La situation épidémique se dégrade à une vitesse vertigineuse. La rapidité avec laquelle le variant Omicron a pris le dessus sur le Delta et la vitesse avec laquelle il est en train de se propager dans le pays alertent sur la gravité de la situation qui ne laisse place à aucune tergiversation, poussant les autorités à prendre des mesures pour tenter de casser la chaine de transmission du virus. Le résultat de cette situation qui risque de se compliquer davantage est là, Omicron déferle et chamboule désormais les écoles, les universités, les visites officielles, les lieux de loisirs…PAR INES DALI
D’ailleurs l’obligation du port du masque est de retour dans toutes les administrations publiques, les services publics, les espaces commerciaux, les transports et même dans la rue dans plusieurs wilayas, dont la capitale, en fonction du schéma épidémiologique de chacune.
Mais pas seulement, puisque la demande sur les lits d’hospitalisation augmente, les soignants sont, eux aussi, de plus en plus touchés par les contaminations ayant conduit nombre d’entre eux à partir en congé et ceux qui continuent de travailler à monter au créneau pour demander plus de rigueur dans le respect des protocoles sanitaires, mais aussi à donner les chiffres réels des contaminations en prenant en compte l’ensembles des tests positifs effectués et pas seulement les tests RT/PCR.
La configuration actuelle de l’épidémie est très proche de celle du pic de l’été dernier où près de 2000 cas par jour avaient été enregistrés en juillet, l’évolution étant, en revanche, nettement plus rapide cette fois-ci en raison de la très forte transmissibilité d’Omicron qui a fini par atteindre 400 cas jeudi 20 janvier, représentant un taux de 57% du total des cas recensés contre 33% une semaine auparavant (le 13 janvier), selon l’Institut Pasteur d’Algérie (IPA). Tout en notant une «une augmentation exponentielle de la courbe des nouvelles contaminations à l’Omicron», l’IPA prévient qu’il s’attend à ce que ce variant représente «plus de 90% dans les deux semaines à venir».
Les chiffres de l’IPA s’appuient sur les séquençages effectués suite aux tests RT/PCR positifs. Sachant qu’il n’y a que l’Institut Pasteur qui effectue ces opérations, il devient clair que les cas d’Omicron annoncés ne représentent qu’une partie de la réalité de la population atteinte par ce variant. C’est la même chose pour le nombre de cas annoncés dans les bilans quotidiens du ministère de la Santé qui ne comptabilisent pas les autres tests, notamment les antigéniques.
A ce titre, il y a lieu de noter que les tests rapides ont sensiblement augmenté durant cette période de forte propagation d’Omicron sans pour autant être pris en considération dans le décompte quotidien. Le président de l’Association des laboratoires d’analyses de biologie médicale, Dr Abdelhalim Chachou, regrette cet état de fait. Il a indiqué qu’il y a «un nombre important de tests antigéniques, entre 100 et 200 par jour au quotidien, enregistrés ces derniers jours au niveau des laboratoires après la hausse des contaminations au variant Omicron», indiquant qu’environ «70% des cas sont testés positifs». Cependant, il s’est dit «navré de ne pas voir ces résultats figurer dans le bilan rendu public quotidiennement par le ministère de la Santé sur le nombre de contaminations, un bilan basé uniquement sur les tests PCR». Il a estimé, par ailleurs, que les résultats de ces analyses «ne seront efficaces qu’en respectant les normes établies, c’est-à-dire qu’elles doivent être faites entre le premier et le cinquième jour d’une éventuelle infection pour la confirmer», relevant l’impératif de les compléter par des analyses PCR en cas d’apparition des symptômes qui peuvent être dangereux pour la santé du patient. Concernant les tarifs de ces tests, le Dr Chachou a indiqué qu’ils oscillent entre 2.000 et 2.500 DA, ce qui «est inférieur au plafond fixé par le ministère de la Santé à 3.000 DA».
Plaidoyer pour un diagnostic précoce et des statistiques précises
Le membre du Comité scientifique de suivi de l’évolution du coronavirus, le Pr Ryad Mehyaoui, estime, lui aussi, que les bilans quotidiens peuvent être plus révélateurs de la réalité. Dans ce sens, il a plaidé pour «un diagnostic précoce afin que les pouvoirs publics puissent contenir la situation, en enregistrant les statistiques précises et réelles de la situation épidémiologique, et en mettant en place des moyens nécessaires pour briser la chaîne de transmission et réduire le nombre des cas de contamination».
Abondant dans le même sens, le Dr Lyès Akhamokh, membre du Comité scientifique, a lui aussi souligné que «les bilans quotidiens sont certainement bien plus élevés que ce qui est annoncé» et que «la hausse des cas va se poursuivre durant les prochains jours et sera plus importante que celle enregistrée lors de la 3e vague». Les hôpitaux qui comptent actuellement «plus de 5000 hospitalisés seront contraints d’ouvrir d’autres services Covid», a-t-il estimé, tout en mettant en garde contre la propagation d’Omicron parmi les enfants. «Ce variant touche les enfants 20 fois plus que le Delta, notamment ceux atteints de maladies chroniques, comme le diabète et l’obésité», a-t-il averti, donnant des exemples de pays où des enfants sont entrés en réanimation.
«Plus l’Omicron avance, et plus il y aura une demande accrue des hospitalisations. Pour le moment, les hôpitaux ne désemplissent pas et ce n’est pas improbable qu’il puisse y avoir des problèmes pour les malades nécessitant de l’oxygène», selon un autre praticien qui a émis le souhait de voir la population se fasse vacciner, soulignant que «ce n’est pas trop tard car cela peut protéger contre une autre vague», bien qu’il «pense qu’avec l’Omicron, on aura peut-être une chance de voir cette pandémie devenir endémique comme la grippe saisonnière».
Mais pour l’heure, la situation épidémique est toujours «inquiétante», de l’avis du Pr Réda Djidjik, immunologue, qui a mis en garde contre le fait de «faire preuve de légèreté» et de «penser que le variant Omicron est bénin et ne tue pas». Dans ce registre, le Pr Kamel Djenouhat, président de la Société algérienne d’immunologie, a déjà indiqué qu’en Afrique du Sud, le pays où il y a 100% de cas d’Omicron, enregistre entre 100 et 140 cas de décès quotidiennement. n