Synthèse Salim Benour
Un Collectif guinéen dit «Front national de la défense de la Constitution» (FNDC) a appelé lundi à une nouvelle manifestation contre les militaires au pouvoir, le 17 août en Guinée. Cet appel met fin à une trêve faute de réponses à ses demandes de «dialogue crédible» sur la transition vers un pouvoir civil. Il a valu à ces auteurs de voir leur organisation dissoute par un arrêté du gouvernement daté de samedi dernier et diffusé hier par les réseaux sociaux, les médias guinéens et les agences de presse. «Le groupement de fait dit Front national de la défense de la Constitution est dissous» et «le présent arrêté (…) prend effet à compter de sa date de signature», dit le document signé par Mory Condé, ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation. «Leur mode opératoire se structure par des actions violentes au cours de manifestations interdites, des attaques contre des individus qui ne partagent pas leur idéologie, et des actions ciblées contre les forces de l’ordre», affirme le gouvernement. «Ce groupement de fait (…) provoque des manifestations armées sur les voies et lieux publiques, ayant les agissements d’un groupement de combats et de milices privées», poursuit-il. Ce collectif «mettant en péril l’unité nationale, la paix publique et le vivre ensemble, ne figure pas sur la liste des ONG en Guinée, ni sur la liste des collectifs d’association (…) et encore moins dans le répertoire des ONG agréées en République de Guinée», complète le ministre Mory Condé. Une déclaration qui confirme le bras de fer entre le gouvernement et l’opposition. Elle ouvre une nouvelle séquence peut-être synonyme de confrontation sur le terrain
Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), coalition de partis, syndicats et organisations de la société civile, était à l’initiative des manifestations organisées les 28 et 29 juillet, interdites par les autorités et où cinq personnes ont été tuées, pour dénoncer la «gestion unilatérale de la transition» par les colonels au pouvoir. Il avait ensuite suspendu ses mouvements de contestation pour une semaine, dont celui prévu dans tout le pays le 4 août, «à la demande expresse «du chef de l’Etat bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo, président en exercice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
Le colonel Mamady Doumbouya, qui a renversé le 5 septembre dernier le président guinéen Alpha Condé au pouvoir depuis 2010, s’est engagé à remettre le pouvoir à des civils élus dans un délai de trois ans. Or la quasi-totalité des acteurs politiques du pays et les Etats ouest-africains, médiateurs dans ce dossier, veulent qu’il raccourcisse ce délai. La Cédéao a ainsi appelé le 1er août «les autorités guinéennes, la classe politique et la société civile à engager un dialogue inclusif afin de désamorcer la tension et de convenir d’un calendrier et de modalités raisonnables pour le rétablissement pacifique de l’ordre constitutionnel». Or les militaires au pouvoir refusent «de répondre aux nombreux appels au dialogue sur la Transition», a dénoncé lundi le FNDC dans un communiqué critiquant également «l’attitude de défiance chronique» du pouvoir guinéen vis-à-vis de la Cédéao, sa «gestion unilatérale et autoritaire de la transition» et «l’usage illégal d’armes létales dans la gestion des manifestations». Outre l’ouverture d’un «dialogue crédible» avec les acteurs politiques et la société civile et la fixation d’un délai raisonnable et consensuel de la durée de la transition, le FNDC exige de la junte la libération sans condition de tous ses militants arrêtés lors des dernières manifestations. Deux leaders du collectif, Oumar Sylla alias Foniké Mangué et Ibrahima Diallo, ainsi que Saïkou Yaya Barry, secrétaire exécutif de l’Union des forces républicaines (UFR), étaient toujours écroués mardi à la prison civile de Conakry après avoir été inculpés de «participation à un attroupement interdit, de pillages, de destruction de biens publics et privés, de coups et blessures volontaires».
Foniké Mangué, coordinateur du FNDC, a été entendu dans la journée du lundi. Il ne reconnaît pas les faits «qui lui sont reprochés et «considère être dans son droit de lutter pour l’instauration de la démocratie», a déclaré à la presse son avocat, Me Thierno Souleymane Barry. Le président Embalo a assuré fin juillet avoir convaincu la junte d’accélérer le retour à la démocratie de trois à deux ans, une information qui n’a pas été confirmée par les autorités guinéennes. n