Nombreux sont les grands projets d’investissements qui connaissent un problème de financement. La nouvelle loi sur l’investissement vient justement solutionner cette problématique par l’institution d’un guichet unique national qui aura la tâche de les prendre en charge.
PAR INES DALI
L’un des grands projets qui fait parler de lui et qui connait un grand retard, principalement en raison de son financement, est celui relatif à la production de 1000 mégawatts en énergie solaire photovoltaïque, à savoir le Solar 1000 MW.
«L’enregistrement des grands projets d’investissements ainsi que les investissements étrangers s’effectue auprès d’un guichet unique relevant de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI)», selon décret exécutif publié au Journal officiel n° 60. Il est entendu par «grands projets», les investissements dont le montant est égal ou supérieur à 2 milliards de dinars, tandis que les «investissements étrangers» sont définis comme des investissements dont le capital est détenu en totalité ou en partie par des personnes physiques ou morales étrangères et qui bénéficient de la garantie de transfert du capital investi et des revenus qui en découlent, selon même décret.
Le montant du projet Solar 1000 MW est d’environ un milliard de dollar, selon les experts. Il dépasse donc de loin le seuil minimum des 2 milliards de DA requis, soit l’équivalent de 200 millions de dollars. Y a-t-il alors plus de visibilité pour ce projet qui peine à décoller ? Peut-on dire qu’il entre dans la case des grands projets d’investissement en matière de financement ? L’économiste Mohamed Achir tient d’abord à souligner que «le guichet unique national ne renvoie pas à l’histoire de l’ancien Conseil national d’investissement (CNI), parce qu’avant, à un certain montant, on était obligé de faire passer ces investissement de gros montants par la délibération du CNI. Maintenant, dans le nouveau code de l’investissement, le guichet unique national est différent. Il va fonctionner avec la plateforme numérisée, etc., et il va répondre dans un délai fixé à un mois. Donc, ce n’est plus la bureaucratie du CNI d’avant». Il a indiqué vouloir donner cette précision pour lever tout amalgame, dans la mesure où «une certaine confusion» pourrait être faite avec «l’ancienne prérogative du CNI qui statuait sur les gros investissements qui dépassaient un certain montant».
Pour le financement du Solar, «il y a effectivement dans les décrets exécutifs de la loi sur l’investissement, des textes concernant les projets structurants qui prévoient un financement participatif. Cela veut dire que même l’Etat peut financer au même titre que le privé les infrastructures de l’investissement», a-t-il dit, ajoutant que «le Solar peut être financé dans ce cadre, avec un apport de l’Etat».
Selon M. Achir, «on peut dire qu’il il y a une brèche ouverte avec ce texte d’application qui dit que l’Etat peut être partie prenante dans le financement d’un projet structurant qui a des retombées structurelles sur l‘économie, en termes d’emploi, de création de richesses», cela d’autant qu’une attention particulière est accordée au développement des énergies nouvelles et renouvelables qui constituent «une priorité pour l’Etat» et qui ne sont d’ailleurs «pas concernées par la règle des 51-49%».
Intervenant à ce propos, Boukhalfa Yaici, directeur général du Cluster énergie solaire, a précisé que lorsqu’on parle de financement de l’Etat, il ne faut pas confondre avec un financement sur fonds du Trésor public. «C’est à travers les banques publics que le financement peut s’effectuer».
La problématique du financement du Solar 1000 MW, c’est qu’il «nécessite des ressources à longue durée. Or dans notre système bancaire, nous n’avons pas ce mécanisme», a-t-il expliqué. Il poursuit, en affirmant que les banques financent déjà des projets de 7-8 ans à des taux très élevés, alors que des projets comme ceux des énergies renouvelables nécessitent des financements qui doivent, probablement, être remboursés sur une douzaine d’années. Ainsi, le problème se situe, selon M. Yaici, dans «la disponibilité des ressources au niveau des banques pour qu’elles puissent, ensuite, prêter aux investisseurs». «Or ce mécanisme n’existe pas», a-t-il réitéré.
Propositions pour un financement durable
Il y aura «probablement la mise sur pied d’une banque locale nationale qui sera épaulée par le Trésor public : c’est-à-dire en cas de défaillance du client, la banque va se tourner vers le Trésor pour éponger le non-remboursement ou le déficit qu’elle aura subi».
Par ailleurs, un autre aspect est à prendre en considération pour le Solar, selon le directeur du Cluster énergie solaire. Etant donné que le projet concerne une production globale de 15.000 MW devant durer jusqu’à 2035, il préconise de trouver une solution définitive et non un palliatif. Pour le Solar, il s’agit de «trouver 800 millions de dollars qui seront prêtés par le secteur bancaire», ce qu’il estime être «suffisant» pour le démarrage» du projet.
«Aujourd’hui, il y a une solution qui se profile. Mais le plus important, c’est qu’il faille assurer la durabilité du financement, et non que ce soit fait sur injonction ou autre, et ce, pour être sûr de pouvoir financer, par la suite, les 14.000 MW, outre ceux du Solar 1000», a souligné M. Yaici.
Pour assurer une durabilité des financements qui sera à même de garantir la pérennité du programme du grand projet de 15.000 MW, le directeur du Cluster énergie solaire propose la création d’«un fonds souverain qui pourrait recevoir des dinars algériens ainsi que des devises de la part des banques multilatérales, comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement» ou bien la création d’une banque qui sera dédiée aux énergies vertes».
En attendant d’y voir plus clair, le projet Solar est toujours en stand-by, l’option de son financement n’étant toujours pas clarifiée par les parties concernées, au moment où les potentiels investisseurs dans le domaine du photovoltaïque ont déclaré souhaiter mobiliser des fonds sur les marchés mondiaux. Au moment, également ou Shaems, le maitre d’ouvrage du projet, n’a toujours pas donné de date pour l’ouverture des plis des offres relatives à ce projet. n