaie nationale et repousser encore le projet de révision des subventions qui serait, lui aussi, porteur de risques inflationnistes. C’est dire que des arbitrages politiques sont nécessaires pour le prochain exercice, particulièrement entre les ampleurs du chômage et de l’inflation ainsi qu’entre l’impératif de certaines réformes budgétaires, dont la révision des subventions et celui de faire retomber la fièvre inflationniste. C’est-à-dire que la hausse du taux d’inflation est inévitable en cas de réduction des subventions ou de baisse de la valeur du dinar ou de restrictions sur les importations.
Dans l’élaboration du budget de 2023, le gouvernement devra ainsi slalomer entre plusieurs impératifs afin de limiter l’impact de la hausse des prix sur le pouvoir d’achat des ménages. Caette inflation n’est pas sans conséquence sur l’économie, puisque la hausse des coûts de production entraîne forcément des mesures de gel des embauches au sein des entreprises. Mais pas seulement. En anticipant une baisse du dinar et une forte inflation, les détenteurs de capitaux en dinar seront fortement incités à se départir du dinar et de l’épargne étant donné qu’une inflation supérieure aux taux d’intérêts proposés font perdre aux épargnants certaines sommes. <