Dans ses prévisions pour l’économie algérienne, publiées ce week-end, l’agence de notation Fitch prévoit une décélération de l’inflation dès cette année, sous l’effet, entre autres, de l’intervention de la Banque d’Algérie au moyen de sa politique de change qui, depuis juillet, change carrément de cap en faveur d’une appréciation de la monnaie nationale.
par Hakim Ould Mohamed
«Chez Fitch Solutions, nous pensons que la Banque d’Algérie maintiendra une politique monétaire accommodante en 2023 car elle choisit de soutenir le dinar pour contrôler l’inflation», lit-on dans le rapport de l’agence de notation internationale. En conséquence, souligne-t-elle, «nous voyons que l’inflation va décélérer de 9,7 % en 2022 à 3,8 % en 2023». Fitch vient ainsi confirmer, un changement de cap chez la Banque centrale qui, depuis le contre-choc pétrolier de la mi-2014, n’a cessé de faire de la dépréciation du dinar un amortisseur afin de réduire l’impact de la dégringolade des cours du brut sur la situation macroéconomique du pays.
Or, depuis l’été de l’année dernière, alors que la fièvre inflationniste ne cesse de monter, la politique de change de la Banque centrale connaissait un changement majeur ; la dépréciation du dinar de ces dernières années cédant place à son appréciation afin de contrer les pressions inflationnistes. La dernière note en date de l’Office national des statistiques (ONS) montre qu’au mois de novembre 2022, et par rapport au même mois de l’année 2021, l’évolution des prix à la consommation était de +8,2%. Le rythme d’inflation annuel (décembre 2021 à novembre 2022/décembre 2020 à novembre 2021) était de +9,2%. De son côté, la Banque d’Algérie, dans sa note de conjoncture pour le premier semestre de l’année dernière, a indiqué que durant les six premiers mois de 2022 et par rapport à la même période de l’année d’avant, l’indice des prix à la consommation national a connu une augmentation de 10,07 %. «En glissement semestriel, l’indice national global des prix a marqué une progression de 5,38 %, le plus haut niveau d’inflation après celui enregistré au premier semestre 2012 (5,84 %)», admet la Banque centrale qui, pour faire tomber cette fièvre, s’est livrée à une série d’appréciation de la monnaie nationale, entamée depuis la mi-2022, alors que le dinar avait perdu d’importantes marges depuis l’été 2014, passant de 78 dinars pour un dollar en juin 2014 à 149 dinars/dollar début 2022, tandis que face à l’euro, la parité est passée de 107 dinars/euro en juin 2014 à 167 dinars/euro début 2022.
Activité économique soutenue
La bonne santé macroéconomique du pays et l’état des fondamentaux de l’économie qui sont repartis à la hausse ont aidé la Banque centrale à mener ses opérations de désinflation au moyen de sa politique monétaire, dont le taux de change du dinar en est l’un des outils.
Ce qui fait dire aux experts de l’agence Fitch que l’inflation devrait décélérer cette année. Pour cette année, Fitch Solutions prévoit une appréciation de 2,5% du dinar par rapport au billet vert. Une monnaie plus forte «se traduira par une croissance plus lente des prix», estime Fitch, soulignant, dans la foulée, que la baisse de l’inflation soutiendra également la consommation locale.
Au chapitre de la croissance, après avoir révisé à la baisse le taux de croissance sur l’ensemble de l’année 2023, à 2,5% contre 3,6%, Fitch pense que l’activité économique reprendra sur le reste de l’année après que les données encourageantes des derniers mois de 2022 et du début 2023. En outre, «Cela dit, la forte consommation publique et le ralentissement de l’inflation soutiendront l’activité économique en 2023», soutient l’agence de notation.
Les prévisions de Fitch corroborent les attentes de l’Exécutif qui table sur une croissance qui peut atteindre 5% durant l’actuel exercice en raison du potentiel de croissance que recèlent les secteurs hors hydrocarbures. Officiellement, la loi de finances 2023 prévoit un taux de croissance de 4,1% et une nette décélération de l’inflation à 5,1%. Quant aux positions financières extérieures de l’Algérie, l’agence Fitch s’attend à une amélioration nette des indicateurs, tablant sur des excédents du compte courant de «3,6 % et 0,3 % du PIB en 2022 et 2023 respectivement en raison des prix élevés du pétrole et du gaz, marquant une amélioration par rapport à un déficit estimé à 5,5 % du PIB». «Nous nous attendons à ce que les perturbations du commerce avec l’Espagne, les restrictions à l’importation et la faiblesse du dinar algérien ralentissent la croissance des importations».
Ces indicateurs, estiment les experts de l’agence de notation, entraîneront une augmentation des réserves
de change du pays, lesquels s’établissent à plus de 60 milliards de dollars, enregistrant d’importantes plus-values depuis le début de l’année
dernière. Fitch vient confirmer les prévisions optimistes contenues dans la loi budgétaire de l’actuel exercice et le bien-fondé de la politique monétaire de la Banque centrale destinée, en partie, à lutter contre l’inflation ambiante. <