Les contaminations au Covid-19 qui continuent d’évoluer au-dessus de 200 cas par jour depuis plusieurs jours vont finir par saturer les services Covid et les services de réanimation au niveau des hôpitaux, notamment dans les villes où on enregistre le plus grand nombre de contaminations quotidiennes, comme c’est le cas dans la capitale et à Blida ou encore à Oran et Sétif.

PAR INES DALI
C’est ce que s’accordent à dire les spécialistes de la santé qui attirent l’attention sur le risque que fait peser une telle situation sur la santé publique si elle venait à durer dans le temps, alors que la vaccination n’a pas atteint la vitesse de croisière et que les gestes barrières sont dans la case des oubliettes.
On assiste à une situation épidémique qui est en train de s’aggraver chaque jour un peu plus, et bon nombre de citoyens ne semblent pas y prêter attention car elle se dégrade «progressivement». C’est ce qui explique que la gravité de la situation ne soit pas encore perçue en tant que telle par la population et que le laisser-aller dans le respect des gestes barrières soit devenu un fait quasiment banal. Ces attitudes sont de nature à susciter l’inquiétude des professionnels de la santé qui, en cas d’aggravation de la crise sanitaire, se retrouvent en train de gérer une situation contre laquelle ils n’ont, pourtant, pas cessé de mettre en garde. Ce sont eux qui reçoivent les malades et les prennent en charge. Ce sont également eux qui sont contraints de leur trouver une place non seulement dans les services Covid, mais surtout dans les services de réanimation qui sont en train de se remplir chaque jour un peu plus, selon les spécialistes qui exercent dans les hôpitaux.
L’autre raison qui fait que la tendance haussière actuelle des cas confirmés mais aussi des décès ne peut que dresser le tableau d’une situation préoccupante, c’est qu’elle intervient en même temps avec l’arrivée des variants qui sont au nombre de trois (britannique, nigérian et indien) en Algérie et dont le nombre de cas augmente lui aussi. «La situation est un peu préoccupante car elle est concomitante avec l’arrivée des variants», a déclaré le professeur Ryad Mehyaoui, membre du Comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie de coronavirus. Un avis que partage un autre de ses confrères, le Pr Kamel Senhadji, directeur de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, selon lequel «la situation actuelle est toujours préoccupante parce qu’on regarde aussi ce qui se passe ailleurs. La pandémie est forte dans sa propagation, il y a aussi l’arrivée de tous ces variants qui ont une vitesse de propagation plus importante que le virus d’origine. C’est donc tout à fait normal que cela nous inquiète». Une inquiétude «tient surtout par rapport à la pénurie en matière de vaccins qui tardent à arriver en grandes quantités. Ces vaccins sont toujours efficaces pratiquement sur tous les variants apparus récemment», a-t-il ajouté.

Appréhension dans plusieurs hôpitaux
Cette inquiétude est partagée par de nombreux autres spécialistes qui exercent à travers le territoire national. La situation n’est pas meilleure dans d’autres villes du pays, comme c’est le cas à Tlemcen, selon le Pr Abdelkhalek Hassani, spécialiste en maladies respiratoires au CHU de cette wilaya. Il a signalé que le nombre de cas Covid hospitalisés est en constante augmentation et à ce rythme, a-t-il prévenu, cela ne peut qu’avoir un impact négatif sur le court et moyen termes. Pour le court terme, il a cité «la saturation des hôpitaux, notamment les services dédiés aux malades de coronavirus mais surtout les services de réanimation et de soins intensifs». Il en veut pour preuve le retour à une moyenne d’admissions dans les hôpitaux qui a connu une hausse ces derniers jours. Les hospitalisations ont augmenté et oscillent entre 20 et 33 personnes admises par jour dans les hôpitaux nationaux, selon ce même responsable qui estime que la situation n’est pas si différente dans d’autres structures hospitalières du pays, citant, entre autres, les cas des wilayas d’Oran, de Blida, Sétif et Constantine.
A Blida, plus précisément à l’EPH de Boufarik, le nombre de malades a doublé en quelques jours, faisant passer le taux d’occupation des lits de 10 à 15% avant la recrudescence des contaminations au coronavirus à plus de 30% actuellement. Il en est de même pour l’hôpital Nafissa-Hammoud ou encore pour le CHU Mustapha-Bacha dont le personnel exerçant attire lui aussi l’attention sur le flux des malades qui se fait plus important ces derniers jours. Le premier hôpital a commencé à être «un peu saturé» depuis le début du mois déjà et la réception de plus de sujets avec des comorbidités a été signalée. Tout comme a été signalé que son service de réanimation affichait un taux d’occupation des lits à hauteur de 90%, selon son responsable, alors que durant l’accalmie cet hôpital ne recevait qu’un à deux malades par jour. «Pour le moment, nous ne sommes pas vraiment débordés, mais on risque de l’être rapidement si cette situation se poursuit», a-t-il indiqué.

L’avis modéré du Pr Djenouhat
Pour sa part, le professeur Kamel Djenouhat, président de la Société algérienne d’immunologie, a estimé que «pour le moment, en toute objectivité, il n’y pas une grande inquiétude». «Les chiffres des contaminations sont en train de fluctuer. Il y a parfois une baisse et parfois une ascension… La chose qui est constatée maintenant, c’est qu’il n’y a pas vraiment un très grand afflux vers les structures hospitalières», a-t-il déclaré. «Pour le moment, le nombre de lits est largement suffisant. Par contre, le problème qui se pose, c’est par rapport aux lits en réanimation. Et lorsqu’on dit qu’il n’y a plus de lit en réanimation, cela ne veut pas dire qu’il y a beaucoup de cas de malades graves. Cela veut dire que l’Algérie ne dispose pas de beaucoup de lits de réanimation», a expliqué le Pr Djenouhat, qui est également chef de service du laboratoire central EPH Rouiba.
Sur la situation épidémique, il résume qu’«on est vraiment dans l’étape de ‘’wait and see’’, on est un peu inquiet, on ne sait pas comment la situation va évoluer, on est très méfiants et on est en train de surveiller. On a dit à maintes reprises : si on veut vraiment maitriser la situation et ne pas avoir une vague violente, on doit retourner le plus tôt possible vers le port du masque, c’est indispensable si on veut stabiliser la situation». Pour lui, puisqu’on ne peut pas avoir une vaccination de masse actuellement pour les raisons que tout le monde connait, la seule garantie de maitrise la situation est de respecter les gestes barrières et à leur tête le port du masque, a insisté le Pr Djenouat.