Considéré comme source de fuites fiscales et de fausses déclarations, l’impôt forfaitaire unique (IFU), appliqué aux professions libérales, est devenu la taxe de la controverse et de la polémique. Le fisc veut limiter son champ d’application.
Par Hakim Ould Mohamed
Face à la colère des avocats, qui ont paralysé les tribunaux plusieurs jours durant, en raison du régime fiscal imposé à leur activité dans la loi de finances 2022, le gouvernement a annoncé, lors de sa rencontre avec leurs représentants, des concessions, promettant une révision dudit régime dans le cadre de la loi budgétaire complémentaire de l’actuel exercice.
Une mesure qui s’apparente à un analgésique, en attendant une refonte de fond en comble de l’Impôt forfaitaire unique (IFU) et de l’ensemble du régime fiscal appliqué aux professions libérales. L’engagement a été pris par le gouvernement lors de sa réunion avec les robes noires, d’évoluer vers la révision du régime fiscal en fonction des spécificités de la profession des avocats. Laquelle révision sera introduite dans la loi de finances complémentaire 2022 avec, comme proposition, la reconduction du principe de retenue, tout en gardant l’imposition sur le revenu.
Pour rappel, la loi de finances 2022 est venue consacrer l’idée d’un passage d’un taux d’imposition forfaitaire (IFU) de 12 % à un impôt de 54%, TVA (19%) incluse. Alors que le gouvernement tentait d’étouffer le feu en négociant avec les avocats, un autre incendie s’est déclaré dans la corporation des notaires qui, eux aussi, sont montés au créneau contre le régime fiscal institué par la loi budgétaire principale de 2022, perçue comme une «contravention», voire une «sanction». Selon les représentants des notaires, le nouveau régime fiscal introduit dans la loi de finances 2022 fait monter d’un cran la pression sur la profession de notariat, relevant à 50% la part des taxes rapportée au chiffre d’affaires. Il n’y a pas que les professions d’avocat et de notaire qui sont vent debout contre les dispositions fiscales contenues dans la loi de finances 2022. Les médecins libéraux ont, à leur tour, dénoncé un taux d’imposition jugé élevé.
En somme, la loi de finances 2022 suggère pour certaines professions libérales le passage d’un régime forfaitaire à un régime réel, dans une tentative de réduire le phénomène des fausses déclarations et une réforme de l’IFU en faisant évoluer certaines activités et professions vers le régime réel. Cette révision a été entamée en 2020, faut-il le rappeler ; l’administration fiscale restreignant, à l’époque, le champ d’application de l’IFU, auquel étaient assujettis les commerçants et les professions libérales, comme les médecins, les dentistes, les avocats, les notaires, etc. La loi de finances 2020 avait révisé les dispositions de l’article 282 du code des impôts directs, relatif au seuil d’éligibilité à l’IFU, en le fixant à 15 millions de dinars au lieu de 30 millions de dinars. Ainsi, suivant cette révision du code des impôts directs, l’IFU devait s’appliquer uniquement aux personnes physiques, à savoir les commerçants, et non aux sociétés (Eurl, Sarl, SPA).
La loi de finances de cette année est venue asseoir les bases d’un nouveau régime fiscal, applicable aux professions libérales, deux années seulement après les dispositions incluses dans la loi budgétaire de 2020. Ces correctifs à répétition apportés au régime fiscal appliqué aux professions libérales, en privilégiant le passage au régime réel, ont pour objectif de réduire le phénomène de fuites fiscales et de fausses déclarations, responsables d’un important manque à gagner en matière de collecte d’impôts. L’idée est que le régime de retenue à la source soit généralisé à plusieurs catégories de contribuables, étant donné son efficacité en matière de collecte d’impôts, en témoigne la prédominance de l’IRG dans la structure de la fiscalité ordinaire recouvrée.
Dans son rapport annuel 2021, la Cour des comptes note à juste titre «la prédominance des recouvrements par mode de retenue à la source et de paiement spontané».
L’Institution de contrôle financier fait constater que l’IRG salaire, prélevé à la source, procure, à lui seul, 774,511 milliards de dinars sur un total de 863,504 milliards de dinars de recettes des impôts directs. Ce pourquoi le gouvernement veut coûte que coûte limiter le régime forfaitaire, dont la contribution à la fiscalité ordinaire reste marginale.