Le Premier ministre Abdelaziz Djerad semble très conscient de la nécessité de recourir à des ressources supplémentaires, actuellement indisponibles, pour financer son plan d’action.
Un plan dont la mise en oeuvre suppose des dépenses budgétaires très importantes pour financer en particulier la réalisation de 1 million de logements entre 2020 et 2024, le programme spécifique prévu pour la jeunesse et le plan d’urgence pour corriger les inégalités en matière de développement, notamment les disparités en termes d’infrastructures entre les différentes régions du pays, le Nord par rapport au Sud et aux Hauts-Plateaux. Tel est le premier constat.
En effet, dans ses réponses aux députés qui, pour la majorité, ont soulevé cette question peu avant l’adoption de la feuille de route du gouvernement, Abdelaziz Djerad a précisé ses intentions sur le sujet. D’abord, il n’exclut pas l’option de l’endettement extérieur pour financer en partie les projets prévus par ce programme gouvernemental. Interrogé par la presse sur les options de financement de son plan d’action, le Premier ministre a affirmé, rapporte l’APS, qu’il est possible de recourir à des financements extérieurs à long terme qui ne touchent pas à la souveraineté du pays. « Nous allons vers l’argent qui existe un peu partout dans le monde sans toucher à notre souveraineté ». Il a évoqué en l’occurrence le possible recours aux financements de la Banque africaine de développement (BAD) et des Fonds arabes d’investissements qui donnent des prêts, selon lui, à des taux d’intérêts très faibles « qui ne touchent pas à notre souveraineté et ne remettent pas en cause les fondements de notre politique économique ». Traduire, ces sources de financement ne comportent pas des conditionnalités qui puissent limiter le pouvoir de décision du gouvernement ou, en un mot, remettre en cause l’indépendance du pays en matière de décision économique. Le gouvernement Djerad compte recourir également à d’autres options pour financer son plan d’action, a-t-il ajouté. Outre les financements extérieurs, il existe d’autres niches de financement existantes en Algérie. Il a cité le recours à l’argent de l’informel, c’est-à-dire du marché parallèle ou en d’autres termes l’argent circulant hors des circuits bancaires. « Nous avons de l’argent qui existe en Algérie et qui peut être récupéré à travers les réformes des systèmes bureaucratiques, de la fiscalité du pays.
Nous avons également la possibilité de récupérer beaucoup d’argent existant dans le circuit informel qui compte des centaines de milliards de dinars. En ce sens, le recours à la finance islamique constituera l’un des moyens pour drainer cet argent ». Le développement de la finance islamique sera un domaine que le gouvernement renforcera fortement.
En résumé, le gouvernement, a-t-il précisé, compte diversifier les ressources financières du pays par l’augmentation du recouvrement fiscal, la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale et la révision du système des avantages fiscaux. Les efforts du gouvernement seront axés sur la mobilisation de ressources supplémentaires, le drainage de l’épargne et la masse monétaire circulant sur le marché parallèle.
« Mon gouvernement n’est pas un gouvernement de fausses promesses »
Toutes ces sources de financement demande, nous semble-t-il, un mode d’emploi qui n’est précisé ni par le plan d’action ni par les réponses du Premier ministre aux députés et à la presse. Par exemple, une trajectoire budgétaire pluriannuelle est indispensable pour la visibilité des futurs emprunteurs extérieurs. Le gouvernement Djerad n’a pas encore tracé jusqu’ici ce cadrage budgétaire à moyen terme. En outre, les mécanismes financiers pour drainer l’argent de l’informel, du moins l’approche détaillée pour mobiliser cette masse monétaire, n’est pas encore définie. Le Premier ministre occulte le nécessaire recouvrement de la confiance pour attirer cet argent et le poids des lobbies et des forces de l’argent qui risquent de freiner les efforts du gouvernement en matière d’élargissement de l’assiette fiscale et d’amélioration du recouvrement fiscal et de lutte contre l’évasion et la fraude fiscale. Le gouvernement Djerad sera jugé à l’aune de sa capacité à contraindre les contribuables qui échappent au fisc ou qui sous-déclarent leurs transactions ou leurs revenus à payer leur impôt comme les autres contribuables, faut-il le souligner. « Mon gouvernement n’est pas un gouvernement de fausses paroles mais un gouvernement de franchise et de vérité. » Prenons acte de cette déclaration. Espérons qu’à l’épreuve du terrain, ces résolutions se transforment en actions concrètes au bénéfice de la redynamisation de l’économie nationale et du bien-être de la majorité de la population.
A noter enfin, une question importante à laquelle a répondu le Premier ministre, celle relative aux priorités et délais d’exécution du plan d’action. La réunion walis-gouvernement décidée par le Président de la République « définira les mesures et fixera avec précision les délais d’exécution du plan d’action », a-t-il indiqué. Les observateurs de la scène économique seront ainsi mieux fixés sur les priorités du gouvernement et sur les échéances en matière de mise en oeuvre des actions inscrites dans le programme du gouvernement Djerad. Néanmoins, cette rencontre, prévue dans les prochains jours, saura-t-elle transcender les limites de ce document dont plusieurs parties renvoient à des généralités qui auraient pu être surmontées ou enrichies par l’apport de spécialiste ou d’experts algériens, dont la compétence est reconnue en Algérie et à l’étranger ?
Quant à la question du problème de la fiabilité des chiffres officiels, le Premier ministre a indiqué que le gouvernement a mis à la tête de ses priorités, le développement d’un système national d’informations statistiques économiques et sociales permettant de transformer dans un proche avenir les axes de son plan d’action en programmes sectoriels définis avec des délais d’exécution stricts. Rêve ou réalité ? En effet, la mise en place de système d’informations statistiques efficace ou fiable est un chantier qui demande du temps.