Par Arezki Benalili (*)
Toute la vie de Moussa Kebaïli est inscrite dans le militantisme et le dévouement pour sa patrie : l’Algérie. Le patriotisme lui a été transmis par ses prédécesseurs (son père et son oncle, anciens du PPA) et ainsi va la flamme de combat libérateur de père en fils. De son petit hameau de Beni Aziz, près de St Arnaud (Sétif) à Montpellier, en passant par Uzès, en France. Un long et riche parcours de combattant. (Un récit de vie, un document d’histoire pour des générations futures, paraitra bientôt)
Militant de première heure au sein de la fédération de France du FLN, Moussa Kebaïli vient de quitter notre monde pour aller rejoindre son père et son oncle tombés au champ d’honneur. Les membres de sa famille, sa femme et ses enfants ainsi que ceux de sa famille révolutionnaire, sont là, présents pour le dernier hommage au cimetière d’El Alia. Des noms et des visages endeuillés ont été au cimetière, malgré le ramadhan et la chaleur étouffante pour un mois de mars. On y voit entre autres Akli Benyounès, dit Daniel, Ahmed Doum, Miri Boutaleb, Bekhouche, Benadouda et d’autres compagnons faisant partie du groupe de choc ou de l’Organisation Spéciale de la fédération de France du FLN…
Moussa Kebaïli n’a pas quitté ce monde sans laisser pour la postérité un livre-mémoire auquel il tenait tant de son vivant. Croyant invétéré de la transmission intergénérationnelle de la mémoire et de l’histoire. Ainsi, son fils, Lotfi a tenu à lire l’avant-propos du livre comme le voulait son défunt père et dont il nous promet la sortie dans les jours prochains, puisque fin prêt.
« Il n’y a pas grand-monde » fait remarquer d’une voix à peine audible un vieil ami venu présenter les condoléances à sa famille et exprimer ses adieux. Il s’agit d’un ancien combattant de la fédération de France du FLN. Son camarade, dos courbé et mine pâle et aux allures nonchalantes, lui répond : « Il n’y a pas eu d’informations ; la nouvelle est passée de bouche à oreille ! »
Evidemment, les obsèques devaient être d’envergure nationale, mais il est préférable de laisser notre ami dans son style à lui. Un grand stratège qui passait presqu’inaperçu avant de tâter le terrain pour savoir où mettre le pied ou engager ses coéquipiers. La dernière occasion est celle des amis, de la famille et des proches qui étaient là, au cimetière d’El Alia depuis un moment. Ils s’inclinent devant sa mémoire avec tout le respect qu’on doit à un militant.
Un vieil ami du défunt, Mohamed Ghafir, dit Moh Clichy, titille sa mémoire dans une oraison funèbre en hommage à la bravoure d’un grand responsable, citant son nom aux côtés de quatre autres codétenus. Ces noms ne sont pas des moindres : Bachir Boumaza, Mustapha Francis, Benaissa Souami, Abdelkader Benhadj et Moussa Kebaïli, écrits en lettres d’or dans un livre culte « La Gangrène », un brûlot coécrit en prison par ces détenus et publié par les Editions de Minuit.
L’intervenant témoigne « En janvier 1958, la DST m’a arrêté et m’a fait prisonnier à Fresnes… En décembre, on arrête Moussa en compagnie d’autres camarades. » Le travail de Moussa Kebaïli ne s’est pas arrêté en prison, mais prend un autre rythme et encore trouvait-il l’endroit encore peinard de ce point de vue !
« Nous étions plus d’un millier et quand nous prenions le bol d’air de quelques minutes à cinq ou six cellules, Moussa nous donnait des cours de formation et d’histoire et à l’intérieur de la prison, lui et ses codétenus, ont réussi à écrire un livre sur la torture et les conditions inhumaines de l’incarcération ; de Gaulle et les parlementaires français auraient été déboussolés. » rapporte Mohamed Ghafir. « Un tel brûlot met à nu la politique française et la terre des droits de l’homme aux yeux du monde entier », ajoute l’orateur.
L’honnêteté, la probité et la droiture de Moussa Kebaïli n’est un secret pour personne ; tous ses congénères en témoignent à sa juste valeur.
Par ailleurs, promesse tenue, son fils confirme que le livre des mémoires de son père est fin prêt. Il paraitra d’ici quelques semaines, après Ramadhan. Ce digne héritier de son père affirme que l’avant-propos de ce livre est écrit en un seul jet, il y a à peine quelques semaines.
« A la mémoire de mon père, Hadj Mohamed et de mon oncle, enterrés au cimetière Djebel Boutaleb, morts pour que vive l’Algérie libre, digne et démocratique ainsi qu’à celles de tous les compatriotes morts au service de notre révolution du 1er novembre 1954.
J’écris aussi pour que mes enfants, Nadia, Kamila et Lotfi n’oublient jamais le combat que j’ai mené au service de leur patrie, Algérie.
J’écris aussi pour dire à ceux qui ne perçoivent au terme de mon manuscrit que de la colère, peut-être ont-ils leur raison de ne pas la comprendre. Elle n’est pourtant que cette expression fidèle de nos combats contre le colonialisme sous toutes ses formes.
Je dirai à ces serpents qui sifflent sur nos têtes, ceux-là même qui ont délibérément traversé les années de guerre de libération sur la côte d’Azur puis ailleurs et qui cherchent aujourd’hui à s’émanciper à l’égard de ceux qui ont combattu, je leur dirai : l’histoire a tranché .
J’écris pour dire à ceux qui ont combattu au sein de la fédération de France du FLN, qu’ils restent fiers de leurs sacrifices au sein de l’émigration algérienne, flambeau du nationalisme algérien.
Je termine mon avant-propos par cette citation de Jean Jaurès : « Être vrai partout même sur sa patrie ; tout citoyen est obligé de mourir pour sa patrie ; personne n’est obligé de mentir pour elle. ».
Repose en paix Moussa Kebaïli
Gloire à nos martyrs(*) Arezki Benalili a longtemps travaillé à recueillir et à transcrire le témoignage de Moussa Kebaïli sur son parcours de militant au sein de la Fédération de France du FLN