C’est une semaine judiciaire très animée qui s’annonce à partir de demain avec plusieurs procès au menu des juridictions au moment où les concernés, à savoir les hommes d’affaires qui ont profité des largesses du système Bouteflika, ne se trouvent plus ni à la prison d’El-Harrach, ni à Koléa, suite à leur transfert vers des établissements pénitentiaires situés à l’intérieur du pays.

Ali Haddad dont le procès en appel est prévu demain dimanche sera-t-il ramené de la prison de Tazoult (Batna) ou assisterons-nous à un procès en mode visioconférence ? Ou bien le procès en appel sera-t-il carrément reporté à une date ultérieure ? Les mêmes interrogations entourent le déroulement du procès en appel de Mahiedine Tahkout qui a été transféré vers la prison de Babar (Khenchela).
Lors du procès abrité par le parquet de Sidi M’hamed, l’ancien patron du groupe ETRHB et les autres co-accusés dans l’affaire ont été condamnés à de lourdes peines.
Une peine de 18 ans de prison a été prononcée contre l’accusé principal, Ali Haddad, 15 ans pour Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, 12 ans pour Amar Ghoul, 8 ans pour les trois anciens ministres (Amara Benyounes, Abdelghani Zaâlane, Mahdjoub Bedda et Youcef Yousfi), 10 ans pour Abdelkader Kadi.
La peine la plus élevée est celle d’Abdesselam Bouchaouareb, 20 ans, alors que les frères Haddad ont été condamnés à une peine de 10 ans de prison.
Devant le juge qui interrogeait les accusés sur leurs responsabilités dans cette affaire qui a défrayé la chronique aussi bien par les sommes d’argent détournées que par la légèreté avec laquelle sont gérées les affaires de l’Etat, les hauts responsables Sellal, Ouyahia et Ghoul ont eu une stratégie de défense identique en endossant l’étendue de cette corruption au président déchu à travers notamment le recours au gré à gré.
S’expliquant sur les marchés attribués en gré à gré simple au Groupe Haddad en dépit de leurs montants faramineux, Ahmed Ouyahia a indiqué qu’en tant Premier ministre il ne faisait qu’appliquer « les instructions de l‘ancien Président de la République en réunions du Conseil des ministres ».
Le pays avait connu, à l’époque, « une aisance financière parallèlement à la croissance des besoins des citoyens auxquels l’Etat avait fait face par un programme d’investissement public de 34.000 mds DA entre 2005 et 2014 », a-t-il ajouté.
Soulignant que le Gouvernement avait attribué, sous sa conduite, « près de 1.000 marchés en gré à gré simple », il a précisé avoir adressé aux membres du gouvernement une correspondance en mars 2011 leur rappelant « les instructions du Président de la République d’accélérer la réalisation des projets de développement ».
Pour sa part, Amar Ghoul, ancien ministre des Travaux publics pendant plusieurs années, avait soutenu que « c’est le président Bouteflika qui nous a ordonné de lancer les travaux en urgence, car l’Algérie devait accueillir une rencontre de la Ligue arabe », en réponse au juge qui l’interrogeait sur les « avantages » qu’il a accordés au patron du groupe ETRHB dans la réalisation de la rocade reliant Zéralda à Boudouaou et l’accès à la nouvelle aérogare d’Alger.

Tahkout, les crédits bancaires et le non-paiement de la TVA
Lundi, le tribunal de Sidi M’hamed aura également rendez-vous avec le procès en appel de Mahieddine Tahkout, accusé principal dans l’affaire qui porte son nom et dans laquelle il est poursuivi pour plusieurs chefs d’inculpation en lien avec la corruption dont l’obtention de privilèges, d’avantages et de marchés publics en violation de la législation en vigueur.
Le 7 juillet dernier, une peine de 15 ans de prison ferme a été prononcée contre Ouyahia et Sellal et 16 ans de prison ferme pour Tahkout avec des amendes de 8 millions de DA pour chacun et confiscation des biens des trois accusés.
Des peines de 10 ans de prison ferme ont été également prononcées contre les anciens ministres Youcef Yousfi, Abdelghani Zaalane et Amar Ghoul, alors qu’une peine de 20 ans a été annoncée contre Abdeselam Bouchouareb en fuite avec saisie de ses biens et avis d’un mandat d’arrêt international contre l’ancien ministre de l’Industrie.
Le représentant du Trésor public avait réclamé à l’occasion de procès plus de 309 milliards DA de dommages et intérêts à Tahkout et ses associés, expliquant qu’il s’agit d’une réparation pour les pertes occasionnées, estimées à 309 milliards, 285 millions et 670.000 DA devant être payée par les prévenus: Mahieddine Tahkout, Rachid Tahkout, Hamid Tahkout et Bilal Tahkout ainsi que l’ensemble de leurs associés.
Le même responsable a en outre réclamé des autres prévenus, dont le nombre dépasse cinquante (50), d’indemniser le Trésor public à hauteur d’un million de dinars, avec la confiscation de leurs biens se trouvant à l’intérieur du pays et à l’étranger.
Dans ses réponses au juge, Mahieddine Tahkout a nié les chefs d’accusations pour lesquels il a été poursuivi notamment l’obtention d’indus avantages et marchés publics, et le fait qu’il ait bénéficié de crédits bancaires de plus de 27.000 milliards de centimes.
Sur le non-paiement de la TVA imposée à tous ses investissements et les indus avantages et marchés publics dont il a bénéficié, notamment la location des bus de transport universitaire à Oran et Alger, Tahkout a tenté d’occulter l’appui qu’il a eu de la part des responsables en poste.
Corruption
sous le sceau de
la solidarité !
Par ailleurs, l’ancien secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès, qui a refait surface mercredi dernier à la faveur de l’affaire Tliba, est attendu, une semaine plus tard, soit le 9 septembre, devant le juge dans l’affaire qui l’engage en sa qualité de ministre de la Solidarité nationale, tout comme son successeur à ce poste, Saïd Barkat, et une vingtaine de prévenus dans le cadre de détournement de fonds du département de la solidarité.
Placé en détention préventive depuis le 7 juillet 2019, Ould Abbès est poursuivi pour « corruption », « dilapidation de deniers publics », « mauvais usage de la fonction » et « signature de contrats en violation de la réglementation », alors qu’il était ministre de la Solidarité nationale entre 2000 et 2003.
Hasard du calendrier judiciaire, c’est le même jour que sera connu le sort de Baha Eddine Tliba condamné mercredi dernier à une peine de 10 ans de prison et une amende de 8 millions de dinars à l’issue d’un procès qui a défrayé la chronique au vu des révélations de l’ancien député déchu de son immunité parlementaire.
Tliba est poursuivi notamment pour « blanchiment d’argent et financement occulte de partis politiques» et «achat de voix lors des élections législatives de 2017» dont il a admis le commerce mafieux des listes électorales qui se monnayaient au sein du FLN à coup de milliards.
Par ailleurs, le procès des frères Kouninef, reporté plusieurs fois, aura lieu mercredi prochain.
Les frères Kouninef sont poursuivis pour plusieurs chefs d’inculpation, notamment « trafic d’influence », « blanchiment d’argent », « obtention d’indus avantages », « détournement de fonciers et de concessions », et « non-respect des engagements contractuels dans la réalisation de projets publics ».
Les frères Réda, Abdelkader-Karim et Tarek Kouninef avaient été placés le 24 avril 2019 sous mandat de dépôt, après avoir comparu la première fois devant le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hamed. n