Au lendemain d’une mobilisation record dans la rue contre la réforme des retraites, projet phare du président Emmanuel Macron, les syndicats préparent deux nouvelles journées d’action, face à un exécutif qui dit «comprendre» la colère des Français sans pour autant céder sur le coeur du projet.

Par Stéphanie LEROUGE
Entre 1,2 et 2,5 millions de personnes –selon les estimations– ont manifesté mardi en France, davantage que lors de la première journée de mobilisation le 19 janvier, pour protester contre cette réforme des retraites. Et même si le nombre de grévistes dans les secteurs public et privé était en baisse par rapport au 19 janvier, les huit principaux syndicats se sont félicités de la mobilisation et ont annoncé deux nouvelles journées d’action, les 7 et 11 février. Au coeur de la contestation, le recul de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans, une mesure sur laquelle le gouvernement n’entend absolument pas revenir. «Je ne veux pas partir à 64 ans!», pouvait-on entendre mardi dans les cortèges, où nombre de manifestants faisaient valoir leur «fatigue» et protestaient contre une réforme «injuste», notamment pour les femmes. «J’appelle le gouvernement à arrêter d’être droits dans vos bottes, discutons et entendez que cette mesure d’âge, elle n’est pas du tout acceptée, elle est rejetée», a exhorté le secrétaire général du syndicat réformiste CFDT, Laurent Berger. Le patron de l’autre grand syndicat CGT, Philippe Martinez, a de son côté mis en garde contre un durcissement du mouvement et des grèves reconductibles, accusant l’exécutif français de «jouer le bras de fer». Les nouvelles dates de mobilisation coïncideront avec un mouvement social chez les raffineurs, appelés à faire grève pour 72 heures à partir du 6 février. Deux syndicats ont également proposé une grève les 7 et 8 février dans le secteur ferroviaire.
«Respect»
Face à la mobilisation, l’exécutif a adouci son discours mais reste inflexible sur le fond. Interrogé sur la radio France Inter mercredi, le ministre délégué aux Comptes publics Gabriel Attal a adopté une posture d’ouverture, faisant part de son «respect» pour les Français grévistes et assurant que le gouvernement était à l’«écoute». La veille, la Première ministre Elisabeth Borne avait affirmé entendre les «interrogations» et les «doutes» suscités par la réforme. Pour autant, Mme Borne a assuré ne pas vouloir dévier de son «cap», quelques jours après avoir affirmé que les 64 ans n’étaient «pas négociables».
Le ministre du Travail Olivier Dussopt a défendu une réforme «nécessaire, parce que le système ne tient pas aujourd’hui». Du côté des syndicats comme du gouvernement, l’attention est désormais tournée vers le Parlement, où le projet a commencé d’être examiné lundi en commission à l’Assemblée nationale. Des milliers d’amendements ont été déposés, principalement par l’opposition de gauche Nupes, mais n’ont aucune chance d’être tous examinés d’ici mercredi soir, date butoir avant l’examen en séance plénière à partir de lundi et pour deux semaines. La stratégie du gouvernement de passer sa réforme au pas de charge suscite le scepticisme de commentateurs.
«A moins de tout arrêter pour se mettre vraiment à négocier tous les aspects de la réforme, Emmanuel Macron est tout simplement en train de rater son second mandat», estime dans un éditorial le quotidien de gauche Libération. A droite, le journal Le Figaro, tout en commentant le caractère «réfractaire» des Français et «l’étrangeté française» vis-à-vis du travail et de la retraite, pointe aussi «les paradoxes politiques» et les contradictions du discours présidentiel et de l’opposition de droite, qui semblait jusqu’ici alliée de la majorité présidentielle, mais qui paraît désormais traversée de doutes. (Source AFP)