Les militaires au pouvoir en Guinée ont accepté de rendre le pouvoir aux civils dans deux ans. Leur chef, le colonel Mamady Doumbouya, a indiqué qu’un accord signé avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a permis de fixer un calendrier à la transition en cours.

Par Lyes Sakhi
Ce chronogramme, comme il est appelé par les deux parties, prendra effet à compter du 1er janvier 2023 et sera étalé sur «24 mois », selon un document de la Cedeao. Ce texte a été rédigé à l’issue d’un « compromis dynamique » entre des experts de la Cedeao, en « mission technique » à Conakry, et le gouvernement de Guinée. Il y est précisé que le calendrier fixé à la transition devrait être présenté au prochain sommet de la Communauté économique des Etats ouest-africains avant la fin de l’année.
Si l’accord signé est respecté, il indiquerait que les militaires qui se sont emparés du pouvoir en Guinée et renversé le président civil Alpha Condé, le 5 septembre 2021, vont rester durant trois années à la tête du pays, comme l’avait déclaré à cette époque leur leader, le colonel Mamady Doumbouya qui s’était engagé à céder la place aux civils, le temps d’organiser des élections crédibles et de mener à bien la « refondation » de l’Etat guinéen, selon ses termes.
Et si la Cedeao semble opter pour le compromis, c’est en raison du fait que les discussions avec l’homme fort de Conakry n’ont jamais été interrompues en dépit des menaces de sanctions proférées. Le 22 septembre 2022, les dirigeants des Etats membres réunis en sommet à New York sans la Guinée avaient suspendu toute assistance et transaction financière avec Conakry. Ils avaient annoncé contre un certain nombre de personnalités le gel de leurs avoirs financiers et une interdiction de voyager dans l’espace Cedeao. Ils avaient également donné un mois aux autorités pour présenter un calendrier « raisonnable et acceptable », faute de quoi des « sanctions plus sévères » que celles déjà imposées seraient appliquées. Après la mission de la Cedeao à Conakry la semaine dernière, le Premier ministre guinéen Bernard Goumou avait déclaré, jeudi dernier, que les autorités n’étaient « pas figées » sur les trois ans.
Le compromis trouvé à Conakry l’a été dans un climat de confrontation entre les militaires au pouvoir et l’opposition. Au moins quatre civils ont été tués jeudi et vendredi lors de manifestations à l’appel d’un collectif citoyen qui réclame un retour rapide des civils au pouvoir et la libération de tous les prisonniers détenus selon lui pour des raisons politiques. L’opposition accuse le colonel Doumbouya et ses officiers de confisquer le pouvoir et de faire taire toute voix discordante à coup d’arrestations de leaders politiques ou de la société civile et d’enquêtes judiciaires.
Les grands partis refusent le dialogue avec la junte sur le contenu de la période dite de transition dans les conditions fixées par les autorités. Ils demandent que le dialogue ait lieu sous arbitrage de la Cedeao. Le rapport de la mission de la Cedeao affirme la volonté de cette dernière d’associer toutes les parties pour une « mise en oeuvre inclusive du chronogramme de la transition ».
Depuis plus de deux ans, la Cedeao a vu se succéder les coups de force militaires en Afrique de l’Ouest, à deux reprises en 2020 et 2021 au Mali, en 2021 en Guinée et à deux reprises en 2022 au Burkina Faso. Elle multiplie les sommets, les missions et les pressions pour abréger les périodes dites de transition et endiguer la contagion, mais est confrontée à des autorités qui n’entendent pas lâcher les commandes de si tôt. n