Une semaine après l’affirmation faite par le président Tebboune évoquant la récupération par les autorités de 20 milliards de dollars détournés par les oligarques des années Bouteflika, on en sait désormais un peu plus dans ce dossier qui semble s’accélérer suite aux jugements définitifs de la Justice.

PAR NAZIM B.
C’est ce qu’a indiqué, hier, le ministre de la Justice, Abderrachid Tabbi, lors de la séance plénière à l’APN dédiée à l’adoption du projet de loi relatif à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
«L’opération se poursuit et jusqu’à ce jour nous avons pu récupérer la valeur de 20 milliards de dollars de biens, un volume appelé à s’accroître conséquemment aux prochains jugements attendus ultérieurement», a affirmé le garde des Sceaux, qui a précisé que ces biens récupérés sont constitués de biens immobiliers, de terrains agricoles et industriels…
Qu’on en juge, la numération des biens mal acquis donnent le tournis. «Il s’agit de 4 213 biens immobiliers, de 213 terrains industriels et plusieurs sociétés et usines implantées au niveau des wilayas de Jijel, Oran, Alger, Relizane et Tissemsilt», a-t-il fait savoir, «en plus de 229 assiettes agricoles avec une superficie globale de plus de 5 000 hectares», selon M. Tabbi.
Le ministre de la Justice a fait également état de la récupération de 4213 domaines (dont 44 terrains, 211 villas et 1500 appartements implantés dans des grandes wilayas).
Il a cité dans le registre des biens industriels saisis, une usine de ciment, des unités de montage automobile, des usines de fabrication de l’huile de table à Jijel, Oran et Alger, des unités de fabrication des médicaments à Tissemsilt et Reghaia.
«Nous avons également réussi à saisir plus de 23.000 véhicules, dont des voitures de luxe, des avions et des bateaux, et aussi 40.203 camions et bus et 7 236 machines agricoles» a-t-il déclaré, faisant état aussi de la «saisie d’importantes quantités de bijoux de grande valeur et d’autres biens».
Tabbi a affirmé par la même occasion que l’opération se poursuit à l’échelle internationale avec les pays où d’importantes sommes d’argent détournées sont placées en s’appuyant sur la coopération entre l’Algérie et ces pays.

Coopération internationale «en bonne voie», 30 pays concernés
«L’opération se poursuit toujours… Nous travaillons en collaboration avec les services judiciaires de plusieurs pays étrangers, dont la France, l’Italie et les Etats-Unis, l’Espagne et le Royaume-Uni. Il est vrai que pour la récupération des biens placés à l’étranger, l’opération n’est pas aussi rapide qu’à l’intérieur du pays, en raison des différences entre les différents systèmes juridiques, mais elle est en bonne voie», a-t-il souligné. Il a ajouté que «la justice a délivré 220 commissions rogatoires et demandes d’entraide judiciaires au niveau de plus de 30 pays afin de cerner les fonds et les biens, les saisir et les confisquer. Nous sommes arrivés à une coordination directe avec les autorités judiciaires des pays concernés. Les magistrats algériens tiennent des rencontres avec leurs homologues français, américains, italiens, espagnols et britanniques au sujet de la récupération des fonds détournés.»
Dans ce registre, le gouvernement avait fait état dans sa Déclaration de politique générale présentée début octobre à l’APN de pas moins de 219 commissions rogatoires internationales qui ont été lancées, dont 43 exécutées et 156 en cours de traitement par les autorités judiciaires des pays concernés.
Ces commissions rogatoires internationales sont chargées de l’«identification», de la «saisie» et de la «confiscation» des fonds détournés à l’étranger.
Cette délicate mission a nécessité la mise en place d’«un comité d’experts afin de prendre en charge le dossier de recouvrement des fonds détournés, en coordination avec les représentations diplomatiques algériennes», selon le même document qui souligne que la procédure engagée par l’Algérie s’appuie sur la mise en œuvre des accords et des instruments internationaux (Eurojust, initiative StAR, Network GlobE) ratifiés par l’Algérie et les pays concernés. Il faut relever que le Gouvernement avait mis en avant la «mise en échec des tentatives de dissimulation et de dissipation des produits de la corruption grâce au dispositif de veille mis en place à cet effet», ce qui a permis «la récupération d’importants biens mobiliers et immobiliers et d’éviter la dissipation de fonds détournés vers l’étranger», et ce, dans le cadre de «la démarche globale arrêtée par le président de la République pour le recouvrement des avoirs de la corruption».
A ce moment-là, c’est-à-dire jusqu’au mois d’octobre, la valeur des biens récupérés n’a pas été précisée, mais le document fait état de «l’exécution des décisions de justice définitives de confiscation des fonds et biens détournés».
En ce qui concerne le vote par l’APN du texte modifiant et complétant la loi sur la prévention et la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, il s’agit de «l’adapter le système juridique aux traités et conventions ratifiés par l’Algérie, en sus d’être un nouvel instrument pour la protection de l’économie nationale», a affirmé le ministre. Le projet se décline en 5 principaux axes, dont certains portent sur la révision de certains termes pour leur conférer «plus de précision», la définition des obligations des intervenants dans la prévention et la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la prolifération d’armes de destruction massive. Il définit également les sanctions administratives infligées aux entreprises financières, aux institutions et aux professions non financières comme les avocats, les notaires, les commissaires-priseurs, les gérants ou leurs assistants en cas de manquement aux obligations qui leur sont assignées, et les oblige à signaler à l’organe spécialisé toute opération suspecte.
Il prévoit également la criminalisation de nouveaux actes et stipule que dans le cas où l’infraction principale n’est pas prouvée, des poursuites seront intentées pour infraction de blanchiment d’argent comme infraction principale, outre des amendements relatifs à la confiscation des avoirs même en l’absence de décision de condamnation. <