Basta le tout-va bien et en finir avec les dépenses publiques mal affectées et livrées au gaspillage ! C’est, en résumé, le message du chef de l’Etat hier aux walis qu’il a appelés à dire la vérité et cesser les beaux discours sans prise avec le réel et à affecter l’argent public « au règlement des problèmes » des Algériens. Pour la « préfectorale », également incitée à « briser le cloisonnement entre les citoyens et l’Etat », M. Tebboune évoque un plan de bataille, dont le bilan d’étape est prévu dans une année…

C’est en rendant hommage au «Hirak béni» que le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a choisi de commencer son discours à l’occasion de la réunion gouvernement-walis qui s’est ouverte, hier, au Palais des Nations à Alger, avant d’aborder longuement les différentes facettes de la gestion des collectivités locales et ses répercussions sur le vécu quotidien des citoyens.
Pour le Président Tebboune, «le Hirak populaire pacifique, qui est sorti il y a une année, sous la protection de l’ANP, pour revendiquer le changement et rejeter l’aventure qui a failli conduire à l’effondrement de l’Etat national et de ses piliers pour retomber dans la tragédie des années 1990, est allé vers les élections libres et transparentes en décembre dernier». «Telle a été la volonté invincible du peuple, car émanant de la volonté de Dieu. Et je me suis engagé, dès mon élection, à satisfaire ce qui reste de ses revendications», a-t-il déclaré, lors de la rencontre qui s’est tenue en présence du Premier ministre, Abdelaziz Djerad, des membres du gouvernement, des walis, walis-délégués, P/APC et de nombreux cadres des personnels des collectivités locales, ainsi qu’en présence des présidents du Conseil constitutionnel, du Conseil de la nation et de l’APN et du général-major Saïd Chanegriha, chef d’Etat-major de l’ANP par intérim.
«Nous sommes réunis aujourd’hui, en cette conjoncture particulière où vous êtes tenus, en tant que responsables locaux, d’opérer un changement au niveau local, de rompre définitivement avec les pratiques du passé et de vous rapprocher des citoyens pour rétablir la confiance perdue», a-t-il dit, instruisant les walis à «multiplier les visites sur le terrain, à rationaliser les dépenses en les orientant vers le développement et non à la réfection des trottoirs tous les six mois, alors que le citoyen manque d’eau et d’électricité à quelques kilomètres du chef-lieu de la wilaya». C’est carrément un nouveau mode de gouvernance à même de permettre l’édification d’une nouvelle Algérie qui est demandé aux walis et aux élus locaux, et ce, en unifiant les efforts pour prendre en charge les aspirations des citoyens et préserver leurs droits et leur dignité. «Un mode de gouvernance assaini de tous les vices, ambiguïtés et corruption, basé sur l’encouragement des compétences et non des allégeances et sur l’aide de la société civile à s’organiser pour contribuer au développement local», a-t-il expliqué.
Halte au gaspillage des dépenses publiques
Ministres et walis ont été instruits de contrôler les marchés publics et de lutter contre le gaspillage des dépenses publiques, y compris lors des visites sur le terrain. «Il faut lutter contre le gaspillage, notamment à l’occasion des visites qui doivent devenir le slogan de la résolution des problèmes de développement et non d’ostentation et de festins. Nous devons éviter les cortèges de vingtaine de voitures dont seulement trois ou quatre transportent le personnel concerné par la visite», a affirmé M. Tebboune. Il a également souligné l’insuffisance du contrôle technique pour les investissements de développement local qui sont devenus une source de gaspillage. «Ce que nous réalisons est refait trois ou six mois après en toute impunité. Les directions techniques au niveau des ministères seront désormais responsables de la qualité», a-t-il indiqué, relevant l’impératif d’adopter «des normes permettant d’éviter le gaspillage et le recours à la rénovation des travaux après quelques mois seulement».
Le Président a, encore une fois, insisté sur «la nécessité de poursuivre avec rigueur la lutte contre la corruption et l’abus de fonctions», relevant que le citoyen souffre encore de ce qu’il a qualifié de «petite corruption au niveau des services de l’administration, alors qu’il est en droit de bénéficier des services en question et de demander les documents dont il a besoin, sans qu’une quelconque compensation ne lui soit exigée en contrepartie. «Ce sont des pratiques inacceptables exercées par l’administration contre le citoyen, ce qui est plus grave que la corruption», a-t-il estimé, soutenant que la lutte contre la corruption se poursuivra à tous les niveaux. L’abus de fonction est l’autre combat qui doit se poursuivre, selon M. Tebboune qui a donné, à ce sujet, l’exemple de l’attribution de logements à Alger où, a-t-il révélé, «16.800 certificats de résidence falsifiés avaient été découverts, vendus à 1.500 DA le certificat. «Il s’agit d’un sujet sensible touchant directement le citoyen, d’où l’impératif de combattre ce phénomène, et ce, quelle que soit la personne impliquée». Dans ce cadre, il a appelé à l’établissement d’un fichier national du logement afin de débusquer les fraudeurs et de permettre à ceux qui n’en ont pas d’en acquérir un. Il a également souligné «l’impératif d’informatiser, de numériser et de digitaliser l’ensemble des structures relevant de l’administration car c’est cela qui permettra de constituer un rempart contre la corruption».
100 milliards de DA supplémentaires au profit des communes
M. Tebboune a annoncé l’affectation en avril et mai prochains d’une enveloppe financière supplémentaire de 100 milliards de DA au profit des communes pour donner un coup de fouet au développement local. Le ministère de l’Intérieur avait alloué en décembre dernier, dans le cadre de la Caisse de solidarité et de garantie des collectivités locales, un montant de 80 mds DA en deux tranches, a-t-il rappelé. Après la projection d’un documentaire sur le quotidien des populations des zones rurales, il a estimé que leur situation est «inacceptable car nous disposons de tous les moyens nécessaires pour y remédier». C’est ainsi qu’il a appelé les responsables locaux à prendre en charge en priorité les catégories vulnérables, leur demandant de dire la vérité quand ils constatent des insuffisances car l’Etat a les moyens d’améliorer leur situation et pour permettre une répartition équitable des ressources entre les différentes régions du pays. Il a appelé à «la mobilisation de tous pour améliorer les conditions dans les zones d’ombre et les régions rurales».
Par ailleurs, il a annoncé que le gouvernement est en train d’examiner de nouvelles mesures juridiques en faveur du renforcement de la gestion décentralisée des collectivités locales, le mode de gestion actuel ayant montré ses limites, car conçu il y a plusieurs années et n’étant plus adaptée à l’Algérie du 21e siècle. Sur le plan économique, le Président Tebboune a fait état de crédits alloués à des investisseurs d’un montant de 1.216 milliards de dinars, alors que nombre d’entre eux ne s’acquittent pas de leurs impôts. Dans ce cadre, «une loi criminalisant le non-paiement des impôts est prévue, à l’instar de ce qui est vigueur dans plusieurs pays à travers le monde, dont les Etats-Unis où le non-paiement des impôts est considéré comme étant un crime économique», a-t-il déclaré.<