Par sa déclaration du 26 mars 2019 à Ouargla, le Chef d’Etat-Major de l’ANP a été le premier Officiel d’une Institution publique algérienne à se hisser au niveau de ses hautes responsabilité pour reconnaître que du fait de sa situation de santé, le Président de la République « se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions» au sens de l’article 102 de la Constitution.  Il a ainsi donné raison « à la revendication légitime du peuple algérien », rendant hommage aux « marches populaires pacifiques » de celui-ci.  De ce fait, l’ANP a également par la voix la plus autorisée, cautionné ce mode exceptionnel d’expression de la volonté populaire qu’on pourrait désormais qualifier d’ « el hirak el  watani el 3adhim ».  Ainsi est proclamé le fait que l ‘ANP et le  « Hirak » font cause commune ce qui honore l’Algérie dans son ensemble.

On se souviendra en effet que ces marches ont clamé  l’empêchement du candidat pour s’opposer à un cinquième mandat ou à une extension du 4 ème .   Le Chef d’Etat Major avait proposé de recourir à l’article 102 pour constater la vacance de la Présidence de la République, en lien avec les article 7 et 8 de la Constitution (qui reconnaîssent respectivement  que le peuple est la source de tout pouvoir et  indiquent comment il l’exerce).

Cette option n’était pas exempte de problèmes mais elle a eu un effet bénéfique.  C’est en effet la perspective du lancement de cette procédure humiliante qui semble avoir conduit l’entourage du Président de la République à soumettre une démission qui  permet  à ce dernier de quitter des fonctions qu’il ne pouvait plus exercer, dans un minimum de dignité .

Ceci dit,  il y a lieu de s’interroger pourquoi l’entourage du Président de la République avait évoqué une « démission » plutôt que  d’annoncer tout simplement son départ en fin de mandat le 28 février 2019.

 

Il n’y a pas de hasard en politique.  On est donc fondé à craindre un artifice juridique visant à avancer de quelques jours avant le 28 avril le départ du Chef de l’Etat pour justifier artificiellement le recours aux articles 102 et 104 de la Constitution.  Or ces articles étaient destinés à une véritable vacance en cours de mandat.   Ils ne sont pas destinés à prolonger au delà du mandat du Président sortant une structure  gouvernementale qu’il a nommée dans le but de servir d’instance transitoire  pour préparer sa relève.  Une telle interprétation à quelques jours de la vacance de fin de mandat, serait un dévoiement de la Constitution et  un moyen détourné de rejeter les exigences populaires.

On avait annoncé en outre d’autres décisions qui seraient prises avant son départ par le Président sortant sur la période de transition.  Comment aurait-il pu prendre de telles décisions alors que son incapacité a été reconnue par le peuple entier y compris l’ANP ?

Ceci aurait exclu un mécanisme de transition composé de personnes indépendantes, crédibles et sans affiliation partisane choisies par consensus entre le Pouvoir et le Hirak pour veiller à une transition paisible, harmonieuse et porteuse des espoirs de tous.

Heureusement l’Etat Major a exigé l’écartement immédiat du Président.  Ceci  laisse quand même une incertitude quant à l’applicabilité non seulement l’article 102 mais aussi l’article 104 qui lui est lié et qui confie au Gouvernement qui vient d’être nommé par un Président dont l’incapacité est reconnue, la responsabilité de la transition.

A l’issue de tant de rebondissements et de coups de théâtre, on veut croire que la responsabilité de la transition ne sera pas confisquée au peuple algérien et que les vues du « hirak » seront entendues et respectées telles qu’exprimées sans ambigüité depuis le 22 février 2019.  Ceci veut dire que l’article 7 l’emportera sur les articles 102 et 104 en ce qui concerne le cadre institutionnel de la transition à venir.

C’est le moment pour l’Etat de rassurer le peuple que telle est bien son intention.  En faisant cause commune avec le Hirak dans ce sens, l’ANP s’inscrira dans l’Histoire comme ayant sauvé le peuple des périls qui le guettent et aidé au rétablissement de la démocratie et de l’état de droit.

Les Forces de Sécurité ont été exemplaires dans la gestion de la mutation en cours.  Je suis sûr que la hauteur de vue prévaudra et que l’on s’acheminera consensuellement vers la mise en place d’une instance de transition indépendante, crédible  et libre de toute affiliation politique après le 28 avril qui donnera à la crise sa signification chinoise de « wei ji » porteuse de danger, certes, mais aussi d’opportunité.

Il est des moments dans la vie d’une Nation où tous ceux qui aiment véritablement leur pays et qui veulent le servir plutôt que de s’en servir, doivent se déterminer quoi qu’il leur en coûte.  Ce moment est arrivé pour nous, Algériennes et Algériens, de toutes tranches d’âge, de toutes régions, de toutes activités, se trouvant sur la Terre natale ou dans la Diaspora.

Quelle bénédiction de voir notre peuple aussi uni. Al hamdoulillah.

Vive l’Algérie !

Par Idriss Jazairy

Citoyen algérien 

 

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