La tendance expansionniste du budget de l’Etat n’a pas été réprimée dans cet avant-projet de loi de finances complémentaire 2021. Résultat. Le déficit du Trésor représentera 20% du PIB.
Par Khaled Remouche
Le document introductif à l’avant-projet de loi de finances complémentaire (LFC) 2021 affiche d’énormes déficits du budget et du Trésor pour l’année en cours, respectivement 3 310 milliards de dinars et 4 140 milliards de dinars, soit 20% du PIB. En augmentation de 560 milliards de dinars par rapport à la loi de finances initiale. Ce qui dénote la persistance pour l’année en cours d’une situation financière très tendue.
Le texte indique que les besoins de financement non couverts par les recettes de l’Etat se situent à 3 900 milliards, soit plus de 30 milliards de dollars. Un trou financier sans précédent. Le document de présentation de l’avant-projet LFC 2021 ne nous dit pas comment le gouvernement Djerad compte-t-il financer ce considérable déficit du Trésor qui constitue le véritable déficit. Il semble clair que les solutions monétaires telles que le recours aux dividendes de la Banque d’Algérie ne seront pas et de loin suffisantes à couvrir ce solde négatif. Le gouvernement Djerad pourrait, face à l’absence d’autres options, s’acheminer vers le recours à la planche à billets ou financement non conventionnel pour couvrir les dépenses en forte hausse comme ce fut le cas pour le gouvernement Ouyahia. Une alternative rejetée par un large cercle d’économistes pour ses effets inflationnistes.
Il existe d’autres alternatives certes telles que les emprunts publics, mais compte tenu des effets de la crise sanitaire et de la crise économique, il existe une crise de liquidité bancaire et un état de ressources financières détenues par les grandes entreprises en forte baisse. Ce qui écartait cette option en raison des risques d’échec élevés de ces opérations en cette période de pandémie. L’autre alternative est l’endettement extérieur. Mais l’Algérie ne semble pas prête à court terme de s’engager dans cette voie, du moins pour les six prochains mois, à notre avis. La finance islamique ne semble pas également mûre. Elle n’en est qu’à ses débuts et ne pourrait donc pas couvrir par les ressources collectées cet énorme déficit. L’avant-projet de loi de finances 2021 semble annoncer, cependant, une baisse importante des dépenses de fonctionnement courant 2021, voire en 2022. Il prévoit 50 milliards de dinars à titre de compensation au profit des ménages à faibles revenus à la suppression des subventions qui pourrait intervenir, selon le document, au second semestre 2021, comme indiqué dans notre édition d’hier. En clair, les ménages à revenus modestes bénéficient d’une aide financière en compensation de la libération des prix, principalement du lait, du pain, de la farine, de la semoule et de l’huile. Mais la question est de savoir si le mécanisme de ciblage, sur lequel bute l’application de cette mesure depuis 2015-2016, sera prêt au second semestre de l’année en cours ? Autrement dit, il se pose toujours le problème d’identification ou de ciblage des ménages à faibles revenus. Le document affiche également une autre prévision optimiste : la balance des paiements enregistrera un déficit d’environ 3 milliards de dollars fin 2021. Ce qui signifie une quasi stabilisation du niveau des réserves de change estimées à 42 milliards de dollars. Un pari très difficile, quand on sait qu’il ne sera pas facile de réprimer le niveau des importations de marchandises et de services en raison du caractère extraverti de notre économie nationale. Autre observation : le gouvernement projette un prix du baril de 45 dollars pour l’année 2021 alors que pendant le premier semestre les prix du pétrole ont dépassé les 65 dollars. Ce qui veut dire que les ressources financières issues du différentiel entre le prix fixé par l’avant-projet de LFC 2021 et le prix réel sur le marché iront, si la tendance optimiste des marchés pétroliers persiste au second semestre, alimenter le Fonds de régulation de recettes. Ce qui pose encore la question de la transparence dans l’utilisation de cet excédent financier. Comment sera-t-il dépensé ?