Les contaminations au Covid-19 sont de plus en plus importantes dans le milieu sanitaire qui continue de perdre les siens, contraignant ceux qui continuent d’assurer le service à être confrontés à une énorme charge de travail pour compenser le personnel manquant.
PAR INES DALI
C’est le cas de certains établissements hospitaliers où il est fait état d’un grand nombre du personnel contaminé dépassant parfois 50%. Un taux de contamination qualifié de «record» par le Pr Rachid Belhadj du CHU Mustapha-Bacha (Alger). Cette situation a fait qu’un bon nombre du personnel de la santé est en congé de maladie au moment où les hôpitaux continuent de recevoir un flux important de malades.
Au-delà des contaminations, c’est «la perte de nos confrères qui nous fait beaucoup de peine», a affirmé le Dr Lyès Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP). Trois décès ont été, en effet, annoncés. La directrice de l’hôpital de Birtraria, Karima Si Mohand, est décédée jeudi à l’hôpital Aïn Naâdja après deux mois de lutte acharnée contre la maladie de Covid-19, alors qu’elle se portait bien deux jours avant et s’apprêtait à quitter l’hôpital. Le même jour, le Pr Rabah Bouhamed, ancien doyen de la faculté de médecine de Blida et chef de service de maladies infectieuses à l’hôpital d’El Kettar a tiré sa révérence. L’hôpital Lakhdar-Bouzidi (Bordj Bou Arréridj) a également déploré la perte d’un infirmier, Mohamed El Amine Touahria.
C’est dire que la liste aussi bien des décès que des contaminations ne fait que s’allonger parmi le personnel soignant qui totalise, depuis le début de la pandémie en Algérie en février 2020, «448 décès dans les rangs du personnel médical, dont les deux tiers sont des médecins, soit 250 décès», selon le Pr Belhadj. Quant aux contaminations, elles sont estimées à «environ 30.000», selon le Dr Merabet. Au CHU Mustapha-Bacha en a enregistré en l’espace de quelques jours, une augmentation des cas confirmés, où le nombre est passé de 25 à 300 consultations par jour, la moitié concerne le personnel de santé.
Une inquiétude est par, ailleurs, exprimée quant à ceux qui continuent d’assurer les soins pendant cette pandémie qui perdure. «Nous entamons bientôt la troisième année de cette crise sanitaire et le personnel est toujours le même. Il n’a pas changé. Il est épuisé physiquement et moralement d’une telle charge de travail, jour et nuit», a déclaré le président du SNPSP, ajoutant que cela entraine des difficultés dans l’établissement des listes de garde et des astreintes.
«Beaucoup sont en congé ou en confinement pour Covid et ceux qui restent doivent assumer la prise en charge des malades malgré toute la fatigue et l’épuisement. Il y a aussi le risque qu’ils tombent malades à leur tour devant la forte charge virale à laquelle ils sont exposés», a indiqué Dr Merabet, soutenant qu’«une prise en charge psychologique devrait leur être assurée», car l’une des conséquences de la situation qu’ils vivent est qu’ils «sont très affectés de perdre un collègue ou des collègues qu’ils ont côtoyés pendant des années».
Plaidoyer pour plus de moyens et une prise en charge psychologique
«L’impact psychologique est là, il devrait être pris en considération», a-t-il souligné, relevant, par ailleurs, une autre conséquence et non des moindres. «Il n’y a pas que les soins des malades Covid qui seront affectés, il y a aussi la prise en charge des patients des autres pathologies». C’est ainsi qu’il souhaite une oreille plus attentive de la tutelle quant à la situation du personnel soignant, en mettant à sa disposition «plus de moyens de protection, car quand il en vient à manquer, il dépense de sa poche», a-t-il déploré, donnant l’exemple des masques. «Il est vrai qu’ils ont des kits de protection, mais parfois, ils doivent changer de masque après chaque consultation lorsque le malade éternue ou tousse beaucoup… Ils en consomment donc plus qu’ils n’en ont et se retrouvent parfois face à un manque». Il a affirmé que la tutelle devrait également assurer «le dépistage précoce de tout le personnel dans les services lorsqu’un des membres a été confirmé infecté afin d’éviter que ceux qui ne sont pas contaminés le soient».
Il a poursuivi, qu’elle devrait également assurer «des lieux d’hébergement pour les personnels qui sont exposés plus que d’autres, afin que ceux-ci ne contaminent pas leur famille et le reste de leur entourage et contacts, car ils ont aussi une vie de société…». C’est une sorte de «confinement après les heures de travail pour pouvoir se reposer et pour les protéger et protéger leur famille», a souligné Dr Merabet, rappelant que cette formule a été adoptée lors de la deuxième et troisième vague de la pandémie. «Malheureusement, tout cela n’est pas pris en charge. Il n’y a pas le suivi voulu, il n’y a pas de dépistage, pas de prise en charge psychologique… on se débrouille comme tout le monde», a-t-il souligné.
Face à la hausse des contaminations et décès parmi le personnel soignant, le Dr Merabet regrette, par ailleurs, que celui-ci ne soit pas suffisamment vacciné et continue à faire de la résistance avec un taux qui, de son avis, ne serait qu’autour de 10%. «Nous l’avons toujours dit, il faut qu’il y ait obligation vaccinale pour le corps de la santé, comme cela s’est fait dans plusieurs pays, comme les Etats-Unis, le Royaume Uni, le Canada…», a-t-il affirmé, précisant qu’il a cité ces pays car «ce sont des pays où la liberté est parmi la plus respectée dans le monde, mais lorsqu’il s’est agi de la sécurité sanitaire, ils ont dû appliquer l’obligation vaccinale pour certains corps, y compris celui de la santé». Pour illustrer son propos, il a relevé que des taux de vaccination très élevés sont enregistrés dans ces pays, entre 75 et 90%, et dans l’Union européenne qui est à 75%. De son côté, le Pr Belhadj a rappelé que 90% des personnes admises en réanimation sont des sujets non-vaccinés, estimant qu’«il est suicidaire de ne pas vacciner les personnes âgées et celles ayant des maladies chroniques». Pour sa part, le ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid, a exprimé toute sa «considération aux professionnels de la santé auxquels il reconnait le mérite de continuer à faire face à la crise sanitaire de Covid-19 devant «les risques» qu’ils encourent. «Il y a de plus en plus de contaminations un peu partout et particulièrement chez le personnel de la santé, et c’est normal car ils sont au premier front dans cette lutte contre la pandémie. Ils prennent des risques, ils s’autocontaminent, ils reçoivent des malades…», a-t-il relevé, avant de conclure : «Tout cela ne fait que renforcer l’extrême considération que nous avons pour le personnel de la santé, tous corps confondus, qui évolue dans un environnement plein de risques et qui continue à faire son travail.»
