Le nouveau patron de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS), dans le gouvernement d’Abdelaziz Djerad, a le profil rassurant d’un universitaire au long cours qui connaît bien le secteur pour n’avoir jamais cessé de critiquer son fonctionnement depuis des années.

Par Leïla Zaimi et Halim Midouni
Il a appelé à une réforme qui ferait passer le pays « de la légitimité historique à celui de la neurone », comme il l’écrivait, il y a quelques mois, dans ses fréquentes contributions journalistiques auprès de notre confrère l’Expression notamment. En effet, Chems Eddine Chitour est un universitaire « pur jus ». Il a été formé au début des années 1970, considérées par certains comme celles d’une « génération en or », pour avoir été contemporaine d’une époque où l’enseignement supérieur en Algérie attirait par sa qualité des cohortes d’étudiants du continent et d’ailleurs et a pu donner au pays des cadres de haute compétence. Il vient surtout du monde des ingénieurs, ces diplômés qui ont fait la fierté de l’Algérie et de son industrie post-indépendance, en particulier dans le domaine du génie chimique, une filière qui le mènera vers le secteur des hydrocarbures via l’Ecole nationale polytechnique d’Alger et de l’Institut algérien du pétrole (IAP). Diplômé de l’Université de Toulouse (où il intervenait d’ailleurs en tant que professeur associé), il se présente jusqu’à son accession au MESRS comme un énergéticien dont la célébrité est devenue proportionnelle à sa critique du « tout-pétrole » et à ses préférences « stratégiques » pour l’énergie renouvelable. Un thème pour lesquels ils multipliaient les interventions et les conférences dont l’une des plus récentes a été tenue en novembre 2019 au siège du Forum (ex-FCE) où il a croisé dans un débat ses idées avec celles de son collègue Abdelmadjid Attar, autour de ce qui était encore considéré comme le projet de loi sur l’énergie qu’il ne semblait pas apprécier et auquel il souhaitait, en guise de substitution, une loi sur la « transition énergétique ».
C’est dans ce sens qu’il a d’ailleurs commencé par créer le Laboratoire de valorisation des énergies fossiles à l’Ecole nationale polytechnique (Polytech) d’El Harrach, où il enseignait jusqu’à sa nomination au poste de ministre, une activité parmi les autres qu’on lui connaît en tant que conseiller auprès du gouvernement et expert qui ne mâchait pas ses mots lorsqu’il s’agissait, pour lui, de commenter la réalité du système éducatif et de l’Université dans notre pays.
« Le vrai combat, c’est celui qui consiste à aller vers le savoir rationnel »
« L’Education nationale est une machine à fabriquer des perdants de la vie, elle n’a pas été un ascenseur social. L’enseignement supérieur souffre des mêmes travers, là aussi, il est important de le réhabiliter. Le vrai combat, c’est celui qui consiste à aller vers le savoir rationnel. Cette économie de la connaissance qui double tous les deux ans. C’est le seul combat qui vaut la peine d’être mené », a-t-il ainsi déclaré récemment, dans un entretien avec la presse. Pour les chantiers prioritaires qu’il compte ouvrir pour remettre l’Université sur pied, on attendra le Conseil des ministres, qui aura lieu demain. Le premier qui sera présidé par le président de la République depuis son investiture et depuis la nomination du gouvernement Djerad. On attendra surtout ses premières déclarations publiques au sujet du département qui vient de lui être confié et au sein duquel des voix se sont exprimées, hier, pour Reporters, pour dire quel accueil bienveillant ils font à son arrivée. Abdelatif Kerzabi, professeur d’économie à l’université de Tlemcen et membre du Conseil national des enseignants universitaires (Cnes), a ainsi considéré comme « positive » la nomination de M. Chitour, que «d’innombrables chantiers attendent». « L’Université algérienne a besoin d’une très grande réforme (…) Son état reflète exactement la crise de la société. Il y a besoin de revoir la qualification des diplômes, les langues d’enseignement, les normes de recrutement et l’orientation universitaire », a-t-il souligné.
De son côté, Mohand Smaïli, enseignant et chercheur en sciences politiques et sociales à l’université d’Alger, estime que les déclarations et les analyses du nouveau ministre sur l’état de l’Université indiquent chez lui une « vision globale » et de « haute facture ». « Il maîtrise son sujet et cela devrait l’aider dans sa mission de commencer à remettre l’Université algérienne sur rails. Car, l’enseignement supérieur en Algérie a atteint un tel niveau de médiocrité qu’il devient super urgent d’opérer un véritable Hirak au sein même des établissement d’enseignement supérieur et spécialement au niveau des rectorats, doyens, directeurs de laboratoire…ou règnent des pratiques malsaines ».