L’heure n’est plus à la seule sensibilisation. La situation épidémique du pays marquée par une forte recrudescence de la pandémie de coronavirus est telle que le Pr Ryadh Mehyaoui n’a pas hésité à la qualifier d’«alarmante, préoccupante et critique». Pour s’en convaincre, il suffit de revenir sur les chiffres de la semaine. De 291 cas confirmés samedi dernier, l’Algérie est passée à 631 cas vendredi. Le cumul du nombre des contaminations enregistrées en une semaine est fort éloquent : il a atteint 3.149 cas.

Ainsi, les chiffres ont augmenté à un rythme effréné durant toute la semaine, revenant à leurs niveaux de l’été, période durant laquelle le pic avait été atteint en frôlant les 700 cas par jour. Cette situation risque d’échapper à tout contrôle si les mêmes comportements faisant fi des mesures de prévention persistent, alors que l’heure est à la mobilisation de tout un chacun, sur le plan individuel et collectif. Mais force est de constater que c’est le relâchement qui a pris le dessus, d’où les mesures à inclure dans la prochaine étape de la gestion de la pandémie seront à la mesure de ce relâchement. Car cette fois-ci, le discours du gouvernement est monté d’un cran après évaluation de la situation épidémique, mettant l’accent sur la possibilité d’un retour à un confinement ciblé ainsi que l’application de la loi en imposant des sanctions coercitives contre les contrevenants.
La lutte contre le coronavirus devra être menée en suivant un plan d’action articulé autour de trois axes, à savoir «le renforcement des mesures de prévention dans ses volets sanitaire et sécuritaire, une stratégie de communication plus efficiente et une sensibilisation plus forte envers les citoyens, ainsi que l’application rigoureuse des mesures coercitives réglementaires», selon les mesures annoncées à l’issue de la réunion du gouvernement, jeudi, présidée par le Premier ministre. D’où l’annonce faite, il y a dix jours, par Abdelaziz Djerad, faisant état d’un «éventuel recours à d’autres mesures de confinement total ou partiel à domicile» a de très fortes chances d’être appliquée au vu de la situation qui devient de plus en plus «préoccupante». Cela d’autant que les nouvelles mesures annoncées par le gouvernement ont été prises après le constat d’un «relâchement manifeste de la vigilance des citoyens, l’abandon des réflexes de prudence et le non-respect des gestes barrières, en particulier le port obligatoire du masque, le respect de la distanciation physique et l’hygiène des mains».
Le ton habituel un peu modéré n’est plus de mise et les autorités n’hésitent plus à parler d’une «évolution préoccupante» de la situation épidémiologique, marquée essentiellement par «une recrudescence du nombre de cas quotidiens de contamination, une augmentation du taux d’incidence dans certaines wilayas et une forte accélération de la circulation virale traduite par un taux élevé de positivité des prélèvements». Djerad avait d’ailleurs annoncé la couleur dès mercredi dernier, en affirmant que le gouvernement prendra des mesures «sévères» en cas de hausse du nombre de contaminations et d’ores et déjà l’interdiction de rencontres regroupant un grand nombre de personnes, comme les conférences, les séminaires et autres pour limiter la propagation du coronavirus. Mais le gouvernement pointe plus «les regroupements de toutes natures et la non observance des protocoles sanitaires dans différents lieux, en particulier les moyens de transport, les commerces et les espaces publics, qui ont été les principaux facteurs qui ont provoqué la résurgence de cas de clusters et favorisé la propagation rapide du virus».

Deuxième vague violente
Le ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid, qui nuance d’habitude ses propos lorsqu’il fait part d’une situation inquiétante, estimant qu’il faut informer et sensibiliser sans alarmer, a lui aussi changé de ton et tiré la sonnette d’alarme pour dire que «nous sommes en état de guerre» et qu’il y a «péril en la demeure». Il révèle ainsi que «nous sommes dans la deuxième vague qui est encore plus violente» et met en garde que «les prochains jours risquent d’être encore plus graves». C’est que les services dédiés au Covid-19 au niveau des hôpitaux sont quasiment saturés depuis plusieurs jours déjà. Les médecins ne trouvent même plus où mettre les malades et en arrivent à les transférer vers les hôpitaux des villes ou wilayas avoisinantes. Les cas graves sont de plus en plus nombreux et les services de réanimation affichent presque complet. Nombreux sont les professionnels de la santé qui n’hésitent plus à parler de «catastrophe» si le nombre de contaminations poursuit sa hausse.
Nombreux sont aussi les services qui avaient repris leurs activités habituelles après la relative accalmie de la pandémie observée à partir de septembre et qui ont dû convertir, encore une fois, leurs services pour les malades Covid. C’est le cas service de pneumologie de l’Etablissement hospitalier universitaire (EHU) 1er-Novembre d’Oran qui a rouvert ses portes pour prendre en charge les cas de Covid-19, après avoir repris ses activités habituelles depuis plus de deux mois. En outre, dans cette wilaya – comme dans d’autres -, «les cas qui présentent des complications et détresses respiratoires notamment sont en augmentation, ce qui a motivé la réouverture de ce service qui a cumulé une expérience importante dans la prise en charge des cas compliqués,, selon la direction de la santé et de la population (DSP) D’Oran. Il convient de noter qu’Oran avait réservé, il y a quelques jours, le nouvel hôpital Nedjma (240 lits) pour accueillir des malades Covid. Apparemment, cela n’a pas suffi.
Mohamed Bekkat Berkani, membre du Comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie de coronairus, a également tiré la sonnette d’alarme, soulignant que le reconfinement «ne sera pas appliqué sur tout le territoire national», mais qu’il concernera «les wilayas qui enregistrent un grand nombre de contaminations». Il a, par la même occasion, souligné que les walis sont à même de prendre les décisions qui s’imposent selon la situation épidémique de leur wilaya. n