Le maréchal Khalifa Haftar a quitté Moscou sans signer l’accord de cessez-le-feu, accepté par son rival, fragilisant un cessez-le-feu toujours précaire. A l’approche de la conférence internationale de paix à Berlin ces « hésitations » pourraient ajouter à la confusion d’une situation déjà tendue. La conférence de Berlin, à laquelle la participation de l’Algérie est désormais confirmée.
Le Président de la République Abdelmadjid Tebboune a reçu, lundi soir, un appel téléphonique de la chancelière allemande Angela Merkel l’invitant à prendre part à la Conférence sur la Libye, prévue dimanche 19 janvier à Berlin. Le projet d’accord initialement prévu à Moscou est une initiative russo-turque pour mettre en place « une cessation illimitée des hostilités » en Libye, où les forces du gouvernement d’union (GNA) et celles de Khalifa Haftar s’opposent depuis plus de neuf mois aux portes de Tripoli. Pour Moscou, le cessez-le-feu instauré dimanche reste en vigueur pour une durée indéterminée, malgré le refus de Haftar de signer, car il a besoin de « deux jours » supplémentaires pour l’étudier. La réunion de Moscou a néanmoins abouti à « la conclusion d’un accord de principe entre les belligérants pour maintenir et prolonger indéfiniment la cessation des hostilités ».
Après cette « volte-face» inattendue du maréchal Haftar, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a assuré poursuivre les « efforts » avec Ankara en vue d’un accord. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a par contre haussé le ton, avertissant qu’il n’hésiterait pas à « infliger une leçon » au maréchal s’il reprend son offensive contre Tripoli. Le chef du GNA Fayez Al-Sarraj et Khalifa Haftar ne se sont pas rencontrés lundi lors de ses pourparlers à Moscou, se limitant à négocier via les ministres russes et turcs de la Défense et des Affaires étrangères. Une trêve est en vigueur depuis dimanche à la suite d’un appel à un cessez-le-feu le 8 janvier de Moscou et d’Ankara. Outre le cessez-le-feu, le projet d’accord prône « la normalisation de la vie quotidienne à Tripoli et dans les autres villes » et l’accès et la distribution « en toute sécurité » de l’aide humanitaire.
« L’aventure criminelle » de l’Otan
D’après Lavrov, Algériens, Russes, Turcs, Européens, Emiratis, Egyptiens et Qataris « encouragent les parties libyennes à s’entendre au lieu de régler leurs comptes par la voie des armes ». Pour Moscou, les Occidentaux sont responsables du conflit en Libye, pays ayant les plus importantes réserves africaines de pétrole, car ils ont soutenu militairement les rebelles qui ont renversé et tué le colonel Mouammar Kadhafi en 2011. Sergueï Lavrov a dénoncé « l’aventure criminelle » de l’Otan qui a « détruit l’Etat libyen ». Moscou voudrait jouer un rôle important en Libye, en profitant de l’échec occidental à pacifier le pays depuis neuf ans. Hormis des gains géopolitiques sur ses rivaux et un accès privilégié au pétrole libyen, la Russie espère retrouver ce marché pour ses armes et son blé. La Turquie a aussi des visées pétrolières, à la faveur d’un accord controversé avec le GNA qui lui permet de faire valoir des droits sur de vastes zones en Méditerranée orientale qui comprennent des gisements gaziers. Malgré les hésitations de Haftar, le président turc Erdogan a affirmé qu’il maintenait sa participation à Berlin. « Nous allons discuter de cette question dimanche à la réunion de Berlin à laquelle participeront aux côtés de la Turquie, l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, la Russie, l’Italie, l’Egypte, l’Algérie et les Emirats arabes unis », a-t-il dit. Erdogan a rappelé que le maréchal Haftar aurait pris le contrôle de tout le territoire libyen sans l’intervention de la Turquie. Au niveau de l’ONU, des discussions sont en cours sur l’établissement d’une mission d’observation d’un futur cessez-le-feu en Libye. Le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a confirmé la nécessité « d’une surveillance impartiale» si un véritable cessez-le-feu était conclu entre les belligérants. La mission politique de l’ONU en Libye (Unsmil, environ 230 personnes) dirigée par Ghassan Salamé « enregistre et vérifie actuellement les violations du cessez-le-feu signalées », a précisé le porte-parole. Le Conseil de sécurité de l’ONU pourrait avaliser ses résultats via une résolution et décider de la mise en place d’une mission d’observation du cessez-le-feu. Le contrôle du cessez-le-feu pourrait être confié à une mission d’observation similaire à celle qui existe au Yémen. Avec l’ambiguïté de Haftar, la situation demeure toujours incertaine.
Conférence internationale dimanche
Pour poursuivre les efforts diplomatiques visant à parvenir à une résolution du conflit, une conférence internationale sur la Libye sera organisée dimanche à Berlin sous l’égide de l’ONU, a confirmé le gouvernement allemand hier. Plusieurs pays y seront représentés, dont la Russie, la Turquie, l’Algérie, les Etats-Unis, la Chine ou encore l’Italie et la France, mais un doute plane encore sur la participation du maréchal Haftar et de Fayez al-Sarraj, tous deux invités, mais dont la présence n’est pas à ce stade confirmée. Cette rencontre, qui se déroulera à la chancellerie allemande, entre dans le cadre du processus engagé par l’ONU pour parvenir à une « Libye souveraine » et pour soutenir « les efforts de réconciliation à l’intérieur de la Libye » même, a indiqué le gouvernement allemand dans un communiqué. Elle aura notamment pour objectif d’aider la Libye à « régler ses problèmes sans influences étrangères » et à « réduire les interventions extérieures », décrypte une source proche des discussions.<